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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE 

Dans le cadre d’un contentieux au Tribunal des Prudhommes, la demandeuse est opposée à son ex-employée qui a produit, dans ce contexte, un écrit d’une psychologue attestant d’un suivi « dans le cadre d’une consultation spécialisée » sur orientation du médecin du travail. La demandeuse en tant qu’employeur, interroge la Commission sur « l’inadéquation » de ce document avec les « obligations déontologiques » de la psychologue. L’employeur interroge le fait que cet écrit soit rédigé « en des termes laissant à penser qu’elle a été le témoin direct des faits rapportés ». Elle conteste aussi qu’une « qualification juridique » soit présente dans certains termes employés tels les mots « droits acquis » alors qu’une psychologue « n’est pas en capacité de juger la nature juridique des faits».

Document joint :

- Copie d’un écrit d’une psychologue avec le tampon d’un avocat.

Posté le 26-03-2023 17:19:45

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2021

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre psycho et patient/ tiers/ professionnel non psy

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Discernement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Secret professionnel

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Les écrits du psychologue dans le cadre d’une procédure prudhommale.

 

Les écrits du psychologue dans le cadre d’une procédure prudhommale.

La complexité des circonstances particulières des conflits au travail ne peut qu’inciter le psychologue à une grande prudence, mesure et impartialité comme l’indique le Principe 4 :

Principe 4 : Compétence

« La·le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par l’article 44 de la loi du 25 juillet 1985 modifiée, relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- de l’actualisation régulière de ses connaissances ;

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans l’approche et la compréhension d’autrui.

Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Elle·il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité déontologique de refuser toute intervention lorsqu’elle·il sait ne pas avoir les compétences requises. Quels que soient le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, elle·il agit avec prudence, mesure, discernement et impartialité. »

 

Par ailleurs, dans le cadre de sa pratique, le psychologue peut être amené à rédiger des documents de diverses natures, de sa propre initiative ou à la demande d’un tiers. Chaque écrit qu’il produit relève d’un acte professionnel qui engage sa responsabilité comme le précise le Principe 5 :

Principe 5 : Responsabilité et autonomie professionnelle

« Dans le cadre de sa compétence professionnelle et de la nature de ses fonctions, la·le psychologue est responsable, en toute autonomie, du choix et de l’application de ses modes d’intervention, des méthodes ou techniques qu’elle·il conçoit et met en œuvre, ainsi que des avis qu’elle·il formule.

Elle·il défend la nécessité de cette autonomie professionnelle inhérente à l’exercice de sa profession notamment auprès des usagers, employeurs ou donneurs d’ordre. Au préalable et jusqu’au terme de la réalisation de ses missions, elle·il est attentif·ve à l’adéquation entre celles-ci et ses compétences professionnelles. Elle·il peut exercer différentes missions et fonctions. Il est de sa responsabilité de les distinguer et de faire distinguer leur cadre respectif. »

 

L’écrit transmis à la Commission, contient la plupart des éléments recommandés par l’Article 18 :

Article 18 : « Les documents émanant d’un·e psychologue sont datés, portent son identité, son titre, son numéro d’inscription sur les registres légaux en vigueur, ses coordonnées professionnelles, sa signature ainsi que la·le destinataire et l’objet de son écrit. Seul la·le psychologue auteur·e de ces documents est habilité·e à les signer, les modifier, ou les annuler. Elle·il fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

 

Ce document n’indique pas d’objet mais est défini comme une « attestation ». Il y figure la mention « remis à … pour valoir ce que de droit » indiquant que l’écrit peut être remis à un tiers et vaut comme mention de destinataire.

Cette « attestation » s’apparente à une expertise destinée à établir l’existence d’un lien entre l’état actuel de la personne suivie par la psychologue et ce qui serait survenu dans son contexte professionnel.

La rédaction au présent narratif de ce document apporte une dimension factuelle et donne des informations très précises sur, d’une part le contexte de travail et d’autre part la symptomatologie présentée par la patiente avant et pendant la prise en charge. Cependant, le lien de causalité qui est suggéré puis clairement énoncé entre la dégradation de l’état psychologique de la salariée et les évolutions du contexte de travail pourrait être amené avec davantage de mesure. Cela aurait gagné en clarté en indiquant que toutes les informations dont la psychologue fait état ne reposaient que sur les dires de la patiente. La professionnelle aurait ainsi pu s’adosser à l’Article 13 qui enjoint de faire preuve de plus de réserve quand il s’agit de situations sur lesquelles on ne peut porter qu’un avis :

Article 13 : « L’évaluation relative aux personnes ne peut se réaliser que si la·le psychologue les a elle·lui-même rencontrées. La·le psychologue peut s’autoriser à donner un avis prudent et circonstancié dans certaines situations, sans que celui-ci ait valeur d’évaluation.»

 

Quelle que soit la cohérence possible des symptômes présentés par la personne avec les faits qui sont supposés en être à l’origine, la Commission rappelle la prudence nécessaire que recommande le Principe 4 précité, et sur laquelle le Principe 3 et l’article 15 insistent, notamment pour les conclusions transmises à un tiers :

Principe 3 : Intégrité et probité

« En toutes circonstances, la·le psychologue respecte les principes éthiques, les valeurs d’intégrité et de probité inhérents à l’exercice de sa profession. Elle·il a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique. Elle·il prend en considération les utilisations qui pourraient être faites de ses interventions et de ses écrits par des tiers. »

 

Article 15 : « La·le psychologue présente ses conclusions de façon claire et adaptée à la personne concernée. Celles-ci répondent avec prudence et discernement à la demande ou à la question posée. Lorsque ces conclusions sont transmises à un tiers, elles ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. L'assentiment de la personne concernée ou son information préalable est requis. »

 

À la différence des affirmations sur les effets « délétères » du contexte de travail sur la salariée, les hypothèses émises par la psychologue à la fin du document sur le travail possible de réhabilitation de sa patiente respectent pleinement l’Article 22 :

Article 22 : « La·le psychologue est averti·e du caractère relatif de ses évaluations et interprétations et elle·il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Elle·il émet des conclusions contextualisées et non réductrices concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

 

Ici, la psychologue a estimé que son engagement dans une mission de soutien psychothérapique au long cours était compatible avec une mission d’évaluation des effets du contexte de travail sur sa patiente. La Commission rappelle l’utilité de s’appuyer sur l’article 5 du Code pour orienter un patient ou faire appel à d’autres professionnels si nécessaire.

Article 5 : « En toutes circonstances, la·le psychologue fait preuve de mesure, de discernement et d’impartialité. La·le psychologue accepte les missions qu'elle·il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences dans le respect du présent Code. Si elle·il l’estime utile, elle·il peut orienter les personnes ou faire appel à d’autres professionnels.»

 

Pour la CNCDP

 Le Président,

Antony CHAUFTON

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