RÉSUMÉ DE LA DEMANDE
Dans le cadre d’un conflit à l’école entre deux fillettes de 4 ans, la mère d’une des enfants interpelle la Commission au sujet de l’écrit d’une psychologue consultée en libéral pour la camarade de classe de sa fille. En effet, cette psychologue a fourni à la mère de cette camarade un écrit « accablant » à propos de la fille de la demandeuse.
Celle-ci s’interroge sur la nature et les objectifs de ce qu’elle nomme « un certificat de complaisance ». Plus précisément, elle souhaite savoir si un psychologue :
- peut demander l’exclusion scolaire d’un enfant qu’il n’a jamais rencontré à partir des seuls propos d’un parent ou d’un autre enfant ;
- est plus apte à définir la mise en danger d’un enfant vis-à-vis des comportements de ses camarades que l’équipe éducative ;
- peut porter un jugement sur une personne qu’il n’a jamais rencontrée.
Elle souhaite également savoir « quels sont les recours possibles pour condamner ce genre d’agissements ».
Documents joints :
Année de la demande : 2021 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels) |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Cadre d’intervention du psychologue en cas de conflits entre parents d’élèves. La Commission n’ayant pas pour mission de mener une enquête sur les intentions de la psychologue mise en cause, elle ne peut donc se prononcer sur l’accusation de « complaisance » émise par la demandeuse. En revanche, elle proposera un avis éclairé du point de vue déontologique sur le cadre d’intervention de cette professionnelle. Un psychologue peut accepter de recevoir en consultation un enfant à la demande de ses parents. Le cadre des interventions qu’il met en place doit respecter le but auquel il s'assigne, c’est-à-dire être guidé par les objectifs énoncés préalablement avec les personnes qui le consultent, ce que rappelle le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné. « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Lors des entrevues, le psychologue veille à instaurer une relation respectueuse avec l’enfant. L'expérience de cette relation concerne à la fois la vie psychique et la reconnaissance des besoins de l'enfant, comme le préconisent le Préambule et le Principe 1 du Code. Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues. »
Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Dans les cas de conflit entre adultes de l’entourage de l’enfant, le psychologue doit prendre garde au risque d’être pris dans les enjeux de ces conflits et de ne plus pouvoir de ce fait donner toute sa place à l'enfant dans le dispositif qui lui est destiné. Le psychologue peut décliner la demande de rédaction d’un écrit concernant un enfant qu’il reçoit en consultation. Néanmoins, s'il accepte, il lui revient alors aussi la possibilité de refuser de transmettre cet écrit qui engage sa responsabilité professionnelle, ce que précise le Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Dans le cas où cet écrit serait transmis et reçu par une tierce personne, comme pour toute intervention, le psychologue est invité à pouvoir répondre, entre autres, du principe de prudence et d’impartialité, tel que posé par le Principe 2 du Code : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Ceci se complète, dans l’exercice de sa fonction, du fait de répondre personnellement de ses choix et actes engagés à titre professionnel, tel que le précise le Principe 3 déjà cité. Lors de la production d’un document, se pose toujours la question de l’origine de la demande d’un écrit, mais aussi l’objectif qu’il vise. Dans le cas présenté à la Commission, la psychologue a été sollicitée par une mère pour des difficultés rencontrées avec une camarade de classe. La professionnelle a rédigé un document à la demande de cette mère dont l’objet est mentionné comme suit : « Point sur la consultation psychologique du XXX de XXX ». La nature de cet écrit ne semble pas claire : est-ce un compte-rendu ou une attestation ? Une attestation a généralement pour but de certifier qu’un patient a été reçu une ou plusieurs fois, que le suivi continue ou non. En outre, un tel document doit pouvoir être établi en conformité avec ce que préconise l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.» Dans le cas de cet écrit, il n’y a pas de destinataire. Lorsque ce type de document n’a pas de destinataire mais est remis en main propre à l’intéressé, il est d’usage de l’accompagner systématiquement de la mention « Pour faire valoir ce que de droit ». L’absence de cette mention et celle d’un destinataire est contraire à ce que préconise l’article 20 précédemment cité. Cette ambiguïté concernant la nature de l'écrit interroge jusqu'à la fonction remplie par la psychologue auprès de l’enfant, fonction qui semble elle aussi équivoque, ce qui la place en contradiction avec ce que préconise l’article 3 du Code : Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien. » Dans le cas présent, l’écrit de la psychologue, rédigé quelques jours après la consultation, relate une seule et unique séance réalisée avec l’enfant. Dans ce document, la psychologue a mis en avant qu’au cours de son entrevue avec l’enfant, des situations qui s’apparentent à du harcèlement scolaire ont été décrites : « XXX lui interdisait..., la menaçait..., lui fait peur..., la tape... ». L’enfant de la demandeuse, nommée explicitement dans cet écrit, serait, selon la psychologue, à l’origine de ce conflit entre enfants et aurait « une personnalité tyrannique ». L’écrit préconise, sur la base de cette évaluation de la personnalité de l’enfant, « une exclusion temporaire » de l’école. L’écrit relate des faits en se basant uniquement sur les dires de l’enfant rencontrée. En cela, la psychologue va à l’encontre de ce qu’édicte l’article 13 sur la nécessité d’avoir pu examiner la personne sur laquelle porte l’évaluation : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » Dans ce contexte, la Commission a été sensible au possible manque de discernement et de mesure auxquels invite pourtant le Principe 2 cité plus haut. En effet, puisque l'écrit de la psychologue se fonde uniquement sur les propos rapportés par l’enfant rencontrée, il aurait dû être précisé qu’il s’agissait d’un avis, basé sur une hypothèse et des faits rapportés, et non d’une évaluation de la personnalité de l’enfant de la demandeuse. Par ailleurs, la parole de la personne reçue au cours de cette entrevue doit s’entendre comme une construction subjective, c’est-à-dire ce que le patient pense de son état et l’origine qu’il donne à son mal-être, et doit donc se distinguer, au moins dans son analyse, de la réalité des faits. Ainsi, l’analyse du psychologue est complémentaire de l’avis de l’équipe éducative, basé sur l’observation des deux enfants en milieu scolaire. En cela, il apporte des éléments de la réalité subjective. Ici, le psychologue doit pouvoir considérer les aspects subjectifs d’une situation tout en estimant, en accord avec ce que propose l’article 25, leur caractère relatif : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Pour finir, la Commission rappelle les psychologues à davantage de prudence et de mesure dans la rédaction de leurs écrits et ce d’autant plus lorsqu’ils font apparaître des conclusions ou des préconisations à la demande d’un consultant. Il est souhaitable que ces écrits ne puissent être confondus avec des témoignages ou des retranscriptions d’observations. Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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