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Une mère sollicite l’avis de la Commission au sujet d’un « examen psychologique succinct » concernant son enfant âgé de sept ans, effectué par un psychologue à la demande du père.

Les parents sont séparés de longue date. Ils exercent l’autorité parentale de manière conjointe. La résidence habituelle de l’enfant est fixée chez la mère, le père ayant un droit de visite et d’hébergement élargi.

A la suite d’un entretien avec l’enfant et le père, le psychologue a rédigé un compte rendu dans lequel il formule des préconisations, notamment en termes de mode de garde et de soins psychologiques pour l’enfant. Le père a versé ce compte rendu au dossier d’une « requête introduite auprès du Juge aux Affaires Familiales visant à modifier son droit de visite et d’hébergement en le transformant en garde alternée ».

La demandeuse reproche au psychologue de ne pas l’avoir informée du rendez-vous pour son fils et critique le compte rendu de l’examen psychologique. Celui-ci serait imprécis (absence de repères temporels pour les faits relatés), erroné (erreur dans le prénom de la mère) et partial (« …présentant les faits de façon très clémente pour [le père]… »). La demandeuse reproche aussi au psychologue la présentation d’éléments à la fois matériels et psychologiques la concernant sans pour autant l’avoir rencontrée.

La demandeuse questionne enfin la CNCDP sur des faits susceptibles d’altérer l’appréciation du psychologue relative à la situation, comme l’affichage d’une spécialité qui ne concerne pas les affaires familiales, et son engagement dans une association défendant les droits des pères.

Documents joints :

  • Copie du rapport de l’examen psychologique de l’enfant

  • Copie d’un extrait de la revue d’une association défendant les droits des pères

  • Copie de la carte d’identité de la mère

Posté le 30-10-2014 16:45:07

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
- Discernement
- Évaluation (Évaluation de personnes que le psychologue n’a pas rencontrées)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Impartialité
- Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
- Mission (Distinction des missions)
- Probité
- Responsabilité professionnelle

A la lecture du courrier de la demandeuse et des pièces jointes, la Commission se propose de développer les problématiques suivantes :

  • L’intervention d’un psychologue auprès d’un mineur et l’implication des parents,

  • La responsabilité professionnelle du psychologue,

  • La rigueur et la prudence du psychologue dans la production d’écrits,

  • La compétence du psychologue.

  1. L’intervention d’un psychologue auprès d’un mineur et l’implication des parents

Préalablement à toute intervention, le psychologue s’efforce de recueillir le consentement éclairé de la personne qui le consulte. Cette démarche inclut une information sur l’intervention que le psychologue propose.

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Lorsque le psychologue reçoit des enfants en entretien, il doit aussi s’assurer du consentement éclairé des détenteurs de l’autorité parentale. Quand celle-ci est exercée par les deux parents, leur consentement est nécessaire, comme précisé dans l’article 11 du Code :

Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent […] le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux.

Dans des avis précédents, la Commission a pu expliquer que le consentement d’un seul des deux parents pouvait suffire dans les cas de consultation unique pour un conseil ou une évaluation, comme c’est le cas ici. Toutefois, dans le contexte présent de conflit parental, le seul consentement du père, sans information de la mère, risquerait d'exacerber le conflit.

Le psychologue précise dans son compterendu qu’il reste ouvert à la rencontre avec la mère si cette dernière en émet la demande. Néanmoins, les articles 9 et 11 (cités ci-dessus) mentionnent que c’est au psychologue de s’assurer du consentement « avant toute intervention ».

  1. La responsabilité professionnelle du psychologue

Dans la situation présentée, le psychologue qui exerce en libéral a été, par sa qualité de psychologue, membre d’honneur d’une association de défense des droits des pères.

Ces fonctions peuvent être menées en parallèle, mais le principe 3 précise qu’il est de la responsabilité du psychologue de les distinguer et de les faire distinguer :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

(…) Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement (…) des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

Ainsi, lorsqu’un psychologue reçoit un enfant et son parent dans l’objectif d’effectuer un examen psychologique, il doit distinguer cet examen de son activité associative présente ou passée. Les exigences d’intégrité et de probité précisées dans le principe 5 interdisentau psychologue d’utiliser les situationsprofessionnellespour défendre des causes relevant d’engagements personnels.

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, […] ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

Dans cette perspective, il est de sa compétence de veiller, autant que possible, à éviter toute partialité dans ses interventions.

Principe 2 : Compétence

(…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il [le psychologue] fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.

Dans la situation présente d’évaluation psychologique d’un enfant pris dans un conflit parental, la rencontre avec un seul des parents n’est pas un obstacle à la partialité si le psychologue agit avec rigueur et prudence.

  1. La prudence du psychologue dans la production d’écrits

L’article 17 du code de déontologie recommande la prudence dans la rédaction des conclusions transmises à un tiers :

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée (…)

La prudence des écrits est encore plus sensible dans les situations dans lesquelles la personne n’a pas été entendue comme c’est le cas ici.

Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même.

Si le compte rendu précise bien que la mère n’a pas été entendue, on peut s’étonner des faits rapportés la concernant, et surtout du parallèle effectué entre des faits défavorables qui lui sont attribués et des faits favorables attribués au père.

De même, puisque le psychologue préconise une enquête sociale et psychologique, on peut s’interroger sur les prises de positions ultérieures concernant le suivi psychologique de l’enfant et son mode de garde. La prudence voudrait que ces deux points soient exprimés en termes de pistes à explorer plutôt qu’en termes de solutions.

D’une manière générale, le Code préconise une prudence de la part du psychologue lorsque celui-ci rédige ses conclusions, et ce d’autant plus lorsque l’écrit va servir dans un contexte judiciaire de décision du mode de garde d’un enfant.

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes.

  1. La compétence du psychologue

Le psychologue non spécialiste des affaires familiales est-il compétent pour réaliser une évaluation d’enfant ?

Le principe 2 du code de déontologie pose que les compétences du psychologue relèvent d’une formation initiale conditionnée par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologie et d’une formation tout au long de la vie :

Principe 2 : Compétence

Le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- de la réactualisation régulière de ses connaissances ; (…)

L’article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985, modifiée par l’ordonnance n°2010-177 du 23 février 2010 - art. 14, relatif à l'usage professionnel du titre de psychologue, définit le statut de psychologue en référence aux diplômes obtenus et enregistrés (Décret n°2005-97 du 3 février 2005 - art. 1). Ceci suppose que la formation initiale suivie confère au psychologue les compétences requises pour assurer les différentes missions auxquelles il peut être confronté.

Ceci est précisé dans l’article 37 du code de déontologie, selon lequel la formation de psychologue est constituée d’un socle diversifié de compétences :

Article 37 : L’enseignement présente les différents champs d'étude de la psychologie, ainsi que la pluralité des cadres théoriques, des méthodes et des pratiques, (…)

De plus, l’article 3 évoque un large panel de compétences pratiques du psychologue :

Article 3 : Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. (…)

Toutefois, si le titre de psychologue garantit un socle de compétences suffisamment large, le psychologue doit actualiser régulièrement ses connaissances relatives à sa pratique professionnelle.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire SILVESTRE-TOUSSAINT

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