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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La Commission est saisie par le père de deux enfants, dans le cadre d’une suspension de ses droits de visite par un Juge aux Affaires Familiales (JAF). Celui-ci avait missionné une association spécialisée pour procéder à l’expertise psychologique de chaque membre de la famille afin « de renseigner sur les mesures qu’il y a lieu de prendre dans l’intérêt des enfants concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale, la résidence des enfants, la résidence alternée et le droit de visite et d’hébergement. »

Il a été parallèlement décidé, dans le cadre des activités de cette même association, la tenue de rendez-vous médiatisés entre le demandeur et ses enfants. C’est dans ce cadre que deux rapports ont été produits, à trois mois d’intervalle, par deux psychologues différentes.

Le demandeur précise que le premier des deux rapports, aurait été rédigé par une psychologue expert, après un entretien de deux heures. Il a ensuite soumis ce document à l’avis du psychologue qu’il rencontre deux à trois fois par mois dans un centre médico-psychologique (CMP). Ce psychologue a rédigé par ailleurs pour son patient une attestation et un compte-rendu que le demandeur a joints à son envoi.

Le contenu des deux rapports produits dans le cadre de l’expertise demandée par le JAF a selon lui conduit à « l’interdiction de rencontrer ses filles ». Le demandeur conteste la description qui est faite de lui par les psychologues. Il soupçonne l’une d’elle et l’association de travailler avec le tribunal pour maintenir leurs activités. Dans l’espoir de retrouver ses droits, il interroge la Commission sur la validité déontologique des deux écrits.

Documents joints :

  • Copie d’un premier document, intitulé « Rapport » rédigé par une psychologue à destination du Juge aux Affaires Familiales.
  • Copie d’un second document, nommé « Rapport d’expertise psychologique », rédigé par une seconde psychologue expert, trois mois après le premier, destiné au même Juge aux Affaires Familiales.
  • Copie d’une attestation produite par le psychologue du Centre Médico Psychologique.
  • Copie d’un compte rendu du psychologue du Centre Médico Psychologique, rédigé six mois après la rédaction de son attestation.
Posté le 19-01-2020 16:45:59

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Code de déontologie
Précisions :

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Respect du but assigné
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)

AVIS

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

La Commission se propose de traiter en un point la problématique soulevée par le demandeur :

  • Cadre de déontologie des écrits des psychologues dans un contexte judiciaire.

Cadre de déontologie des écrits des psychologues dans un contexte judiciaire.

La Commission rappelle que toute personne rencontrée dans le cadre des activités d’un psychologue doit pouvoir recevoir la garantie d’être respectée dans sa dimension psychique. Ceci vaut pleinement pour l’exercice d’une rencontre imposée dans un cadre judiciaire, comme le stipulent le frontispice et l’article 12 du code de déontologie :

Frontispice : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues. »

Article 12 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte ou lorsque les capacités de discernement de la personne sont altérées, le psychologue s’efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. »

Dans la situation présente, le demandeur ne remet pas en cause la qualité de la relation établie avec le psychologue expert, comme ayant constitué un manquement aux fondements du Code de déontologie.

Ce postulat de départ posé, tout psychologue ne peut accepter que les missions qui coïncident avec ses qualifications, en se référant à l’article 5 :

Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences. »

Dans la présente situation, la psychologue chargée de l’expertise psychologique des deux adultes semble répondre à ces recommandations, en déclinant son identité professionnelle « d’expert/psychologue clinicienne ».

L’objectif de sa mission fonde les méthodes et les outils auxquels elle a eu recours afin de pouvoir rendre compte, dans le cadre de cette expertise, de ce qui a été observé et compris des enjeux des situations. Spécifiquement, l’expert/psychologue avait pour mission de rencontrer le couple parental et ses deux enfants afin de trouver le meilleur aménagement possible quant à la question du droit de résidence parentale. Elle s’est employée à répondre aux questions posées par le JAF sur la base des éléments recueillis lors de ses entretiens auprès du demandeur et son ex-conjointe en notant en italique les paroles qui lui étaient adressées. Son avis et ses conclusions circonstanciées devaient permettre au Juge de prendre les mesures nécessaires au regard de la situation familiale. De ce fait, la Commission estime que la psychologue a ici respecté le Principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Les conclusions rendues dans les deux rapports, quel que soit leur contenu, semblent conformes, en l’état, avec ce qui était attendu. Le but assigné à ces psychologues a donc été respecté et ne peut être discuté.

De plus, le but assigné détermine le cadre de l’intervention du psychologue avec la personne rencontrée et, de fait, la manière dont il parviendra à s’affranchir de la mission qui lui a été confiée. En ce sens, il est le seul à pouvoir déterminer et expliciter ses choix pour parvenir aux objectifs posés au préalable, comme l’indique le Principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Dans cette situation, lorsque le demandeur soulève le fait d’avoir été reçu durant deux heures ou estime que les psychologues et l’association rédigeraient des expertises volontairement orientées, ces assertions ne peuvent être discutées sur le plan déontologique puisqu’il s’agit d’un point de vue et non d’un fait. La Commission n’est donc pas en mesure de statuer sur le manque de probité des psychologues engagées dans la mission d’expertise. Elle rappelle cependant à cet effet que tout psychologue, quel que soit son cadre d’exercice, doit intervenir avec prudence et rigueur, comme le rappelle le Principe 2 :

Principe 2 : Prudence, Mesure, Discernement.

« Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Il appartient, en effet, à tout psychologue, de pouvoir transmettre ses conclusions de manière accessible, compréhensible et pondérée, comme le recommandent les articles 16 et 17 :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »

A la lumière de ces articles, il apparaît que les documents soumis la Commission ne présentent pas d’irrégularités manifestes en la matière. Tout au plus peut-on relever dans les conclusions, certains termes spécifiques qui appartiennent à un certain « jargon professionnel ».

En complément, il convient de rappeler que tout document, signé par un psychologue, répond à des normes d’identification auxquelles son auteur ne peut se soustraire, quelle que soit la forme, ainsi le rappelle l’article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

On notera ici, que dans tous les documents adressés par le demandeur, il manque la référence aux numéros ADELI.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

Télécharger l'avis

Avis_18-12.pdf

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