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Le demandeur, conseillé par une psychologue qui assure son suivi depuis plus d’un an, adresse à la Commission un « rapport d’enquête socio-psychologique » requise par un juge aux affaires familiales (JAF).

Ce rapport fait suite à un appel interjeté par le demandeur concernant une première décision statuant sur les questions d’autorité parentale, de résidence et d’aménagement du droit de visite et d’hébergement relatives à deux enfants du couple maintenant séparé depuis plus d’un an.

Le demandeur souhaite un examen de ce rapport qui le concerne, dont la rédaction ne respecterait pas, « à [son] sens » « certains articles » du code de déontologie des psychologues. Il attend donc de la Commission un avis et « des conclusions » au sujet de ce rapport.

Document joint :

- Copie du « rapport d’enquête socio-psychologique » rédigé par une psychologue sur ordonnance d’un juge aux affaires familiales.

Posté le 29-10-2014 21:53:03

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2013

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’enquête

Questions déontologiques associées :

- Compétence professionnelle
- Discernement
- Respect du but assigné

Préambule : la demande ne comportant pas de questions précises, la CNCDP décide de répondre de manière globale au sujet des aspects formels de l'expertise.

La Commission propose de décliner son avis selon les trois points suivants :

  • Questions de méthodologie,

  • Contexte d’une enquête judiciaire,

  • Contenus des éléments transmis à des tiers.

    1. 1. Questions de méthodologie

De façon générale, le psychologue a le choix des méthodes et techniques qu’il utilise. Il porte la responsabilité de ce choix qu’il adapteen fonction des buts et missions fixées :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. (...)

Néanmoins, il convient que les méthodes et techniques utilisées soient explicitées et fondées sur des références partagées par la collectivité professionnelle et scientifique :

Article 24 : Les techniques utilisées par le psychologue à des fins d’évaluation, de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été scientifiquement validées et sont actualisées. 

Bien évidemment, la pratique du psychologue ne saurait se réduire à une application sans distance de ces méthodes et techniques :

Article 23 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques. 

La Commission rappelle au sujet de la méthodologie du psychologue un principe incontournable du Code :

Principe 4 : Rigueur

Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. 

    1. 2. Contexte d’une enquête judiciaire

Le rapport soumis à l’examen de la Commission est ordonné par un juge aux affaires familiales. Le psychologue qui accepte cette mission doit d’emblée préciser son statut d’auxiliaire de justice auprès des personnes qu’il aura à auditionner. Cette précision de la fonction d'expertise permet de différencier les pratiques d’accompagnement psychologique, de conseil, de psychothérapie notamment, et donc d’éviter toute confusion :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie 

(...) [Le psychologue] peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer.

De plus, il doit clairement informer les personnes concernées du contenu et des buts de sa mission ainsi que des destinataires de son rapport :

Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions.

Enfin, il informe la personne concernée du droit dont elle dispose à demander une nouvelle évaluation :

Article 14 : Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation.

    1. 3. Contenu des éléments transmis à un tiers

Dans un contexte de conflit familial avéré, le psychologue doit être particulièrement vigilant lors de son intervention, et dans la rédaction de ses conclusions, surtout lorsque celles-ci sont destinées à apporter un éclairage susceptible de fournir des éléments pour la décision du juge qui risque de provoquer un impact sur le devenir de la famille.

Principe 2 : Compétence

 (...) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. 

De plus, le psychologue, considérant les capacités d’évolution des personnes, doit être conscient d'une part des incidences que ses conclusions peuvent éventuellement avoir sur les personnes elles-mêmes, et d'autre part que ses conclusions demeurent relatives :

Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. 

Au regard du contenu explicite des missions ordonnées par le juge, le psychologue doit être attentif à ne pas dépasser les limites de ses missions et donc à ne fournir que les éléments psychologiques utiles et pertinents :

Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci

C’est le « respect du but assigné » développé par le sixième principe du code :

Principe 6 : Respect du but assigné

Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers.

En effet, si « le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers », il doit prendre en compte le fait qu’un rapport rendu au juge aux affaires familiales est susceptible d’être porté à la connaissance de l’ensemble des protagonistes y compris, le cas échéant et dans un contexte de conflit parental, à celle des enfants concernés.

C'est pourquoi, comme rappelé précédemment, le psychologue doit être particulièrement vigilant dans la rédaction de son rapport et ne pas avancer de conclusions définitives à l’égard des personnes concernées qui risqueraient d'outrepasser le cadre de cette mission précise qu'est le rapport d'enquête judiciaire.

Les précautions à prendre dans ce type d'écrit destiné à l'instance judiciaire concernent également le souci d'impartialité que doit conserver le psychologue.

Il est important de rappeler, à ce niveau, que la mission fondamentale du psychologue, énoncée par l’épigraphe du Code et son article 2, s’applique à tous les protagonistes : tant en ce qui concerne le respect dû à chaque parent qu’à celui dû aux enfants relativement aux conséquences psychologiques que certaines assertions ou jugements portés sur les premiers risquent de produire :

Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues.

Article 2 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte.

En conclusion, un rapport d'enquête judiciaire est un exercice assez complexe pour le psychologue, car il doit énoncer ses conclusions avec précaution et répondre en toute loyauté, clarté et précisions aux questions posées.

Pour la CNCDP

La Présidente

Claire Silvestre-Toussaint

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