Le demandeur est le père d'une fillette de 7 ans. Les parents sont séparés depuis trois ans, une procédure de divorce est en cours. Une Ordonnance de Non-Conciliation (ONC) a préconisé une résidence alternée. La mère, ayant le projet de retourner vivre dans sa région natale, œuvrerait pour que la domiciliation lui soit totalement attribuée. Elle a amené la fillette en consultation chez une psychologue à huit reprises en trois ans, sans que le père en soit informé.
La psychologue a produit un écrit à l'attention du Juge aux Affaires Familiales (JAF), dans lequel elle détaille des moments de tristesse éprouvés par l'enfant. Elle préconise la domiciliation chez la mère.
Ce père soumet plusieurs questions d’ordre déontologique à la Commission. Il s’interroge quant au manque de prudence et de partialité dans la rédaction du courrier adressé au JAF. Il questionne également la Commission sur le fait que la psychologue n'ait pas sollicité son consentement avant son intervention et qu'elle ne l'ait pas rencontré.
Document joint :
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Impartialité et discernement du psychologue dans l’intervention auprès d’un mineur dans un contexte de conflit parental. S'agissant de conflits parentaux relatifs aux modalités d’exercice des droits de visite et d'hébergement, le psychologue peut être sollicité pour évaluer l'état psychique d’un enfant et de son entourage, analyser les interactions familiales afin de mieux appréhender le contexte et la situation dans laquelle l'enfant évolue. Il peut rendre son avis, à l’oral auprès des parents, ou à l’écrit, en tenant compte des besoins de l'enfant et en fonction de son âge et de son développement psycho-affectif, comme le mentionne le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Néanmoins les interventions d'un psychologue auprès d'enfants mineurs sont précisées dans le code de déontologie. L'article 11 préconise la nécessité de recueillir le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ainsi que l'assentiment du mineur : Article 11 : « L'évaluation, l'observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. » Dans toutes ses interventions, le psychologue engage sa responsabilité professionnelle en particulier lorsqu'il émet des avis voire des préconisations. Il définit son cadre de travail en accord avec les personnes qui le consultent, tandis que le choix des outils ou méthodes lui appartient, comme le soulignent les Principes 3 et 4 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Principe 4 : Rigueur « Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d'une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. » S’agissant de la transmission d’un écrit, le psychologue peut accepter de fournir un document aux parents qui le consultent. Ceux-ci en feront usage, ou pas, dans la procédure qui les oppose. Le psychologue peut aussi être mandaté par un magistrat pour produire un rapport d’expertise. Dans ce cas, les parents prennent en général connaissance dudit document par l’intermédiaire de leur(s) avocat(s) respectif(s). Dans la situation présente, le courrier de la psychologue fait état du mal-être de la fillette, consécutif à la séparation de ses parents et au fait qu'elle soit amenée à quitter l'un pour rejoindre l'autre, et vice-versa. La psychologue juge bon de dénoncer cette situation. En cela, elle respecte ce qui est stipulé dans l'article 2 : Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. » Dans cet écrit, la psychologue relaie les propos de l'enfant qui était accompagnée par sa mère. Ils auraient peut-être été différents, s'ils avaient été prononcés en présence du père ? Quand le psychologue veille à conserver sa neutralité en faisant preuve de prudence et d'impartialité, notamment dans ses écrits, il porte tout particulièrement son écoute et son attention au fait que l’enfant peut être pris dans des conflits parentaux tout en respectant le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l'usage professionnel du titre de psychologue; - de la réactualisation régulière de ses connaissances; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Ici, l'ensemble des protagonistes n'ayant pas été entendu, il est possible de se questionner sur la partialité de l'écrit produit. La Commission a estimé qu’il aurait été souhaitable que les conclusions puissent être portées à la connaissance des personnes concernées, ici les parents et leur fille, puis travaillées avec eux, en suivant les recommandations de l’article 13 : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner. » Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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