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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La Commission est interpellée par un avocat, conseil d’une société impliquée dans une procédure judiciaire entamée par un ancien salarié qui accuserait son ex-employeur de « harcèlement moral ». Il souhaite plus particulièrement un avis au sujet d’une « attestation », établie par une psychologue et produite devant la Chambre sociale de la Cour d’appel par l’ancien salarié, qui mentionne « un contexte d’épuisement professionnel ».

Le demandeur reproche à cette psychologue d’avoir consigné dans son « attestation » des paroles de son patient qui sont contestées par l’employeur. La psychologue affirmerait un lien de causalité entre l’état de son patient et des évènements qu’elle n’a pu constater par elle-même. Pour lui, cette initiative s’apparenterait, dans le Code de santé publique, à la délivrance d’un document tendancieux ou de complaisance. Cet avocat a demandé à la psychologue de rectifier son écrit, ce que cette dernière a refusé de faire via son propre avocat.

À la lumière d’exemples de décisions, rendues par l’Ordre des médecins dans des cas jugés similaires, le demandeur espère un positionnement de la Commission et de potentielles sanctions disciplinaires vis-à-vis de cette psychologue.

Documents joints :

  • Copie du document rédigé par la psychologue, oblitéré par le tampon du cabinet du demandeur.
  • Copie du courrier rédigé par le demandeur à l’attention de la psychologue, la mettant en demeure de rectifier son document.
  • Courriers complémentaires du demandeur, adressés à la Commission au sujet du traitement de l’avis, au titre de relance de la présente demande et adressant des pièces complémentaires.
  • Copie d’une « plainte disciplinaire » de la part de la société devant l’Ordre national des médecins à l’encontre d’un médecin, ayant rédigé pour le compte du même salarié un « certificat médical » jugé tendancieux.
  • Copie de la « lettre de consultation », rédigée par le médecin.
  • Copie du procès-verbal de la réunion de conciliation, établi par l’Ordre des médecins ayant considéré que la « lettre de consultation », rédigée par le médecin n’est pas conforme aux règles de santé publique.
Posté le 12-10-2021 20:29:16

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Procédure judiciaire entre un psychologue et son employeur

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Discernement
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Aspects déontologiques relatifs à la rédaction d’une « attestation » produite dans le cadre d’une procédure judiciaire.

Aspects déontologiques relatifs à la rédaction d’une « attestation » produite dans le cadre d’une procédure judiciaire.

 

En préambule, la Commission tient à rappeler que les psychologues ne sont pas des professionnels para-médicaux. En ce sens, ils ne sont pas soumis aux principes posés par l’Ordre des médecins et ne peuvent donc être sanctionnés par ce dernier. Par ailleurs, si la profession de psychologue a été intégrée au Code de santé publique depuis 2016, ceci ne concerne que les psychologues qui exercent dans le cadre hospitalier et ce, à propos de certains aspects de leur pratique seulement. La Commission s’est néanmoins saisie de la demande en regard des règles déontologiques adoptées par la profession en mars 1996, actualisées en février 2012.

Toute intervention du psychologue comme la production d’un document écrit, doit faire preuve de prudence et de discernement tels que posés par le Principe 2 du Code :

Principe 2 : Compétence

 

« Le psychologue tient sa compétence : […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Ceci se complète, dans l’exercice de sa fonction, du fait de répondre personnellement de ses choix et actes engagés à titre professionnel, tel que le précise le Principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

 

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Face à la demande de produire un écrit, se pose toujours la question de savoir non seulement de la part de qui provient cette demande, mais aussi l’objectif explicite voire implicite qui est visé. Dans le cas présent, la psychologue a été sollicitée par une personne pour une difficulté psychologique. La professionnelle a rédigé un document dont l’objet est mentionné comme suit : « attestation de prise en charge – facture acquittée ».

Une attestation a généralement pour but de certifier qu’un patient a été reçu une ou plusieurs fois, que le suivi continue ou non. Il est d’usage que ce type de document soit remis en main propre à l’intéressé accompagné de la mention « pour faire valoir ce que de droit ». Un tel document doit également être établi en conformité avec ce que préconise l’article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

Dans le cas présent, l’écrit de la psychologue, qui comporte le recensement de quatorze séances de « thérapie verbale », est rédigé à la date du dernier rendez-vous réalisé. Il ne souffre d’aucun défaut de respect des normes évoquées ci-dessus.

En revanche, même pour un document aussi formel qu’une attestation, qui plus est lorsqu’il a connaissance d’une procédure judiciaire, le psychologue, comme le rappelle le Principe 2, déjà cité, est invité à observer une démarche prudente et mesurée.

Dans son écrit, la psychologue a mis en avant que les entretiens « se situaient dans un contexte d’épuisement professionnel », notant par ailleurs qu’« après un arrêt cette démarche a été réitérée […] du fait d’un contexte professionnel à nouveau délétère pour » son patient. Ce sont des propos assumés, rendant compte du contexte présenté par son patient et de l’observation de son état psychique. Ces éléments semblent effectivement bien établis sur la base du discours de celui-ci, recueilli en séance, à partir duquel la psychologue a fondé son avis et son évaluation. En cela, ils respectent ce qu’édicte l’article 13 :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. »

Néanmoins, la parole d’une personne reçue au cours de séances de psychothérapie doit s’entendre comme une construction subjective. Elle renvoie à ce que le patient pense de son état et de l’origine qu’il donne à son mal-être. Ceci doit être distingué de la réalité des faits relatés. Le psychologue doit pouvoir considérer les aspects subjectifs d’une situation tout en estimant, leur caractère relatif au vu du contexte présenté, en accord avec ce que propose l’article 25 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Dans la situation présente, la psychologue a reçu à plusieurs reprises un homme qui, selon elle, était dans une souffrance qu’elle a jugée en lien avec ses conditions de travail. Si elle pouvait légitimement formuler cette idée, cela aurait pu rester au stade d’une hypothèse.

La Commission estime que cette psychologue aurait pu redoubler de prudence au moment de la rédaction de son écrit, en précisant le fait que le contexte décrit était basé sur les propos de son patient. Elle pouvait parallèlement rendre compte de sa propre conviction quant à la véracité des faits décrits sans toutefois les attester.

Plus généralement, la prudence rédactionnelle permet au psychologue de se prémunir du risque de mésusage de ses écrits quelle qu’en soit leur nature.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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