Fil de navigation

RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La Commission est saisie par la demande d’un père de deux filles âgées de 14 et 15 ans. Divorcé de leur mère depuis neuf ans, un mode de garde partagée avait été mis en place. Cependant, il y a un an, l’aînée des deux filles aurait manifesté le souhait de résider exclusivement chez sa mère avec un week-end sur deux chez son père.

Dans le même temps, ce dernier aurait souhaité « entamer une démarche d’aide auprès de tiers professionnel », médiateur et/ou psychologue, par rapport à des faits de violence de l’adolescente à l’égard de lui-même et de sa compagne. Face aux refus de sa fille aînée et de sa mère, le demandeur indique avoir « entamé une action en justice ».

Au mois de juin de la même année, il renonce à son droit d’hébergement partagé de l’aînée, puis demande à un Juge aux Affaires Familiales (JAF) la suspension temporaire de son droit de visite pour trois mois. Le JAF a refusé d’accéder à cette demande lors de l’audience du mois suivant. C’est à cette occasion que le demandeur aurait été informé par son ex-épouse de l’accord de leur fille pour finalement rencontrer un psychologue.

Le demandeur adresse alors, au cours de ce même mois, un premier courrier à la psychologue choisie par la mère, afin de lui signifier qu’il souhaiterait « vivement échanger » avec elle. N’obtenant aucune réponse, il réitère la démarche par deux fois au cours des deux mois suivants, pour un résultat qu’il dit identique. Il en informe alors le comité d’éthique de l’institut qui aurait assuré une formation de cette psychologue, ainsi que l’Agence Régionale de Santé (ARS) de sa région d’exercice.

Un dispositif de médiation avec la mère de ses deux filles se met en place durant cette période. C’est au cours du premier rendez-vous, au mois de février de l’année suivante, que le demandeur exprime son « inquiétude vis-à-vis de cette démarche thérapeutique » qu’il juge non-respectueuse de ses droits de père, mais aussi peu adaptée à la situation familiale. Il souhaite en conséquence un changement de psychologue, ce que son ex-épouse semble refuser.

Peu de temps après cette rencontre, la psychologue qui reçoit sa fille prend attache par téléphone avec lui. Il se serait agi d’un « monologue agressif et confus » de la part de la professionnelle qui, depuis lors, n’aurait plus souhaité échanger avec lui.

Il finit cependant par accepter, lors du second rendez-vous de médiation, que sa fille puisse continuer d’être reçue par cette même psychologue, bien qu’il émette « d’extrêmes réserves quant à son professionnalisme et la bienveillance nécessaire à son métier ». Dans le même temps, il réclame de pouvoir profiter d’une psychothérapie familiale, jugeant là cette approche plus appropriée par rapport à la problématique familiale.

Récemment, l’ARS l’aurait encouragé à saisir la Commission, ce qu’il fait, souhaitant voir celle-ci statuer quant au respect de la déontologie et des droits parentaux de la part de la psychologue.

Documents joints :

  • Copie du jugement rendu par le JAF.
  • Copie de trois courriers adressés successivement par le demandeur à la psychologue.

Copie du récépissé de recommandé joint à l’envoi du troisième courrier et portant connaissance du non-retrait du courrier par sa destinataire.

Posté le 12-10-2021 22:26:49

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un adolescent

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Respect de la personne
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Déontologie du suivi d’un enfant mineur dans le contexte d’un divorce.

Déontologie du suivi d’un enfant mineur dans le contexte d’un divorce.

Accueillir la demande d’un enfant mineur de la part du psychologue peut impliquer diverses personnes, et principalement ses parents. Si le psychologue a la possibilité de recevoir un enfant mineur qui en fait la demande, il doit tenir compte de la spécificité de son patient, celle de ne pas pouvoir jouir des mêmes droits que les adultes, comme le stipule l’article 10 :

Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. »

Si la fille aînée du demandeur semble avoir pris cette orientation, le contexte de divorce de ses parents a pu potentiellement interférer. Dans un tel contexte, le psychologue s’efforce de respecter la dimension psychique de chacune des personnes impliquées, ce que rappellent les articles 2 et 12 :

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter         la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes           psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. »

Article 12 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les        capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. »

Dans la situation présente, rien ne semble indiquer que la psychologue qui a reçu la fille aînée du demandeur n’ait contrevenu à ces dispositions. Pour autant, le demandeur pointe le fait de ne jamais avoir pu réellement discuter avec cette professionnelle, au contraire de son ex-épouse qui aurait été reçue avec sa fille. L’article 11 indique la nécessité de pouvoir recueillir le consentement et l'assentiment du mineur, ainsi que des personnes détentrices de l'autorité parentale:

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux. »

Or, selon les dires du demandeur, la psychologue consultée n’aurait pas donné suite à ses sollicitations de rencontre, afin que celui-ci puisse être écouté en lien avec la demande de sa fille.

Si tel est le cas, la Commission peut donc déplorer que la psychologue n’ait pas recherché le consentement des deux parents. Cela peut être interrogé car la psychologue avait sans doute connaissance du contexte familial et des faits de violence de la jeune fille sur son père et sa compagne.

Ainsi, la psychologue pouvait recevoir l’adolescente en entretien pour, par exemple, préserver la confidentialité des séances avec elle, sans obligation d’avoir à recueillir au préalable la parole du demandeur et se faire un avis sur les enjeux de la problématique familiale. Le psychologue est responsable du choix de ses modes d’intervention et de ses analyses comme le rappellent le Principe 3 et l’article 13 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ».

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. »

Cependant, lorsque le psychologue prend contact avec un parent, il ne peut s’autoriser aucun positionnement dépréciatif à son égard, comme l’a suggéré le demandeur dans la situation présente. La Commission ne peut que rappeler la nécessité absolue pour chaque personne d’être respectée dans sa dimension psychique comme inscrit dans le Préambule du Code :

Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. »

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

Recherche