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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE Le demandeur est l’avocat d’une mère ayant été reçue par une psychologue à la suite d’une demande d’expertise psychologique du Juge aux Affaires Familiales (J.A.F). Cette expertise intervient dans le cadre d’une séparation conflictuelle et notamment à propos de la garde de la fille du couple, âgée de 4 ans au moment de la demande. Madame a de son côté une première enfant issue d’un précédent mariage qui a en partie été élevée par ce couple à présent en instance de divorce. Pour le demandeur, l’écrit transmis serait à charge pour sa cliente car il indiquerait de « faux arguments » concernant un état pathologique de la mère de l’enfant, ainsi que des informations inexactes en prenant pour acquis les dires du père. Afin d’étayer ses arguments, le demandeur joint des certificats de plusieurs professionnels (neuropsychiatre, médecin, psychologues cliniciennes) venant contredire les éléments notés par la psychologue dans son écrit d’expertise. Se référant à des éléments du code de déontologie des psychologues, le demandeur construit une argumentation qui indiquerait que la psychologue « a manqué manifestement (…) à ses obligations déontologiques ». Il lui reproche notamment de ne pas avoir pris en compte le respect de la personne, d’avoir négligé les recommandations de prudence et d’impartialité, de n’avoir pas suffisamment tenu compte du caractère relatif de ses évaluations et d’avoir fait preuve d’une posture idéologique. Le demandeur souhaite que la Commission porte un avis sur chacun de ces griefs. Documents joints : - Copie du compte rendu d’expertise de la psychologue CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 2 sur 6 - Copie d’un certificat d’un neuropsychiatre - Copie d’un courrier d’un médecin généraliste adressé au médecin expert désigné par le tribunal - Copie d’une attestation d’une psychologue libérale - Copie d’un document rédigé par une psychologue ayant reçu la mère et les enfants - Copie du courrier copie d’un jugement « avant dire droit »
Posté le 22-11-2024 19:20:41

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2023

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Compétence professionnelle (Élaboration des données, mise en perspective théorique)
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Probité
- Respect de la personne
- Responsabilité professionnelle
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels avec accord et/ou information de l’intéressé)

CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 1 sur 6 CNCDP, Avis N° 2023 - 11 Avis rendu le 30 octobre 2023 Principes : 1, 3, 4, 5, 6 - Titre I : Exercice professionnel - Articles : 2, 5, 10, 15, 18, 20, 22 Le code de déontologie des psychologues concerne les personnes habilitées à porter le titre de psychologue conformément à la loi n°85-772 du 25 juillet 1985 (JO du 26 juillet 1985). Le code de déontologie des psychologues de 1996 a été actualisé en février 2012, puis en septembre 2021, et c’est sur la base de celui-ci que la Commission rend désormais ses avis. RÉSUMÉ DE LA DEMANDE Le demandeur est l’avocat d’une mère ayant été reçue par une psychologue à la suite d’une demande d’expertise psychologique du Juge aux Affaires Familiales (J.A.F). Cette expertise intervient dans le cadre d’une séparation conflictuelle et notamment à propos de la garde de la fille du couple, âgée de 4 ans au moment de la demande. Madame a de son côté une première enfant issue d’un précédent mariage qui a en partie été élevée par ce couple à présent en instance de divorce. Pour le demandeur, l’écrit transmis serait à charge pour sa cliente car il indiquerait de « faux arguments » concernant un état pathologique de la mère de l’enfant, ainsi que des informations inexactes en prenant pour acquis les dires du père. Afin d’étayer ses arguments, le demandeur joint des certificats de plusieurs professionnels (neuropsychiatre, médecin, psychologues cliniciennes) venant contredire les éléments notés par la psychologue dans son écrit d’expertise. Se référant à des éléments du code de déontologie des psychologues, le demandeur construit une argumentation qui indiquerait que la psychologue « a manqué manifestement (…) à ses obligations déontologiques ». Il lui reproche notamment de ne pas avoir pris en compte le respect de la personne, d’avoir négligé les recommandations de prudence et d’impartialité, de n’avoir pas suffisamment tenu compte du caractère relatif de ses évaluations et d’avoir fait preuve d’une posture idéologique. Le demandeur souhaite que la Commission porte un avis sur chacun de ces griefs. Documents joints : - Copie du compte rendu d’expertise de la psychologue CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 2 sur 6 - Copie d’un certificat d’un neuropsychiatre - Copie d’un courrier d’un médecin généraliste adressé au médecin expert désigné par le tribunal - Copie d’une attestation d’une psychologue libérale - Copie d’un document rédigé par une psychologue ayant reçu la mère et les enfants - Copie du courrier copie d’un jugement « avant dire droit » AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière. La Commission se propose de traiter du point suivant : L’écrit du psychologue dans le cadre d’une expertise demandée par un Juge aux Affaires Familiales L’écrit du psychologue dans le cadre d’une expertise demandée par un Juges aux Affaires Familiales La pratique du psychologue dans le cadre d’une expertise demandée par le juge revêt un caractère complexe dans la mesure où il s’agit d’un examen dans un contexte litigieux. Les conséquences psychologiques mais aussi judiciaires pour les personnes concernées, adultes comme enfants, et notamment pour les personnes vulnérables, ne sont pas négligeables. Il est de la responsabilité du psychologue d’évaluer si ses compétences lui permettent d’accepter cette mission en prenant en compte toutes ces implications, comme l’y invite le Principe 4 : Principe 4 : Compétence « La·le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par l’article44 de la loi du 25 juillet 1985 modifiée, relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 3 sur 6 - de l’actualisation régulière de ses connaissances ; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans l’approche et la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Elle·il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité déontologique de refuser toute intervention lorsqu'elle·il sait ne pas avoir les compétences requises. Quels que soient le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, elle·il agit avec prudence, mesure, discernement et impartialité. » En de telles situations, le respect de la personne, de son autonomie, de sa liberté de jugement et de la dimension psychique indiqué dans le Principe 1 et l’article 2 fournit un cadre préalable conséquent : Principe 1 : Respect des droits fondamentaux de la personne « La·le psychologue réfère son exercice aux libertés et droits fondamentaux garantis par la loi et la Constitution, par les principes généraux du Droit communautaire et par les conventions et traités internationaux. Elle·il exerce dans le respect de la personne, de sa dignité et de sa liberté. La·le psychologue s'attache à respecter l'autonomie de la personne et en particulier son droit à l'information, sa liberté de jugement et de décision. Toute personne doit être informée de la possibilité de consulter directement la·le psychologue de son choix. » Article 2 : « La mission fondamentale de la·du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. » Dans ce contexte, le professionnel effectue ses missions en toute autonomie et engage sa responsabilité professionnelle par les choix et outils qu’il met en oeuvre, ainsi que le précise le Principe 5 : Principe 5 : Responsabilité et autonomie professionnelle « Dans le cadre de sa compétence professionnelle et de la nature de ses fonctions, la·le psychologue est responsable, en toute autonomie, du choix et de l'application de ses modes d’intervention, des méthodes ou techniques qu'elle·il conçoit et met en oeuvre, ainsi que des avis qu’elle·il formule. CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 4 sur 6 Elle·il défend la nécessité de cette autonomie professionnelle inhérente à l’exercice de sa profession notamment auprès des usagers, employeurs ou donneurs d’ordre. Au préalable et jusqu’au terme de la réalisation de ses missions, elle·il est attentif·ve à l’adéquation entre celles-ci et ses compétences professionnelles. Elle·il peut exercer différentes missions et fonctions. Il est de sa responsabilité de les distinguer et de faire distinguer leur cadre respectif. » Le psychologue prend ainsi le soin de préciser le cadre et les contraintes de son intervention, en particulier son devoir de répondre aux seules questions posées par le magistrat tout en étant en accord avec les articles 10 et 15 : Article 10 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre d’expertise judiciaire ou de contrainte légale, la·le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique de la personne. Les destinataires de ses conclusions sont clairement indiqués à cette dernière. » Article 15 : « La·le psychologue présente ses conclusions de façon claire et adaptée à la personne concernée. Celles-ci répondent avec prudence et discernement à la demande ou à la question posée. Lorsque ces conclusions sont transmises à un tiers, elles ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. L'assentiment de la personne concernée ou son information préalable est requis. » Dans la situation présentée à la Commission, la psychologue rappelle en effet, en introduction de son expertise psychologique, les questions du JAF. Le document en lui-même, dans sa forme, respecte les recommandations données à l’article 18 : Article 18 : « Les documents émanant d'un·e psychologue sont datés, portent son identité, son titre, son numéro d’inscription sur les registres légaux en vigueur, ses coordonnées professionnelles, sa signature ainsi que la·le destinataire et l'objet de son écrit. Seul la·le psychologue auteur·e de ces documents est habilité·e à les signer, les modifier, ou les annuler. Elle·il fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. » En effet, le contenu et les conclusions des rapports d’expertise contribuent à l’appréciation de la situation qui fondera la décision du magistrat. Dans cet exercice, la rigueur dont le psychologue fait preuve concerne également la précision dans la rédaction comme préconisé dans le Principe 6 : CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 5 sur 6 Principe 6 : Rigueur et respect du cadre d’intervention « Les dispositifs méthodologiques mis en place par la·le psychologue répondent aux objectifs de ses interventions, et à eux seulement. Les modes d'intervention choisis et construits par la·le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et adaptée à son interlocuteur, ou d’une argumentation contradictoire avec ses pairs de leurs fondements théoriques et méthodologiques. » Ainsi, dans le document soumis à la Commission, il aurait été souhaitable que soit fourni le déroulé de cette expertise en précisant le nombre d’entretiens effectués en présence des personnes rencontrées. Cela aurait permis de mieux contextualiser les propos cités. Or, dans le cas présent, la psychologue affirme un certain nombre d’éléments sans détailler sur quelles observations spécifiques ou quelles références théoriques elle s’appuie. La psychologue aurait gagné à faire apparaître clairement des hypothèses et à étayer solidement ses conclusions sur des références théoriques et méthodologiques qui sont absentes de ce document. Le professionnel est aussi invité à une grande prudence quant aux conclusions transmises à des tiers comme l’indique le Principe 3 : Principe 3 : Intégrité et probité « En toutes circonstances, la·le psychologue respecte les principes éthiques, les valeurs d’intégrité et de probité inhérents à l’exercice de sa profession. Elle·il a pour obligation de ne pas exploiter une relation professionnelle à des fins personnelles, religieuses, sectaires, politiques, ou en vue de tout autre intérêt idéologique. Elle·il prend en considération les utilisations qui pourraient être faites de ses interventions et de ses écrits par des tiers. » Dans l’écrit transmis, la psychologue formule des préconisations radicales, utilise des termes forts comme « je ne vois rien qui justifie » et utilise dans ses conclusions un grand nombre de superlatifs en faveur de l’un des deux parents. Ces affirmations qui semblent manquer de neutralité sont en contradiction avec la nécessaire prise en compte de son implication personnelle, la mesure et le discernement tels qu’y invitent le Principe 6 déjà cité, et l’article 5 : Article 5 : « En toutes circonstances, la·le psychologue fait preuve de mesure, de discernement et d’impartialité. La·le psychologue accepte les missions qu'elle·il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences dans le respect du présent Code. Si elle·il l’estime utile, elle·il peut orienter les personnes ou faire appel à d’autres professionnels. » CNCDP Avis n° 2023 - 11 Page 6 sur 6 La psychologue aurait pu s’appuyer sur l’article 22 pour prendre davantage en compte le caractère relatif des expertises : Article 22 : « La·le psychologue est averti·e du caractère relatif de ses évaluations et interprétations et elle·il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Elle·il émet des conclusions contextualisées et non réductrices concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » En conclusion, l’intervention de la psychologue aurait gagné à s’appuyer sur la démarche et le raisonnement éthiques qui s’appliquent en toutes situations, comme indiqué dans le propos liminaire introduisant les Principes généraux du Code ainsi que l’article 20 : « La complexité des situations psychologiques s’oppose à l’application automatique de règles. Le respect du présent code de déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement dans l’application et le respect des grands principes suivants. » Article 20 : « La pratique de la·du psychologue est indissociable d'une réflexion critique portant sur ses choix d’intervention. Elle ne se réduit pas aux méthodes ou techniques employées. Elle nécessite une mise en perspective théorique et éthique de celles-ci. » Pour la CNCDP Le Président Antony CHAUFTON La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité

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