La demandeuse, membre de l’équipe de direction d’un établissement d’accueil pour familles en difficulté d’insertion sociale, contacte la Commission pour deux motifs distincts.
D’une part, elle demande à la Commission de se prononcer sur le « bienfondé de la pratique » d’une psychologue de la structure. En cause, un rapport destiné au procureur de la République concernant une famille accueillie au centre. Ce rapport, que la demandeuse qualifie « d’alarmant » pointe plusieurs éléments qui selon elle, posent problème :
le rapport « est fondé sur un unique entretien informel d’il y a plus d’une année, ainsi que sur des entretiens avec une éducatrice référente de la famille »,
« la famille n’est pas au courant de cette démarche »,
la psychologue n’a pu fournir à la demandeuseaucune note concernant « l’entretien informel ».
D’autre part, la demandeuse pose des questions relatives aux conséquences pour les écrits d’un psychologue qui quitte l’établissement où il travaille :
« quels sont les documents qu’il est autorisé à sortir de l’établissement ?,
« peut-il emporter ses écrits concernant le suivi des familles ? ».
Documents joints :
Copie du rapport de la psychologue,
Copie d’un courrier adressé au directeur de l’établissement par la psychologue en réponse à une demande de celui-ci concernant les circonstances de « l’entretien informel ».
Année de la demande : 2012 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle
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La Commission abordera les points suivants :
Dans la situation présente, la qualification du rapport n’est pas explicite : s’agit-il d’une demande du procureur ou d’un signalement à l’initiative de la psychologue ? Dans l’un ou l’autre cas, la mission du psychologue sera d’apporter des éléments, parmi d’autres, qui permettront au Procureur de prendre une décision. 1.1 Une modalité de réponse à des demandes différentes. La Commission s’est penchée à de nombreuses reprises sur les différentes appellations des écrits des psychologues. Le code de déontologie établit une différence entre évaluation et avis puisque dans le premier cas, le psychologue a pu examiner lui-même la personne ou la situation alors que dans le deuxième cas, il peut formuler un avis à partir de dossiers ou situations rapportées, comme par exemple en équipe pluridisciplinaire. Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu examiner lui-même. Le rapport du psychologue, souvent qualifié de psychologique, est un document qui répond généralement à une demande ou une obligation et que le psychologue n’établit pas à son initiative. Celui-ci est ainsi sollicité pour produire un avis sur ce qu’il perçoit de la situation ou sur la façon dont elle est perçue par les protagonistes. Le rapport d’expertise psychologique, lui, est réalisé suite à une procédure pénale ordonnée par le juge pour lequel le psychologue nommé « expert », prête serment.1 Un rapport est demandé pour éclairer une situation ou apporter des éléments à une enquête. Il comporte le plus souvent une introduction, l’énonciation d’une problématique ou de difficultés qu’il est censé explorer, des éléments d’anamnèse concernant la personne ou un groupe, un développement sous forme d’avis ou d’hypothèses, et une conclusion qui peut intégrer des préconisations. Dans tous les cas, le psychologue indiquera ses sources d’information, distinguera les conclusions qu’il tire de ce qu’il a lui-même observé ou de ce qui lui aura été rapporté. Il en est ainsi de sa responsabilité, de son autonomie et de sa rigueur : Principe 3 : Responsabilité et autonomie : Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule Principe 4 : Rigueur : Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. La psychologue fait état dans son écrit, ainsi que dans le document remis au directeur de l’établissement, des éléments sur lesquels elle s’appuie pour fonder ses appréciations. Elle évoque en particulier, la rencontre, qualifiée d’« entretien informel » avec la mère de famille, à qui elle a rappelé sa disponibilité en cas de besoin ; elle mentionne aussi le travail en équipe pluridisciplinaire, équipe dont elle a assuré un accompagnement rapproché. 1.2 L’information et la transmission d’un rapport : Le psychologue, qui transmet ses conclusions à un tiers, doit recueillir l’accord de l’intéressé ou à défaut l’en informer selon les cas. Article 17 : […] La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. Cependant, il ne peut se soustraire à une mission judiciaire, tout comme il doit, même dans un cadre contraint ou dans le cas de relation difficile avec la personne, faire en sorte que la dimension psychique de celle-ci soit respectée. Il peut ainsi se trouver dans une circonstance où il est obligé de rendre compte, tout comme il peut mesurer le danger que pourrait entraîner la remise de ses conclusions dans des situations particulièrement délicates qui seraient contraire à l’intérêt de la personne. Article 12 : Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet.
Les notes personnelles constituent un outil de travail du psychologue qui peut revêtir des formes très variées et personnelles, voire parfois être incompréhensibles pour un tiers : abréviations, tirets, remarques, annotations qui ne reflètent pas le contenu de l’entretien, mais plutôt une partie du matériel à partir duquel il pourra élaborer une analyse et produire un document plus structuré. Les notes personnelles griffonnées par un professionnel se distinguent donc d’un écrit, de notes professionnelles ou de documents émanant d’un psychologue à des fins de communication aux intéressés ou à d’autres professionnels. La Commission a déjà été amenée à retenir qu’elles conservent un caractère strictement personnel et qu’elles ne doivent être communiquées à personne, et le plus souvent détruites. Quand elles portent sur des données ou des informations recueillies lors de son exercice professionnel, le psychologue sera amené à les classer et les archiver selon les dispositions légales en vigueur et pour un temps nécessaire à une mise en forme plus structurée. Article 26 : Le psychologue recueille, traite, classe, archive, conserve les informations et les données afférentes à son activité selon les dispositions légales et réglementaires en vigueur. Il en est de même pour les notes qu’il peut être amené à prendre au cours de sa pratique professionnelle.
Faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique, si elle est au cœur de la mission fondamentale du psychologue, n’en est pas moins nécessairement traduite dans les écrits qu’il établit la concernant. Article 2 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique […]. Cette mission engage obligatoirement le psychologue à respecter les droits fondamentaux de la personne. Sa pratique professionnelle s’inscrit donc dans des principes législatifs qu’il doit connaître. Dès lors, les écrits que le psychologue produit constituent des traitements de données à caractère personnel qui sont encadrés par la loi dite CNIL du 6 janvier 19782, reprise par le principe 1 du code de déontologie actualisé, quand ils concernent les personnes : Principe 1. Respect des droits de la personne. Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. et par les articles 20 et 26, cités précédemment qui indiquent clairement que le psychologue est responsable de toutes les informations et données qu’il aura recueillies et traitées lors de son activité professionnelle. Article 20 : […]. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. En conséquence, un certain nombre d’écrits a vocation à être transmis à un tiers (attestation, rapport, compte-rendu d’évaluation, rapport d’expertise…) dans un cadre légal ou institutionnel et après en avoir informé la (ou les) personne(s). D’autres documents(notes professionnelles, données d’évaluation psychologiques, résultats à des tests),qui sont des supports plus formalisés que les notes personnelles, avec lesquels le psychologue élaborera son écrit, peuvent constituer des données à caractère personnel auxquelles seule la personne concernée peut demander à avoir accès. Ainsi, le psychologue doit faire respecter sur son lieu de travail la confidentialité de ses documents : Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel d'une installation convenable, de locaux adéquats pour préserver la confidentialité, de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent. Mais en tant que responsable de ceux-ci, il doit veiller à ce que d’autres ne puissent pasy avoir accès. Il lui appartient de prendre toutes les précautions nécessaires dans ce sens lorsqu’il quitte définitivement l’institution qui l’emploie. Cependant, il peut, avec l’accord des personnes concernées, et afin de ne pas entraver le bon déroulement de la poursuite des actes professionnels, prendre des dispositions appropriées comme s’enquérir auprès du collègue lui succédant de ses méthodes de travail et du souhait ou non d’avoir des « historiques » de situation, de laisser ses coordonnées pour le joindre en cas de besoin, de mentionner des évaluations (tests) ou éventuellement des protocoles de passation. En cas d’absence de contact avec son successeur, il sera préférable soit de détruire, soit d’emporter les documents nominatifs, soit encore de les remettre à la personne concernée ou son représentant légal dans l’intérêt de celle-ci. Article 22 : Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d'interrompre son activité, il prend, avec l'accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée. Pour la CNCDP La Présidente Claire SILVESTRE-TOUSSAINT 1 Selon l'art. 156 du Code de Procédure Pénale 2 la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques àl’égard des traitements de données à caractère personnel. |