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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le demandeur doit comparaître devant un tribunal au cours des prochains mois pour des violences envers l’enfant âgé de 10 ans qu'il a eu avec son ex-compagne. Dans l'attente, des visites médiatisées ont été mises en place entre lui et l'enfant.

Une expertise médico-psychologique familiale a été ordonnée par un Juge aux Affaires Familiales (JAF). Se basant sur les conclusions de celle-ci, l'avocat de l'ex-compagne du demandeur interpelle de nouveau le JAF, après une première tentative de rencontre médiatisée qui aurait été traumatisante pour l'enfant, et demande la suspension du dispositif jusqu'au réexamen de la situation.  

Le demandeur entend recevoir l'éclairage de la Commission qu'il « exhorte à procéder à une enquête » du fait d'un préjudice qu'il estime « colossale » sur sa propre vie et celle de sa fille. Estimant que la psychologue qui a mené l'expertise n'a pas respecté des fondements posés par le Code, il conteste l'attitude de celle-ci à son égard, ainsi que les conditions de tenue de l'exercice, et la validité du contenu de l'écrit qui a suivi.

Documents joints :

  • Copie d'un courrier d'un avocat représentant l'ex-compagne du demandeur.
  • Copie d'un document intitulé « Rapport d'examen médico-psychologique » du demandeur, de son ex-compagne et de leur enfant mineur, rédigé par une psychologue-experte.
Posté le 26-03-2023 10:49:29

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2021

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Discernement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Aspects déontologiques de l'expertise médico-psychologique familiale

            Aspects déontologiques de l'expertise médico-psychologique familiale

La Commission est saisie d'une demande d'enquête à propos des agissements d'une psychologue que le demandeur estime contraires au code de déontologie. Instance consultative, la Commission n'a pas pour mission de vérifier la véracité des observations réalisées par le demandeur. Elle ne peut donc que se limiter à la formulation d'un avis, sur la base de l'article 13 :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. »

A ce jour, aucune normativité n’est légalement prescrite aux psychologues experts mandatés dans un cadre judiciaire, médico-légal ou médico-social, pour réaliser leurs expertises. Néanmoins, malgré la pluralité des pratiques et des champs d'intervention, dont celle de l'expertise, l'outil principal du psychologue demeure l'entretien, ceci étant rappelé par l'article 3 du Code  :

Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien. »

Une fois mandaté par un magistrat, le psychologue définit le cadre et l’objectif de son intervention, en toute autonomie. Le choix des outils et méthodes lui appartient, comme le stipule le Principe 3, et il est de sa responsabilité professionnelle de les porter à la connaissance de chaque personne concernée, comme préconisé dans l’article 9 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Pour le demandeur, l'attitude de la psychologue a « dégradé l'ambiance de cette rencontre », allant d'« un jugement » le concernant émis préalablement à leur premier rendez-vous, jusqu'au fait de rendre « impossible de préserver la confidentialité » des échanges qu'il avait avec sa fille, puisque la mère et la grand-mère de celle-ci se trouvaient à proximité d'eux.

La réalisation d'entretiens dans le cadre d'une expertise comme la rédaction d'un rapport à la suite d'un tel exercice appellent au respect des droits fondamentaux de la personne et de son autonomie psychique. Ainsi y invite le Principe 1 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

Cela interroge la question de l’obligation du secret professionnel à l’égard de ce qui est confié dans le cadre d’une expertise. En effet, cet exercice n’exonère pas le psychologue de son respect tel que l’énonce le Principe 1 cité ci-avant et le rappelle l’article 7 :

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. »

Dans la situation présente, il aurait certainement été indiqué de mentionner en en-tête du document l'objet de cet écrit, comme le requiert l'article 20, à savoir la tenue d'une expertise médico-psychologique demandée par le JAF :

 Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

En outre, cette mention aurait aidé à préciser dans quelle mesure le Principe 6 et l'article 17 ont été pris en compte par la psychologue :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »

           

La Commission rappelle le fait que l'exercice d'une expertise est par définition, un contexte de contrainte. Il ne peut reposer uniquement sur la pleine adhésion des personnes auditionnées, mais exige le respect de leur intégrité, au sens de l’article 12 :

Article 12 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte […], le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. »

Enfin, comme pour toute pratique de la part du psychologue, ce dernier doit conserver à l'esprit combien ses conclusions demeurent relatives, comme le souligne l’article 25 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Cependant, dans la situation présente, rien ne permet de savoir dans quelle mesure les faits allégués par le demandeur sont avérés, encore moins par la seule prise en compte d'un rapport d'expertise. La Commission rappelle d'ailleurs, que le demandeur, comme son ex-compagne, étaient dans leur droit, en le notifiant de manière ad hoc, de refuser la tenue d'une telle expertise, et cela même avant la rencontre avec la psychologue.

                                  

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle Guidetti

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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