La requérante est « psychologue dans un lycée privé sous contrat d’association à temps plein ». Suite à des suspicions de fraude au bac, l’établissement fait l’objet « de deux enquêtes conjointes : une de la BRDA (brigade de répression de la délinquance astucieuse) et une des Inspecteurs Généraux du Ministère de l’Education Nationale ; durant ces enquêtes la requérante a été auditionnée et elle « subit depuis presque un an désormais des pressions répétées [l’] empêchant d’exercer dans des conditions normales [son] activité ». Après avoir déposé une plainte pour harcèlement moral, elle reçoit de son directeur un courrier pour lequel elle sollicite l’avis de la CNCDP « afin d’être au plus prés de ses droits et de ses devoirs ».
Ce courrier définit des fonctions, des obligations professionnelles et des demandes de bilans d’activité :
- les fonctions sont définies selon des règles précises d’horaires, de fréquence de rendez-vous en dehors des cours pour des entretiens auprès d’élèves en difficulté.
- les fonctions « au regard de l’institution » concernent des « formations destinées aux enseignants…des travaux personnels enrichissant le projet pédagogique du lycée…inviter des intervenants extérieurs…contacter les prescripteurs du lycée… »
- les obligations fixées par la direction s'inscrivent dans des limites concernant l’obtention d’autorisation de la direction pour contacter les parents d’élève ou les anciens élèves, pour l'utilisation du téléphone et de la photocopieuse, la diffusion d'un document…
- les « bilans d’activité », ils renvoient « à l’ensemble des travaux et actions au regard de l’institution…, ils consistent à « fournir …des comptes rendus des conférences/colloques « et à « compléter …des bilans hebdomadaires selon le modèle joint »
Par la suite il lui faudra "utiliser le modèle joint à …remettre chaque Vendredi soir " pour des bilans d'activité," et faire un bilan individuel trimestriel pour chaque élève reçu et remettre l’ensemble de ces documents au Directeur avant les conseils de classe ".
Elle joint à sa lettre le courrier du directeur.
Elle demande à la CNCDP un éclairage sur la « compatibilité de ce descriptif de [ses] fonctions, modalités d’exercer, et de [ses] obligations, avec les dispositions du code de déontologie ».
Année de la demande : 2004 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)
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La Commission retiendra les points suivants tous relatifs aux conditions d'exercice de la profession : 1. Le secret professionnel 1. Le secret professionnel En demandant l’autorisation de la « Direction Pédagogique avant de rentrer en contact , y compris téléphonique, avec les parents d’élèves ou d’anciens élèves même s’il s’agit d’une demande de leur part », la psychologue ne se retrouve plus dans des conditions qui lui permettent de pouvoir respecter le secret professionnel comme lui recommande l'Article 8 du Code de Déontologie des Psychologues : « le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions ». Ces conditions de contact ne prennent pas en considération le respect des droits de la personne tel qu'il est signifié dans le Titre I.1 : le psychologue « n'intervient qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Réciproquement, toute personne doit pouvoir s'adresser directement et librement à un psychologue ». 2. L'indépendance professionnelle et la responsabilité professionnelle Ces mêmes conditions de pratique ignorent l'indépendance professionnelle de la psychologue en lui imposant des rendez vous avec les adolescents, lui fixant une durée, une fréquence et un horaire d'entretien, or, comme l’indique le Titre I.7 du Code « Le psychologue ne peut aliéner l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit ». Si dans un travail d'équipe, le psychologue peut accepter un cadre hiérarchique, il lui faut veiller à ce que ce cadre ne fasse pas obstacle à une mission indépendante de la hiérarchie, comme la mise en place d'entretiens. Cette même responsabilité professionnelle est présente dans les conclusions du psychologue qui, quand elles « sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire » (Article 12).La Commission rappelle, en outre, que le bilan psychologique individuel, fait partie d'un dossier, qu'il est la propriété de l'usager et qu'il est transmis à des tiers avec son consentement. 3. Les documents émanant du psychologue Les bilans individuels doivent suivre l’Article 14 du Code« Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport…) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire…Le psychologue n’accepte pas que ses comptes- rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier ». CONCLUSION Alors que l'établissement dépend de « la Convention collective des psychologues de l'enseignement privé, qui dans ses annexes fait explicitement référence au Code de déontologie des psychologues, du 22 mars 1996 », il apparaît que la direction attend de la requérante des pratiques qui la mettent en difficulté avec la déontologie, notamment dans le non respect du secret, de l'indépendance et de la responsabilité professionnels. Au-delà de cette contradiction, la requérante doit pouvoir faire état de ce qui, dans le respect du Code, est compatible ou non avec le projet de la direction.
Fait à Paris, le 28 novembre 2004 Le Président, Vincent Rogard,
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Avis 04-12.doc |