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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse sollicite l’avis de la Commission au sujet d’une « attestation » produite par une psychologue. Le document concerne un entretien réalisé auprès des deux enfants de son compagnon, en présence de leur mère.

Le contexte s’avère être une situation particulièrement conflictuelle entre ce nouveau couple et la mère des deux garçons, âgés de 8 et 6 ans. Un passage à l’acte violent aurait même donné lieu à une courte hospitalisation des enfants et à une Interruption Temporaire de Travail (ITT) de leur mère.

La demandeuse attire l’attention de la Commission sur certains propos, contenus dans cette « attestation », qu’elle juge « diffamants » à son égard. Elle souligne que la psychologue s’appuie uniquement « sur les dires de sa cliente et en présence des enfants ». Elle s’interroge également sur l’absence de signalement judiciaire opéré par la psychologue, « si soi-disant les enfants étaient en danger » avec leur père et elle-même.

L’aîné des garçons étant reçu par une autre psychologue, à l’initiative de leur père, la demandeuse fait également état de la présence d’un « jugement » porté sur cette professionnelle par sa « consœur ». Elle indique avoir porté plainte contre l’ex-épouse de son compagnon et souhaiter « entreprendre des démarches plus poussées » contre la psychologue rédactrice de l’attestation, dont elle « dénonce » le manque de professionnalisme. Elle évoque enfin la possible instrumentalisation de celle-ci par la mère et questionne le respect du secret professionnel.

Document joint :

  • Copie de l’attestation rédigée par l’une des deux psychologues à la demande de la mère.

Posté le 05-04-2021 15:52:47

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Tiers)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Confraternité entre psychologues (Coordination professionnelle entre psychologues)
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
- Impartialité

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Interventions du psychologue dans un contexte judiciaire entre parents.

Interventions du psychologue dans un contexte judiciaire entre parents

Recevoir en consultation psychologique un enfant, à la demande d’un seul de ses parents, implique de définir clairement l’objectif et les limites de l’intervention, en se fondant sur l’article 9 du code de déontologie des psychologues :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Concernant l’accueil des mineurs, le Code préconise de rechercher l’accord des détenteurs de l’autorité parentale avant même d’engager une évaluation ou une psychothérapie, en s’appuyant sur les articles 10 et 11. Lorsque les parents sont séparés ou divorcés, cette recommandation est particulièrement importante afin de prévenir une possible instrumentalisation du psychologue dans le conflit parental.

Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. »

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Dans la situation présente, il semble que les parents ont, chacun de leur côté, consulté des psychologues sans que ces recommandations aient été prises en compte. La demandeuse signale par contre que la psychologue qui reçoit l’aîné des garçons aurait cherché à joindre sa « consœur », ce que l’article 31 peut autoriser, mais sans y parvenir :

Article 31 : « Lorsque plusieurs psychologues interviennent dans un même lieu professionnel ou auprès de la même personne, ils se concertent pour préciser le cadre et l'articulation de leurs interventions. »

Or, il est aisé de saisir, à la lecture des documents fournis, le caractère particulièrement conflictuel de la situation. Une procédure auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF) est évoquée, ainsi que différentes plaintes devant l’autorité judiciaire. Dans ce contexte, l’attestation fournie à la mère, qui est établie « pour faire valoir ce que de droit », indique que la psychologue semblait consciente de l’usage qui pouvait être fait de son écrit, au sens du Principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

La Commission a donc examiné le document et tout d’abord constaté, que, du point de vue formel, il respecte les attendus contenus dans l’article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature.»

Par contre, elle s’est interrogée sur l’adéquation entre son intitulé et son contenu. Une « attestation » suppose de consigner qu’une consultation a bien eu lieu et précise éventuellement les suites envisagées. Or, l’écrit examiné contient des éléments d’observation pendant cette consultation ; des informations portant sur la situation familiale, basées uniquement sur les dires de la mère et des enfants ; des appréciations sur l’attitude du père, jamais rencontré, et aussi des préconisations relatives aux droits des parents. Ces éléments juxtaposés, constituant un « témoignage » lisible en faveur de cette mère, ont semblé manquer du recul et de la prudence attendus par le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

« …Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

D’autre part, si le psychologue peut donner un avis sur une situation qui lui est décrite, cela ne peut être assimilé à une évaluation circonstanciée et approfondie, comme le précise l’article 13 :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner »

En ce sens, cette « attestation » présente un tableau figé et sans perspectives de changement, sans suivre l’avertissement de l’article 25 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

Dans le cas présent, un document intitulé « attestation » aurait pu venir compléter les certificats médicaux d’ITT délivrés par l’hôpital et le témoignage reçu par le commissariat dont il est fait mention dans le texte.

Enfin, affirmer que des enfants « ne sont pas en sécurité » chez un parent et qu’ils « souffrent de maltraitance psychologique et affective », doit conduire le psychologue à s’interroger sur l’opportunité de prendre conseil pour décider la levée du secret professionnel, en rédigeant dans ce cas un « signalement », comme indiqué par l’article 19 :

Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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Avis 20-03 AI.pdf

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