Le demandeur est père de deux enfants. L’aîné, âgé de 16 ans, consulte depuis plusieurs mois un psychologue. Cette démarche a été initiée par la mère de l’adolescent, qui consulterait également ce professionnel. C’est à la suite de conflits parentaux que le suivi a été mis en place.
Les parents sont séparés, mais la situation familiale reste, semble-t-il, difficile. Le demandeur fait actuellement appel de la décision du Juge aux Affaires Familiales (JAF) pour obtenir la garde exclusive de ses enfants. Dans ce contexte, il s’interroge sur des écrits produits par le psychologue à la demande de Madame. En effet, le psychologue a rédigé six « attestations », dont trois sont datées du même jour. Le demandeur reproche au professionnel sa partialité et son manque de discernement concernant notamment la garde des enfants. Il s’interroge sur le fait que ce psychologue décrit des faits sans les avoir jamais observés. Il indique également ne pas avoir souhaité que ses enfants rencontrent ce psychologue et pense que le suivi psychologique de son fils est sous la « manipulation » de la mère. Pour le demandeur, le psychologue « n’aurait donc pas respecté le code de déontologie de sa profession » dans sa pratique comme dans ses écrits et mettrait « la vie de son fils en danger ».
Considérant que ces écrits pourraient lui porter préjudice, le demandeur attend de la Commission des « conseils » et indique se réserver le droit de porter plainte contre ce professionnel. Il aurait d’ailleurs transmis l’ensemble de ces « attestations » commentées à son avocate.
Documents joints :
Document dans lequel le demandeur commente et réfute le contenu de ces écrits.
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Forme et contenu des écrits du psychologue dans un contexte de conflit entre parents. Le psychologue peut être amené à rédiger des documents de différentes natures, de sa propre initiative ou sur demande d’un tiers. La rédaction de tout document est un acte professionnel qui engage sa responsabilité comme le précise le Principe 3 du Code : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Dans le cas présent, le psychologue a rédigé, selon le demandeur, six écrits. Or, les documents soumis pour avis à la Commission ne sont qu’au nombre de cinq. Quatre d’entre eux sont intitulés « attestation », et concernent l’aîné des enfants que le psychologue reçoit en consultation, depuis plusieurs années. L’un des écrits concerne l’ex-compagne du demandeur que le psychologue suivrait en psychothérapie depuis plusieurs mois. Trois de ces écrits sont datés du même jour. L’ensemble se présente sous la forme de lettres manuscrites. Même si quatre d’entre elles sont intitulées « attestations », une certaine confusion sur leur nature est introduite par le choix de la formule « je soussigné…certifie » au début de chacun des écrits, ce qui les place entre une attestation et/ou un certificat. Chacune présente dans son entête quelques-unes des caractéristiques mentionnées à l’article 20, notamment les coordonnées du psychologue, son numéro ADELI, mais aucune formule ne précise si ces documents ont été produits à la demande de la mère et « pour faire valoir ce que de droit » comme il est d’usage dans ces circonstances : Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. (…)»
Il a donc été difficile pour la Commission de comprendre l’objectif suivi par le psychologue en rédigeant ces écrits. Dans ceux intitulés « attestation », le psychologue y formule des avis concernant la situation familiale conflictuelle dans laquelle se trouve l’enfant du demandeur et la mère. Dans l’un d’eux, le professionnel formule le fait que ses patients devraient « être relogés dans les meilleurs délais » compte tenu de la « séparation parentale difficile ». Par ailleurs, dans certains de ses écrits, le psychologue souligne le comportement du demandeur vis-à-vis de l’alcool et relate de manière assez détaillée les propos de son patient mineur. Il rapporte les sentiments de l’adolescent vis-à-vis de son père : « il ne comprend pas la manipulation et les mensonges de son père ». L’emploi du présent et non du conditionnel indique un certain manque de prudence qui invite à questionner le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité́. » Les propos rapportés questionnent également le respect du secret professionnel. En ce sens, le Principe 1 et l’article 7 du Code rappellent le devoir de respecter ce qui est confié en séance, même si le psychologue n’est pas légalement soumis au secret professionnel de par sa profession : Principe 1 : Respect des droits de la personne «[...] Il préserve la vie privée et l'intimité́ des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Le psychologue semblait informé de la situation familiale de ses patients. Le fait d’avoir été sollicité par un seul des parents, qui plus est, en ayant probablement connaissance de la procédure judiciaire en cours, devait l’inviter à davantage de prudence dans la rédaction de ses écrits, afin de ne pas risquer de renforcer le conflit parental déjà existant. De plus, le psychologue ne semble pas avoir tenu compte des recommandations des articles 13 et 25 du Code. En effet, en prenant appui sur les éléments recueillis auprès de la mère et de l’adolescent en séance, il semble s’être trouvé en situation de manque de mise en perspective critique de ses propres appréciations : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner ». Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Il aurait alors été souhaitable qu’il puisse recevoir le demandeur en entretien afin de compléter ses observations et affiner son analyse de la situation familiale. Si, dans ces circonstances, il avait estimé que les enfants étaient en danger, il aurait pu, en s’appuyant sur l’article 19, rédiger une Information Préoccupante (IP) en direction des services départementaux de protection de l’enfance ou faire un signalement au Parquet des mineurs. Cette initiative donne, en général, lieu à une évaluation psycho-sociale et/ou à des expertises qui viennent infirmer ou confirmer les soupçons. Dans le cas présent, aucune démarche ne semble avoir été engagée en direction de la famille. Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité́ psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. » Pour autant, le père serait venu à un rendez-vous concernant son fils, mais il aurait refusé de rencontrer le psychologue en entretien individuel. Il indique paradoxalement s’être « toujours opposé à ce que [ses] enfants aillent consulter ce psychologue ». Cette situation questionne l’article 11 : Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. » Au regard de la complexité des situations de séparation parentale et de l’intervention d’un magistrat, la Commission insiste sur le fait que le psychologue doit s’efforcer de respecter équitablement les intérêts des mineurs et ceux de leurs parents. Il s’applique à ce que ce principe soit observé dans son intervention auprès des personnes concernées, mais aussi dans la rédaction d’écrits permettant de rendre compte d’un suivi psychologique ou de tout autre document destiné à un tiers. Quand il rédige un écrit, le psychologue est conscient d’engager sa compétence, sa crédibilité et sa responsabilité vis-à-vis de son patient mais aussi vis-à-vis de toute personne qui pourrait en faire usage. L’article 17 vient confirmer cet appel à la prudence : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Pour la CNCDP La Présidente Michèle GUIDETTI La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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