Une mère, séparée du père de ses enfants, sollicite la CNCDP sur les conseils d'un psychologue qu'elle a consulté. Sa demande concerne les pratiques de deux autres psychologues dans le cadre du suivi de deux de ses filles, l'une mineure et l'autre majeure. La demandeuse conteste les documents produits par les psychologues et utilisés par le père dans le cadre d'une procédure judiciaire concernant la garde des enfants. Elle considère ces document comme étant« en contradiction avec l'état dans lequel [elle a] laissé [ses] filles ».
Elle conteste les conclusions à son encontre car « ces personnes ne [l]'ont jamais rencontrée » et « les attestations ne sont étayées d'aucun certificat médical ». La demandeuse déplore aussi que les psychologues n’aient pas rencontré l’ensemble de la fratrie. Suite à sa demande de rencontrer la psychologue de sa fille mineure, elle s’est vu signifier par courriel un refus « pour l’équilibre psychologique » de cette dernière. En outre, la demandeuse indique respecter le refus de la part de sa fille majeure laquelle ne souhaite pas que sa mère rencontre la psychologue qui la suit.
La demandeuse formule des requêtes auprès de la Commission dans l'objectif de mettre fin au suivi de sa fille mineure. Elle conteste le contenu des documents produits par les deux psychologues, et souhaite que la Commission vérifie les numéros ADELI des psychologues.
Documents joints :
Copie d'un courrier d'un psychologue conseillant la demandeuse,
Copie d'un courriel de la psychologue de l'enfant mineure à la demandeuse,
Copie d'une attestation de la psychologue de l'enfant majeure,
Copie de la carte de visite de la psychologue de l'enfant majeure,
Copie d'un écrit de la psychologue de l'enfant mineure, remis au père de l'enfant,
Copie d'une lettre de la demandeuse à la directrice de l'école de l'enfant mineure,
Copie de l'accusé de réception de la lettre de la demandeuse à la directrice.
Année de la demande : 2013 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
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Au regard des éléments soumis à son appréciation par la demandeuse, la Commission développera plusieurs points de réponse :
La demande formulée à la Commission concerne deux types de suivis qu’il convient de différencier. Les deux suivis psychologiques évoqués, concernent une fillette d’une dizaine d’années et sa sœur âgée de 19 ans. Elles sont issues du même couple, en conflit suite à sa séparation mais leur situation au regard de la problématique évoquée est différente. Concernant la jeune femme, elle est majeure et peut donc consentir librement à rencontrer ou non un psychologue. Si le suivi a débuté avant sa majorité, elle peut selon ce principe choisir de l’interrompre ou de le poursuivre. La fillette de 10 ans est, quant à elle, soumise à une situation qui pourrait sembler paradoxale au regard de la loi d’une part, et de la déontologie des psychologues d’autre part. En effet, la situation dans laquelle elle se trouve impose au psychologue de tenir compte à la fois du respect de l’autorité dont jouissent ses deux parents et du consentement de la fillette. La prise en compte du consentement libre et éclairé de la personne qu’il reçoit est une priorité pour l’exercice du psychologue, un préalable à toute intervention, comme l’indique l’article 9 du Code de déontologie : Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. Cette considération première envers l’enfant mineur permet de lui expliquer l’enjeu de cette consultation ou de ce suivi. Elle permet également au psychologue de respecter l’obligation qui lui est faite de recueillir l’autorisation parentale en plus du consentement de l'enfant. Cette précision, en accord avec la loi, permet au psychologue de recevoir des demandes émanant de mineurs, comme le précise l’article 10 : Article 10 : Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. Dans ce cas précis, la séparation conflictuelle des parents ne doit pas faire obstacle à l’exercice de l’autorité parentale conjointe, les deux parents étant réputés agir de part et d’autre pour le bien commun de leurs enfants. On peut donc souhaiter qu'ils soient également informés conjointement du projet de prise en charge psychologique de l'enfant, afin de permettre au psychologue de s'assurer de leur consentement éclairé (article 9, déjà cité). Un suivi psychologique est certainement mené dans de meilleures conditions si les parents en acceptent le principe et y voient un intérêt. Un des parents peut souhaiter que le suivi d’un enfant soit interrompu. C’est le cas de la demandeuse qui souhaite l’arrêt du suivi de sa fille mineure. Le psychologue doit tenir compte de ce nouvel élément. Il recherche cependant dans des échanges avec le parent concerné, à faire prévaloir l'intérêt supérieur de l'enfant de manière à éviter l'arrêt du suivi, s'il l'estime encore nécessaire. Au sujet du consentement des détenteurs de l'autorité parentale, il est précisé dans l'article 11 du code de déontologie que : Article 11 : L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposé par le psychologue requiert outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. La recherche par le psychologue d'un accord préalable des deux parents prend donc ici toute son importance. Il peut également être utile de conseiller aux parents de prendre contact avec la personne qui avait posé l'indication de suivi, et qui peut à la fois donner son avis sur l'évolution de l'enfant et sur l'opportunité de poursuivre ou non celui-ci. De toute façon, un suivi ne peut être interrompu brutalement. Sa fin ou sa suspension doit être expliquée et travaillée avec l'enfant, même lors d'un seul entretien. Dans son intérêt, il est nécessaire qu'il éprouve que le point de vue de chacun des parents a été entendu et respecté par le psychologue.Il est également important qu'il puisse exprimer son point de vue, en fonction de son âge et de sa maturité. Il appartient au psychologue de comprendre ce que signifient les prises de position des parents par rapport à l'enfant et par rapport au suivi lui-même dans un pareil contexte.
Les psychologues assurant le suivi de la fillette de 10 ans et de la jeune femme de 19 ans ont tous les deux rédigé des documents, permettant d’attester du travail qu’ils ont effectué et des conclusions qu’ils émettent, concernant les deux enfants de la demandeuse. Là encore une distinction s’impose non sur la forme mais sur le fond du document. Si les parents d’un enfant mineur peuvent solliciter du psychologue une rencontre ou encore l’accès aux documents relatifs au suivi de leur enfant mineur, tel n’est pas le cas lorsque cet enfant est devenu majeur et devient seul dépositaire des documents le concernant. Ce contrôle de la personne qui consulte sur les documents issus de sa rencontre avec le psychologue est un des éléments permettant le maintien d’une relation de confiance. En effet, une relation privilégiée s’instaure entre le psychologue et la personne qu’il rencontre dans le cadre d’une intervention psychologique, qu’elle soit liée à une évaluation ou à un suivi. Aussi, et même si la demande de rencontre de la mère semble légitime, il appartient au psychologue d’expliquer en quoi cette rencontre ne lui semble pas justifiée, comme l’a fait la psychologue de l'enfant mineure dans un courriel. Dans le cas d’une évaluation d’un enfant mineur, l’article suivant du code de déontologie précise de surcroit que les personnes concernées (à savoir ici l’enfant et ses deux parents) peuvent remettre en cause l’évaluation et demander à ce qu’une seconde évaluation soit réalisée par un autre psychologue. Article 14 : Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre-évaluation. L’intérêt évoqué dans ces conflits n’est pas tant de satisfaire les requêtes des parties opposées au cœur d’un conflit parental que de permettre une lecture compréhensible des enjeux entourant l’enfant. Il est important que les éléments psychologiques permettant parfois pour un magistrat d’orienter les décisions concernant un enfant soient sérieusement argumentés. Le psychologue a la responsabilité du suivi et la clarté avec laquelle il expose ses conclusions (à l’enfant, aux parents, au magistrat) respecte la déontologie au regard de la complexité de la situation. Article 16 : Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. La logique des moyens permettant l’évaluation psychologique d’un enfant puis la rédaction d’un écrit en attestant, est là encore respectée et amène le psychologue à informer l’enfant et les détenteurs de l’autorité parentale que les conclusions de l’évaluation peuvent être transmises au magistrat. L’article 17 du Code de déontologie invite le psychologue à informer les parties concernées afin qu’elles puissent si elles le souhaitent formuler leur assentiment. Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. Il est ici rappelé l’importance pour un professionnel d'être mesuré dans ses écrits, ces derniers ne devant porter que sur les éléments psychologiques permettant d’éclairer les décisions du juge. 3. Les informations prises en compte par le psychologue.La demandeuse conteste les conclusions des psychologues sur deux points. Tout d'abord, elle évoque les conclusions la concernant formulées par les psychologues qu'elle n'a pas rencontrés. Sur cette question, un principe clair est énoncé dans l'article 13 du Code de déontologie. Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. Le psychologue se doit de faire preuve de prudence dans ses écrits et éviter des jugements sur les personnes qu'il n'a pas rencontrées. En outre, il est recommandé aux psychologues de mentionner sur leurs écrits l'objet et le destinataire, de manière à différencier un avis d'une évaluation. Ensuite, la demandeuse reproche aux psychologues d'établir certaines conclusions sans certificats médicaux. Ici, la première partie du principe 4 indique que le psychologue est seul responsable de ses modes d'intervention. Principe 4 : Rigueur Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. […] Il appartientau psychologue de décider d'utiliser ou non les documents émanant d'autres professionnels, comme un certificat médical, en fonction de son évaluation de la situation et de ce qu'il estime être le plus pertinent dans l'intérêt de la personne qui le consulte. De plus, le psychologue est conscient de la relativité et des limites de son travail, comme le préconisent la fin du Principe 4 et l'article 25 : Principe 4 : Rigueur [...] Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. 4. La mention du numéro ADELI sur les écrits du psychologue.Enfin, afin de répondre à la demandeuse, la Commission tient à rappeler que les documents émis par le psychologue doivent comporter un certain nombre d’éléments permettant de ne pas remettre en cause leur validité, surtout lors de la transmission à des tiers. Ces éléments sont précisés dans l’article 20 du Code : Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. Le numéro ADELI1, fait partie des éléments qu’il est important de mentionner sur tout document professionnel. Le préambule du Code de déontologie indique l’inscription réglementaire du psychologue dans l’usage d’un titre protégé par la loi. PREAMBULE L'usage professionnel du titre de psychologue est défini par l'article 44 de la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 complété par l'article 57 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 qui fait obligation aux psychologues de s'inscrire sur les listes ADELI. La Commission Nationale Consultative de Déontologie des Psychologues n'a pas pour mission de vérifier l’authenticité des documents qui lui sont fournis, ni même l’identité des personnes faisant usage du titre de psychologue. Il n'est pas dans son rôle d’assurer la vérification des numéros ADELI figurant sur les documents que lui soumet la demandeuse. Cette vérification peut être effectuée auprès de l'ARS2. Pour la CNCDP La Présidente Claire Silvestre-Toussaint 1Automatisation DEs LIstes : Répertoire des professionnels de la santé et du secteur social : www.sante.gouv.fr/adeli.html 2Agence régionale de santé |