Fil de navigation

  1. La demandeuse, au cours d'une hospitalisation libre en psychiatrie, a été suivie pendant plusieurs mois par une psychologue de l'établissement dans lequel elle séjournait. Elle estime que, pendant ce suivi, la psychologue "est sortie du cadre thérapeutique" en lui "laissant comprendre qu'elle éprouvait de l'amitié" pour elle. Elle rapporte avoir "fait remarquer" à la psychologue qu'elle ne pouvait plus être sa thérapeute. Cette dernière lui a opposé qu'un tel changement était compliqué et risqué pour sa propre carrière.

  2. En outre, la demandeuse signale que, plusieurs années après cette hospitalisation, la psychologue cherche à renouer une relation amicale avec elle contre son gré.

  3. La demandeuse souhaite obtenir l'avis de la Commission sur ce qu'elle qualifie de "comportement inadapté et non professionnel" de la part de la psychologue.

Documents joints :

  • Copie d'un échange de courriels entre la demandeuse et la psychologue

  • Copie de cinq courts messages écrits adressés par téléphone portable (sms) à la demandeuse par la psychologue.

Posté le 19-12-2015 11:13:06

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2014

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie

Questions déontologiques associées :

- Abus de pouvoir (Relations d'ordre privé avec un patient)
- Accès libre au psychologue
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
- Respect de la personne
- Responsabilité professionnelle
- Traitement psychologique de personnes liées au psychologue

Après examen des éléments présentés par la demandeuse, la Commission a choisi de faire porter son avis sur les points suivants :

- L’implication personnelle du psychologue dans la relation au patient,

- L'autonomie du patient dans la relation au psychologue.

L’implication personnelle du psychologue dans la relation au patient

  1. Comme cela est rappelé dans le Principe 2 du Code, la capacité du psychologue à prendre du recul par rapport à son implication personnelle dans la compréhension de la vie psychique de son patient, fait partie de sa compétence professionnelle.

Principe 2 : compétence

Le psychologue tient sa compétence […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui […].

  1. L'implication personnelle est inhérente à la relation psychothérapeutique psychologue-patient. Mais quand le psychologue ne contrôle pas les manifestations de sa subjectivité à l'égard de la personne prise en charge, la confusion s'installe entre relation d’ordre professionnel et relation affective entre personnes.

  2. Dans le Code, ce risque de dérive relationnelle "à des fins personnelles", pouvant aller jusqu'à "l'aliénation affective ou sexuelle d'autrui", est mis en rapport avec la position du psychologue. La relation asymétrique entre le psychologue et son patient place ce dernier dans une situation de dépendance.

Article 15 : Le psychologue n'use pas de sa position à des fins personnelles, de prosélytisme ou d'aliénation économique, affective ou sexuelle d'autrui.

  1. Cet interdit rejoint l'injonction adressée au psychologue dans le Code, au nom du principe de probité, "de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles".

Principe 5 : Intégrité et probité

Le psychologue a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique.

  1. Si un lien de nature affective se crée au cours d'une prise en charge psychologique, allant jusqu’à une relation d'amitié dans la situation présentée, le respect de l'article 18 du Code de déontologie doit conduire le psychologue à interrompre la prise en charge :

Article 18 : Le psychologue n'engage pas d'intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. […]

  1. Il convient alors d’adresser le patient à un autre psychologue, selon les conditions énoncées dans l'article 22 du Code :

Article 22 : Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d'interrompre son activité, il prend, avec l'accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée.

L'autonomie du patient dans la relation au psychologue

  1. La demandeuse a estimé et a exprimé que la psychologue ne pouvait plus être sa thérapeute après avoir révélé ses sentiments amicaux à son égard. Elle rapporte les arguments avancés par la psychologue pour justifier et imposer malgré tout la poursuite de cette prise en charge. Ces arguments contreviennent au respect du Principe 1 du code de déontologie, qui recommande dans les trois extraits suivants :

Principe 1 : respect des droits de la personne

 […] [Le psychologue] s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision […]. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix […]. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées […].

  1. Ne pas prendre en considération le refus d’un patient à poursuivre la relation psychothérapeutique c’est, de la part du psychologue, agir sans tenir compte de l’autonomie, de la liberté de jugement et de décision de cette personne, ainsi que de la nécessité de son consentement. C’est aussi nier son droit de choisir son thérapeute. Ces agissements vont à l'encontre du respect de la liberté et de la dignité de la personne.

  2. En tout état de cause, lorsque le patient émet des réticences quant à la poursuite d'une prise en charge, la réponse du psychologue ne doit pas porter sur des inconvénients en terme de carrière mais plutôt sur l'analyse des raisons qui conduisent le patient à émettre ces intentions.

  3. Enfin, concernant les tentatives de la psychologue pour renouer le contact avec son ancienne patiente, la Commission ne s’autorise pas à donner un avis sur les relations privées entre deux personnes en dehors de tout contexte professionnel.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

Recherche