La mère d’une petite fille âgée de 5 ans est en conflit avec son ex-compagnon au sujet des droits de visite accordés à ce dernier. Elle sollicite l’avis de la Commission à propos d’une « expertise familiale » ordonnée par une Juge aux Affaires Familiales (JAF).
A l’appui de sa demande, elle fournit la quasi-intégralité de son dossier judiciaire et une description très détaillée de la manière dont elle et sa fille ont été reçues par « l’expert psychologue clinicienne » mandatée.
Ses commentaires sur le contenu de cette expertise portent essentiellement sur des « omissions et mensonges volontaires » de la psychologue qui lui « laissent à penser à un parti pris » en sa défaveur. Elle conteste les conclusions portées sur ce document qui ne seraient étayées par « aucun fait clinique ou scientifique » et qui auraient dressé « un portrait sali et vil » de sa personne dans le but de la « disqualifier » dans son rôle de mère.
Elle entend dénoncer les pratiques de cette psychologue en rapportant avoir eu accès à une expertise rédigée par cette même professionnelle, dans une autre affaire, qui énoncerait des conclusions « étonnement similaires ».
Documents joints :
- Copie de l’expertise psychologique mise en cause, rédigée par une « psychologue Clinicienne Psychothérapeute Expert près » d’une cour d’appel.
- Copie de cette même expertise commentée et corrigée (en couleur dans le texte) par la demandeuse.
- Liste de « points relevés apparaissant contraires à la déontologie des psychologues » (17 pages).
- Copie d’un « Arrêt » de la cour d’appel statuant sur le maintien de l’autorité parentale conjointe et de la résidence de l’enfant chez la mère mais introduisant un droit de visite du père dans un « point rencontre ».
- Copie d’un échange de courriels entre la mère et la coordinatrice du « point rencontre » à propos de leur dispositif de surveillance et de sécurité lors des visites parents/enfants.
- Copie d’un courrier adressé au JAF par la responsable d’un point d’accueil et de médiation où le père a pu rencontrer sa fille au cours de 11 visites.
- Copie d’un procès-verbal d’audition de la mère à la gendarmerie, dans le cadre d’une enquête préliminaire, accusant le père d’avoir maltraité sa fille pendant une visite au « point rencontre ».
- Copie de 5 « main-courantes » déposées auprès de la gendarmerie par la mère pour indiquer qu’elle ne déposera plus sa fille au « point rencontre » avec son père, faute d’un encadrement suffisant des visites.
- Copie de 14 attestations en faveur de la mère.
- Copie d’un certificat médical, établi par un pédiatre, décrivant l’état émotionnel de l’enfant après une rencontre avec son père.
- Copie du livret scolaire de moyenne section de maternelle attestant des compétences de l’enfant, signé par un seul parent.
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Discernement |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Cadre déontologique d'une expertise psychologique menée dans un contexte conflictuel entre parents. L’interpellation d’un psychologue, par un JAF, pour réaliser une expertise psychologique, est une procédure fréquente. Comme tout exercice, et plus encore dans un contexte conflictuel, cette démarche appelle certaines compétences car elle présente de potentielles conséquences psychologiques sur les personnes concernées, adultes comme enfants. De fait, une telle pratique requiert tact, discernement et responsabilité, comme énoncé au Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence :
Comme pour toute intervention, le psychologue sera fondé à rester vigilant quant au respect des personnes et de leurs droits comme le rappellent le Frontispice et le Principe 1 du Code: Frontispice : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues. » Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Il a soin de préciser le cadre et les contraintes de son intervention, en particulier son devoir de répondre aux questions posées par le magistrat et à elles seules tout en étant en accord avec les articles 12 et 16 : Article 12 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte (…) le psychologue s'efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. » Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » En introduction de son expertise psychologique, la psychologue rappelle en effet ces questions. Dans le respect de ces dispositions, le psychologue informe les personnes expertisées de la nature de ses conclusions et de leur droit à demander une contre évaluation, comme l’article 14 l’y enjoint : Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. » Dans la situation présente, si aucun élément ne permet d'affirmer que ces préconisations ont été scrupuleusement appliquées, rien ne permet non plus d'affirmer le contraire. Le déroulé de cette expertise est décrit avec précision dans le plan du rapport. Le document semble globalement traduire la volonté de la psychologue de s'inscrire dans le respect des fondements attendus dans ce type d’exercice. Lorsque le psychologue rédige un rapport, il prend appui sur les recommandations de l’article 20, quant à la forme de son écrit, et sur celles de l’article 17 quant à son contenu : Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Ici, ces règles formelles ont été parfaitement respectées. La Commission estime par ailleurs nécessaire de souligner l’intérêt, pour le psychologue engagé dans une intervention intégrée dans un dispositif judiciaire, de se référer en particulier à l’article 25, avant d’établir son rapport d’expertise : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » C'est sur la base du contenu des rapports que le magistrat va fonder son appréciation de la situation et prendre des décisions pouvant s’appuyer sur les conclusions de ces expertises, sans pour autant suivre à la lettre leurs préconisations. Du fait de leur partialité supposée ou du caractère radical de leurs conclusions, ces documents peuvent, en effet, prêter à contestation et risquer d’être invalidés dans le cadre judiciaire. À cet égard, les recommandations dressées par la psychologue en conclusion de son travail d'expertise ne semblent pas constituer un propos hors-sujet par rapport aux attendus de l'exercice. La Commission ajoute que la lecture d’un rapport d’expertise, qui est un écrit risquant d'être mal entendu par son ou ses destinataires, a tout intérêt à être accompagnée, en particulier lorsque les conclusions n’ont pas été explicitées par le psychologue expert. Cette place est aussi de la responsabilité des avocats respectifs des parties, qui, après lecture, transmettent le document dans son intégralité à leur(s) client(s). Ces professionnels sont impliqués dans la manière dont l’expertise sera comprise et exploitée. En somme, le contenu d’un écrit relève de la responsabilité du psychologue qui reste autonome dans les recommandations préconisées comme l’indique le Principe 3, tout en restant dans le cadre du but assigné (ici répondre aux questions du JAF et à elles seules) comme le rappelle le Principe 6 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Enfin, toute démarche du psychologue implique une rigueur professionnelle, tel qu’évoqué par le Principe 4 : Principe 4 : Rigueur« Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »
Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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