La directrice générale d’un groupe régional d’établissements sanitaires et médico-sociaux, saisit la Commission dans le contexte d’une procédure portée devant le Conseil des prud’hommes par une de ses employées. Cette dernière souhaiterait obtenir la reconnaissance d’un « harcèlement moral » dans son cadre professionnel et appuierait sa requête sur deux « attestations d’accompagnement » produites par une psychologue consultée suite à un épisode dépressif. La demandeuse croit relever dans lesdites attestations « des manquements professionnels avérés » qu'elle qualifie de « violation des dispositions déontologiques » qui s’imposent aux psychologues.
Après avoir demandé à la psychologue de « reconsidérer » ses écrits et n’avoir obtenu aucune réponse de sa part, la directrice générale prend appui sur sa lecture d’un précédent avis émis par la Commission. Elle entend obtenir les mêmes conclusions, concernant la présente affaire, avant de saisir un avocat.
Documents joints :
Copie d’un bordereau de pièces numérotées portées au dossier soumis à l’instance prud’homale par un cabinet d’avocat.
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter le point suivant :
Les écrits du psychologue dans le cadre d'une procédure judiciaire faisant suite à un conflit professionnel. Toute production d'écrit émanant d'un psychologue est censée répondre aux exigences du code de déontologie dans le but d’en éviter un possible mésusage. Il s'agit d'une tâche qui requiert la plus haute vigilance de sa part, tel que le stipule le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Dans ses fonctions, en vertu de ses champs de compétence, le psychologue peut émettre des avis sur des situations qui lui sont rapportées, comme l’article 13 le précise : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner. » A ce titre, la psychologue mise en cause pouvait s’autoriser à porter un avis sur la situation professionnelle de sa patiente. Dans les attestations soumises à la Commission, elle précise à plusieurs reprises transmettre ce que sa patiente « décrit », « signale », « met en relief ». Concernant le caractère relatif de ces écrits, on peut donc penser qu'elle s'est conformée à l'article 25 : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Le psychologue est ainsi autonome et responsable des avis qu’il formule comme indiqué par le Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Dans les documents examinés par la Commission, certaines affirmations établissent un lien de cause(s) à effet(s) entre les conditions de travail largement décrites par la patiente et les symptômes de celle-ci. La psychologue se positionne donc en faveur d’une hypothèse de harcèlement. Sa décision de porter par écrit cette analyse, si elle peut s’interpréter comme un mouvement d’empathie envers la souffrance de la personne, ne constitue cependant pas, au regard de la Commission, une faute déontologique. Elle interroge le but que s’est assignée la psychologue, comme le décline le Principe 6, en acceptant alors d’intervenir dans le dossier soumis aux Prud’hommes : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » En ce sens, sur le plan formel, tout en respectant l’article 20, ces écrits auraient mérité plus de précisions quant à leur objet intitulé « Attestation d’accompagnement » : Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. » Une attestation ne comporte en effet que des éléments factuels, précisant quand et à quel rythme une personne a consulté. Elle précise éventuellement le professionnel ou l’organisme qui a adressé le patient. Un compte-rendu d’accompagnement, ou une « note clinique d’observation » peuvent apporter des éléments diagnostiques, des hypothèses voire des interprétations. Ce type de document est remis dans le respect du secret professionnel, au sens du Principe 1 et de l’article 7, après avoir transmis le contenu au patient et éclairé son usage voire son destinataire : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Ici, la psychologue a pris soin de souligner qu’elle intervient pour un « trouble anxiodépressif réactionnel diagnostiqué par le médecin ». Elle précisera dans sa seconde attestation qu’il s’agit d’un « épisode dépressif majeur réactionnel à la souffrance au travail diagnostiqué par son psychiatre ». Ceci laisse supposer que cette psychologue n’est pas à l’origine de l’hypothèse étiologique qui étaye son analyse. Un « certificat » ou un « rapport d’expertise », quant à eux, sont des documents qui ont vocation à être exploités dans un cadre judiciaire et, à ce titre, ont à répondre strictement aux questions du commanditaire et à elles seules, dans le respect de l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Ainsi l’usage que la patiente allait faire des deux attestations de sa psychologue ne pouvait être ignoré, comme la formule « pour faire valoir ce que de droit » l’atteste. La Commission invite les psychologues à être plus rigoureux sur la forme, le contenu et les conséquences des écrits qu’ils acceptent de rédiger. Pour la CNCDP La Présidente Michèle GUIDETTI La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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