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La requérante est une psychologue qui travaille à mi-temps dans un service d’action éducative en milieu ouvert, « service mandaté par le juge pour enfant qui intervient dans le cadre de la protection de l’enfance en danger ». Il s’agit d’une « petite structure … ». La définition de son poste est précisée sur son contrat de travail par la mention suivante : « le travail spécifique de [la psychologue] est déterminé par le projet de service ».

Elle s’adresse à la Commission à propos de trois points relatifs à trois demandes et/ou projets envisagés par la direction :

- En raison du contrat à temps partiel de la psychologue et afin de répondre immédiatement à tout appel, le directeur demande à la psychologue la « [retransmission] [systématique] par écrit de la parole recueillie… » ; la direction souhaite en effet organiser la possibilité de « répondre immédiatement et précisément, en consultant [ses] notes, sur le travail engagé et son contenu » à une demande « en cas de difficultés particulières pour une situation donnée ». Sur ce sujet, si la requérante reconnaît la nécessité « d’une trace écrite rendant compte d’un travail d’évaluation (…) », elle évoque également le temps de « l’élaboration lui apparaissant antinomique à l’immédiateté du compte-rendu demandé systématiquement ». Elle pose également la question déontologique du respect du secret professionnel.

- En l’absence de « l’éducateur référent de la famille concernée », « lors d’une audience au tribunal pour enfants », la direction demande à la psychologue de représenter le service.

- La « permanence éducative (réponse aux appels téléphonique et aux situations dites d’urgence qui peuvent aboutir à une décision de protection d’enfant sous forme de placement d’urgence) » assurée « seul » par la psychologue en période de vacances.

Lorsqu’à propos de ces deux derniers projets, la psychologue a « nommé la nécessité de différencier la place et le rôle de chacun dans son utilité structurante pour les usagers », elle rencontre « un accord sur ces arguments conjugué à une demande de « solidarité » vis-à-vis des autres professionnelles. Ainsi, en cas de « nécessité de service » le directeur s’arroge le droit d’injonction à [son] adresse pour représenter le service auprès du tribunal pour enfants » . En outre, « la direction [lui] reproche d’offrir des résistances aux demandes qui [lui] sont ainsi adressées et au travail, [lui] ayant laissé entendre à deux reprises une menace orale de motif de rupture du contrat de travail ».
Dans ce contexte, la requérante se pose la « question des limites de chacun » et plus précisément « que suis-je en mesure d’accepter…dois-je me soumettre au respect du code de déontologie ?».

La requérante sollicite la Commission « afin d’obtenir un avis éclairé [lui] permettant d’affirmer un positionnement dans le service dans lequel [elle] travaille en qualité de psychologue, qui soit en accord avec la déontologie de ce métier ».

Posté le 11-02-2011 14:31:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Psychologue (Secteur Judiciaire)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Fonctions du psychologue/ Fiche de poste

Questions déontologiques associées :

- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Responsabilité professionnelle
- Signalement
- Autonomie professionnelle
- Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Mission (Distinction des missions)
- Spécificité professionnelle

La Commission retient les points suivants :

1. la transmission des informations
2. le respect de la spécificité des missions d’un psychologue dans le cadre d’un projet de service.

1. La transmission des informations

Concernant la transmission d’informations dans le cadre d’une équipe de travail, le psychologue doit veiller à respecter le Titre I.1 du Code de Déontologie des Psychologues selon lequel « le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel, y compris entre collègues ».

Les différentes notes prises par le psychologue constituent un outil d’élaboration de sa pratique, une utilisation des notes sorties de leur contexte tend à réduire ou à déformer le contenu contrevenant ainsi à l’Article 19 : « le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leu existence ». Par ailleurs, l’Article 12 rappelle que « le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel ».

Des outils de communication autres que la diffusion brute des notes du psychologue doivent toutefois dans un contexte d’urgence être conçus afin de permettre le travail en équipe et la continuité du travail même en l’absence du psychologue tout en respectant les prescriptions du Code de déontologie.
Toutefois, le cadre du travail particulier de ce service et les décisions judiciaires d’urgence de protection qui peuvent s’y rattacher peut également se rapporter à l’Article 13 : « le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale en matière de non assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l’application de la Loi toute situation qu’il sait mettre en danger l’intégrité des personnes.

Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou celle d’un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».

Il appartient donc au psychologue d’évaluer ce qu’il peut et/ou doit transmettre sans négliger la nécessité de travailler en équipe autour de situations complexes.

2. Le respect de la spécificité des missions d’un psychologue dans le cadre d’un projet de service

Face au risque de rupture du contrat de travail, le Code dans son Article 7 rappelle que « Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit ». Par ailleurs, en explicitant sa position, la requérante se conforme à l’Article 8 qui énonce que le psychologue « fait état du Code de déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels ».

La mention citée « le travail spécifique est déterminé par le projet de service » ne constitue pas a priori une infraction au Code de déontologie des psychologues dans la mesure où la dynamique spécifique d’une structure influe en partie la pratique du psychologue dans le choix de ses outils et méthodes d’intervention notamment. Toutefois, le psychologue doit être associé à tout projet d’élaboration de ses missions; en effet, l’Article 7 précise : « le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent Code, ni aux dispositions légales en vigueur ». La requérante devra donc veiller à ce que les nouvelles missions ne soient pas en contradiction avec les principes du Code de déontologie des psychologues.
Concernant les demandes de représenter le service auprès du tribunal ou bien d’assurer la permanence éducative auxquelles est confrontée la requérante, elles ne relèvent pas directement des missions habituellement confiées aux psychologues. Dans la situation présente où il s’agit d’une petite structure, le psychologue peut être amené à remplir d’autres fonctions et notamment celle de délégation de service. Cela ne contrevient pas d’emblée au Code de Déontologie sous réserve que le psychologue affiche clairement sa fonction et l’objet de sa mission comme le préconise l’Article 4 : « Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions, qu’il distingue et fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. Ces missions peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels ».

S’agissant du remplacement d’autres professionnels, l’Article 6 du Code rappelle que « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels ». Si le psychologue accepte, compte tenu de l’organisation de la structure, une certaine polyvalence, il doit veiller à ce que sa mission soit décrite et précisée aux usagers afin de clarifier la situation.

Fait à Paris, le 6 septembre 2003
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

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Avis 03-14.doc

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