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RESUME DE LA DEMANDE

Le demandeur est père d’un enfant de cinq ans, suivi pendant plusieurs mois par une psychologue travaillant au sein d’un Centre Médico Psychologique pour Enfant (CMPE). Dans un contexte de procédures judiciaires multiples engagées en raison de conflits au sein du couple, le demandeur précise que le suivi psychologique, qui s’est terminé trois mois avant l’écrit rédigé par la psychologue, a été initié par sa future ex-épouse, sans qu’il en ait été informé. Le document serait à charge contre lui et comporterait différentes incohérences chronologiques dans les éléments rapportés par la psychologue. Il interroge la Commission sur divers aspects déontologiques de l’écrit rédigé par la psychologue, à savoir « le traitement équitable » des parties, « la relativité » des évaluations ainsi que « la forme de l’attestation ».

Documents joints :

  • Copie d’un document intitulé « Point suivi psychologique » rédigé par la psychologue qui suit l’enfant portant tampon d’un avocat.
  • Copie de 3 courriers d’échanges entre le demandeur et le directeur du centre hospitalier de rattachement du CMPE.
  • Copie d’un document comportant les dépôts de plainte du demandeur ainsi qu’un jugement rendu à la suite d’une plainte de la future ex-épouse du demandeur.
Posté le 26-03-2023 12:30:37

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2021

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Respect du but assigné

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • L’écrit du psychologue dans le cadre d'une procédure judiciaire entre parents d’un enfant mineur.

 

L’écrit du psychologue dans le cadre d’une procédure judiciaire entre parents d’un enfant mineur.

Concernant la pratique auprès d’un mineur, la Commission souhaite rappeler qu’une grande prudence doit guider l’intervention du psychologue, particulièrement lorsqu’il a connaissance d’une procédure judiciaire en cours, pour que les enjeux du conflit ne nuisent pas à l’intérêt de l’enfant.

Comme l’article 13 le prévoit, l’écrit du psychologue peut faire suite à des situations qui lui sont rapportées :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner ».

Ainsi, dans la situation présentée à la Commission, c’est de plein droit que la psychologue a pu faire état des éléments évoqués lors du suivi qu’elle a pu mener.

Quand le psychologue intervient à la demande d’un seul parent, l’autre parent est réputé informé et avoir consenti en tant que « tiers de bonne foi » à la démarche de consultation. Cependant, le psychologue ne peut méconnaître la démarche préconisée à l’article 11 :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

 

Dans l’intérêt des mineurs, la Commission préconise de pouvoir entendre l’autre parent, en particulier dans le contexte d’un divorce conflictuel et de poursuites judiciaires en cours.

S’agissant d’une prise en charge d’enfants qui s’engage à la demande d’un seul parent, le psychologue s’assure de respecter le consentement des détenteurs de l’autorité parentale comme rappelé dans l’article 11 du Code déjà cité.

Dans la situation présentée à la Commission, la psychologue ne semble pas avoir pris l’initiative d’un échange avec le demandeur, pourtant mentionné dans l’écrit.

Par ailleurs, il apparait que la psychologue avait eu connaissance de la possible utilisation de cet écrit dans un cadre judiciaire, le contexte familial et les relations tendues entre les époux étant signalés dans le document. A ce titre, la Commission s’interroge sur le but auquel s’est assignée la psychologue en produisant un tel document plusieurs mois après la fin du suivi au sens du Principe 6, celle-ci ne pouvant ignorer l’usage qui pouvait en être fait par un tiers.

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

La prudence aurait pu guider la psychologue vers un écrit plus mesuré. Elle aurait ainsi assuré une plus grande impartialité dans la formulation de ses avis ainsi que le préconisent le Principe 2 et l’article 25 :

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence :

- de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ;

- de la réactualisation régulière de ses connaissances ;

- de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ».

 

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

 

La psychologue aurait gagné à modérer ces affirmations relatives aux parents en mentionnant par exemple par qui celles-ci avaient été énoncées, en précisant qu’elle ne disposait que des éléments rapportés par la mère ou l’enfant et en rappelant que l’enfant avait 3 ans et demi lors du suivi. Une telle vigilance aurait par ailleurs permis une plus grande neutralité.

Dans la situation présente, le contenu de l’écrit, notamment la préconisation sur le mode de garde pour un enfant qui n’est plus pris en charge depuis trois mois au moment de la rédaction de l’écrit, semble dépasser le cadre d’un point sur l’accompagnement thérapeutique. Au regard des éléments apportés par le demandeur, le document intitulé « Point suivi psychologique » ne semble pas respecter toutes les préconisations du Code énoncées à l’article 17 quant aux précautions nécessaires lors d’une transmission à un tiers :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »

 

En effet, le psychologue qui choisit de fournir un écrit aux personnes qui le leur demandent, le fait au regard du Principe 3.

Principe 3 : Responsabilité

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer »

 

Le document présenté à la Commission est par ailleurs daté et intitulé « Point du suivi psychologique de l’enfant X » sans que l’âge de l’enfant ne soit mentionné. L’article 20 du Code donne des précisions quant au contenu et à la forme des écrits du psychologue :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

 

La commission relève que si globalement les caractéristiques formelles indiquées sont respectées, l’écrit ne mentionne ni le numéro ADELI de la psychologue, ni le destinataire de l’écrit. Sur ces points, le document contrevient aux préconisations du Code. Enfin, le document ne comporte pas non plus la mention « pour valoir ce que de droit » qui aurait pu attester de l’accord de transmission à des tiers.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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