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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demande émane d’une mère de deux enfants, actuellement en instance de divorce. Les parents ont la garde partagée des enfants. La demandeuse précise que son ex-compagnon a récemment demandé la garde exclusive des enfants auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF). D’après la demandeuse, le père l’accuserait de « maladie mentale ».

Dans ce contexte conflictuel, un document rédigé par une psychologue a été produit à la demande du père concernant l’un des deux enfants dans le cadre d’un suivi psychologique. Ce document, joint à la demande, est intitulé « bilan des consultations de psychologie et de thérapie de l’enfant XX ».

La demandeuse précise que l’un de ses enfants a rencontré cette psychologue à la demande du père. Elle aurait, par ailleurs, cherché à rencontrer cette professionnelle plusieurs mois après le début du suivi, mais la rencontre n’aurait pas pu avoir lieu. Après des échanges à distance, la psychologue aurait refusé de la recevoir, estimant ne pas pouvoir «  travailler dans ces conditions et toute tentative de manipulation ». La mère s’adresse à la Commission au sujet du contenu de l’écrit de la psychologue qu’elle juge diffamatoire à son égard, alors qu’elle ne l’a jamais rencontrée, et souhaite connaître les recours éventuels qui lui sont possibles. La demandeuse souhaite également que la Commission l’éclaire sur le fait que la psychologue aurait suivi l’un de ses enfants sans n’avoir jamais demandé son accord.

Documents joints :

  • Copie d’un document intitulé « bilan des consultations de psychologie et de thérapie de l’enfant XX » rédigé par une psychologue.
  • Copie d’échanges de SMS entre la demandeuse et la psychologue.
  • Copie d’un courriel de la psychologue adressé au père.
  • Copie d’un courriel de la demandeuse adressé à la psychologue.
  • Copie d’un courriel du père adressé à son avocat.
  • Copie d’un document intitulé « extrait conclusion ».
  • Copie d’un document intitulé « attestation » rédigé par la psychologue.
Posté le 26-03-2023 17:11:10

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2021

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Discernement
- Impartialité
- Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Interventions du psychologue dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents.

 

Interventions du psychologue dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents.

Lors d’un suivi, le psychologue peut être amené, à son initiative ou à la demande d’un tiers, à rédiger des documents de diverses natures. Ceux-ci relèvent d’un acte professionnel engageant la responsabilité du professionnel au sens du Principe 5 du Code :

Principe 5 : Responsabilité et autonomie professionnelle

« Dans le cadre de sa compétence professionnelle et de la nature de ses fonctions, la·le psychologue est responsable, en toute autonomie, du choix et de l'application de ses modes d’intervention, des méthodes ou techniques qu'elle·il conçoit et met en œuvre, ainsi que des avis qu’elle·il formule. 

Elle·il défend la nécessité de cette autonomie professionnelle inhérente à l’exercice de sa profession notamment auprès des usagers, employeurs ou donneurs d’ordre. Au préalable et jusqu’au terme de la réalisation de ses missions, elle·il est attentif·ve à l’adéquation entre celles-ci et ses compétences professionnelles. 

Elle·il peut exercer différentes missions et fonctions. Il est de sa responsabilité de les distinguer et de faire distinguer leur cadre respectif. »

 

Quel que soit son objet ou encore le contexte dans lequel il est rédigé, l’écrit d’un psychologue, transmis à un tiers, nécessite de prendre en considération l’usage qui peut en être fait, comme le rappelle l’article 15 qui engage à la prudence et demande l’assentiment de la personne concernée :

Article 15 : « La·le psychologue présente ses conclusions de façon claire et adaptée à la personne concernée. Celles-ci répondent avec prudence et discernement à la demande ou à la question posée. Lorsque ces conclusions sont transmises à un tiers, elles ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. L'assentiment de la personne concernée ou son information préalable est requis. »

 

Dans le cas présent, le document soumis pour avis à la Commission se présente sous la forme d’un compte-rendu de suivi établi par une psychologue « pour faire valoir ce que de droit ». L’établissement de ce document semble avoir été fait à la demande du père des enfants, que la psychologue a rencontré à plusieurs reprises dans le cadre d’un suivi thérapeutique d’un des enfants, et initié à la demande du père.

Ledit « compte-rendu » ne mentionne pas le numéro d’inscription sur les registres légaux en vigueur, le numéro ADELI. Il présente par ailleurs les autres indications demandées pour un écrit rédigé par un psychologue, comme mentionnées à l’article 18 du Code :

Article 18 : « Les documents émanant d'un·e psychologue sont datés, portent son identité, son titre, son numéro d’inscription sur les registres légaux en vigueur, ses coordonnées professionnelles, sa signature ainsi que la·le destinataire et l'objet de son écrit. Seul la·le psychologue auteur·e de ces documents est habilité·e à les signer, les modifier, ou les annuler. Elle·il fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

 

La Commission s’interroge sur l’adéquation entre l’objectif de l’écrit et certaines précisions anamnestiques, autres que celles concernant directement les personnes rencontrées. Par ailleurs, la psychologue reprend de nombreux verbatim de l’enfant. Pour la Commission la parole de celui-ci, dans un cadre psychothérapeutique, est à entendre mais il est nécessaire de s’interroger sur la pertinence de citer dans un écrit les propos d’un patient, ici d’un enfant, hors de ce cadre.

La psychologue décrit également une « attitude maternelle manipulatoire » et recommande « une expertise parentale psychiatrique ». L’emploi du présent et non du conditionnel dans cet écrit dénote un manque de prudence et d’impartialité, auxquelles invite le Principe 4 :

Principe 4 : Compétence

« La·le psychologue tient sa compétence : 

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 modifiée, relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; 

- de l’actualisation régulière de ses connaissances ; 

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans l’approche et la compréhension d’autrui. 

Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Elle·il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité déontologique de refuser toute intervention lorsqu'elle·il sait ne pas avoir les compétences requises. Quels que soient le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, elle·il agit avec prudence, mesure, discernement et impartialité. »

 

La demandeuse interroge également la Commission sur le fait que la psychologue ait « suivi » son enfant, sans en avoir été informée, ni avoir été sollicitée pour accord. En effet, s’il est fréquent qu’un seul parent soit présent lors d’un premier entretien, l’autre parent est réputé avoir consenti. En revanche, dans le cadre d’un suivi, les deux parents sont invités à donner leur accord, comme le précisent les articles 11 et 12 :

Article 11 : « Dans le cadre d’une pratique auprès d’un·e mineur·e, la·le psychologue s’assure autant que possible de son consentement. Elle·il recherche l'autorisation des représentants légaux dans le respect des règles relatives à l'autorité parentale. »

Article 12 : « La·le psychologue recevant un·e mineur·e, un·e majeur·e protégé·e, une personne vulnérable ou dont le discernement est altéré ou aboli, tient compte de sa situation, de son statut et des dispositions légales ou réglementaires en vigueur. Lorsque la personne n’est pas en capacité d’exprimer son consentement, la·le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse. »

 

La psychologue ne semble pas avoir tenu compte des recommandations des articles 13 et 17 du Code. En effet, en prenant appui sur les éléments recueillis auprès de l’enfant et du père, sans avoir rencontré la mère, elle a pu manquer de mise en perspective critique de ses appréciations concernant la dynamique familiale :

Article 13 : « L’évaluation relative aux personnes ne peut se réaliser que si la·le psychologue les a elle·lui-même rencontrées. La·le psychologue peut s’autoriser à donner un avis prudent et circonstancié dans certaines situations, sans que celui-ci ait valeur d’évaluation. »

Article 17 : « Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui la·le consulte ou à celle d'un tiers, la·le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir. Elle·il le fait dans le respect du secret professionnel et des dispositions légales relatives aux obligations de signalement. La·le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil, notamment auprès de confrères ou consœurs expérimenté·e·s. »

 

Soulignons cependant qu’un professionnel peut prendre la décision de refuser une demande de rendez-vous ou de prise en charge, dans le respect du Principe 5 cité plus haut. C’est en effet conforme à ce qu’autorise l’article 5 quand ce qui est demandé peut, le cas échéant, se révéler incompatible avec le cadre de la prise en charge. Cependant il est souhaitable que le psychologue oriente alors vers d’autres professionnels :

Article 5 : « En toutes circonstances, le psychologue fait preuve de mesure, de discernement et d’impartialité. Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences dans le respect du présent Code. S’il l’estime utile, il peut orienter les personnes ou faire appel à d’autres professionnels. »

 

La Commission rappelle que la complexité des situations de séparation parentale donnant lieu à des procédures judiciaires invite toujours le psychologue à faire preuve d’une certaine prudence. Pour cela, il peut s’appuyer sur le Principe 1 pour s’efforcer de faire reconnaître et respecter à la fois les parents comme leurs enfants dans leur dimension psychique :

Principe 1 : Respect des droits fondamentaux de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux libertés et droits fondamentaux garantis par la loi et la Constitution, par les principes généraux du Droit communautaire et par les conventions et traités internationaux. Il exerce dans le respect de la personne, de sa dignité et de sa liberté. Le psychologue s’attache à respecter l’autonomie de la personne et en particulier son droit à l’information, sa liberté de jugement et de décision. Toute personne doit être informée de la possibilité de consulter directement le psychologue de son choix ».

 

Pour la CNCDP

Le Président,

Antony CHAUFTON

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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