Le demandeur est le père d’un enfant de six ans, reçu par une psychologue travaillant au sein d’un centre de Protection Maternelle et Infantile (PMI), pour un suivi de plusieurs mois. Dans un contexte d’une procédure de divorce liée à des conflits dans le couple, le suivi psychologique de l’enfant aurait été engagé à l’initiative de la future ex-femme du demandeur, sans que ce dernier n’en soit informé. Le demandeur précise que le « rapport » rédigé par la psychologue s’est appuyé « sur les propos de la conseillère conjugale ». Il a été produit dans le cadre de la procédure engagée auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF) sur la base d’une Information Préoccupante (IP) rédigée par la conseillère conjugale. Il précise que l’écrit de la psychologue a « particulièrement abimé le lien avec [son] fils, bafoué [son] autorité parentale, la présomption d’innocence, [son] honneur et sa réputation ». Il ajoute, par ailleurs, que le JAF ne lui a accordé que des « visites […] en structure d’accueil médiatisée ». Le demandeur questionne la déontologie de la psychologue, plus particulièrement « sur la forme de l’analyse et du document ».
Documents joints :
Année de la demande : 2021 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
L’écrit du psychologue dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents d’un enfant mineur. Le code de déontologie des psychologues stipule que tout document rédigé par un psychologue doit clairement mentionner les éléments rappelés dans l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »
L’écrit rédigé par la psychologue et communiqué à la Commission, comporte les différentes mentions relatives à son identité professionnelle (nom, prénom, fonction, coordonnées et signature), mais le numéro ADELI de la professionnelle n’est pas précisé. Tout en indiquant qu’elle a connaissance du fait que le document rédigé est susceptible d’être produit en justice, la psychologue ne précise ni l’intitulé, ni la date de son courrier. Ces éléments auraient apporté des informations précieuses pour la compréhension de la situation. Ceci est d’autant plus vrai qu'au cours de son suivi, le psychologue respecte le but auquel il s’est assigné dans son intervention, ainsi le rappelle le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »
Lorsqu'une personne demande un écrit à un psychologue, ce dernier a la liberté d'accepter ou de refuser. Le propos peut être relatif à des personnes, comme à des situations, auxquelles il a pu cependant ne pas avoir un accès direct, comme le rappelle l’article 13. Dans ce cas, le psychologue est fondé à s’appuyer sur le Principe 3 pour rédiger son écrit : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner. » Principe 3 : Responsabilité « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit.»
Dans le cadre d’une séparation parentale, lorsqu’un psychologue reçoit l’un des membres du couple et accepte de rédiger un document, il veille à conserver la plus grande prudence et impartialité en suivant l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. […] ».
Dans ce type de situation, il est fréquemment observé qu’un seul parent soit présent avec l’enfant. Le psychologue peut alors relater des situations qui lui sont rapportées tout en veillant à faire preuve de prudence. Dans le cadre d’une Information Préoccupante (IP), il aurait été peut-être cependant judicieux d’informer le père et de le rencontrer afin de mieux évaluer et de mieux comprendre la situation. La psychologue aurait par ailleurs gagné à modérer ses déclarations en mentionnant par exemple de quelle manière les informations qu’elles contenaient lui étaient parvenues. De fait, elle ne disposait que des éléments rapportés par la mère et l’enfant, ce qui devait l’inviter à se référer à l’article 25 qui précise la nécessaire prudence avec laquelle le professionnel réalise son évaluation : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».
Dans la situation présentée, la psychologue ne semble pas avoir pris l’initiative d’un échange avec le demandeur, pourtant mentionné dans l’écrit. Par principe, la Commission rappelle que l’autre parent est réputé avoir consenti au suivi avec le psychologue, sauf s’il manifeste explicitement son désaccord, comme le précise l’article 11 : Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »
Enfin, la Commission souligne l’importance pour le psychologue d’être attentif et de reconnaître dans leur dimension psychique à la fois les parents mais aussi l’enfant, ainsi le stipulent le Frontispice et le Principe 2 du Code : Frontispice « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. » Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; - de la réactualisation régulière de ses connaissances ; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Pour la CNCDP La Présidente Michèle GUIDETTI La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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