RÉSUMÉ DE LA DEMANDE
Le demandeur sollicite la Commission à propos d’une « attestation » rédigée par la psychologue qui accompagne son épouse depuis neuf mois dans un service hospitalier. Il s’interroge sur la finalité de cet écrit ainsi que sur le respect des règles déontologiques requises par la rédaction de ce type de document dans la mesure où il y est fait état de troubles psychologiques et de comportements inquiétants qu’il aurait pu avoir à l’encontre de son épouse. Le demandeur précise que la psychologue ne l’a jamais rencontré.
Le demandeur questionne la Commission :
- Sur les conclusions qu’il qualifie de partiales relatives à son fonctionnement psychologique tel que décrit dans l’attestation en question.
- Sur le fait que la psychologue ne l’a jamais rencontré, qu’elle n’a pas sollicité son consentement et qu’elle se fonde sur les dires de son épouse pour divulguer de « fausses informations » sur sa « vie privée ».
- Sur les demandes restées sans réponse de « contre évaluation » qu’il a faites.
- Sur l’absence de numéro ADELI sur cet écrit.
Document joint :
Année de la demande : 2017 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter les points suivants :
Rédiger différents types de documents fait partie intégrante de l’activité professionnelle du psychologue. Ces écrits peuvent être sollicités dans différentes situations, soit dans le cadre d’une mission ordonnée par un juge pour la rédaction d’un rapport d’expertise psychologique ou d’une enquête sociale par exemple, soit dans la pratique quotidienne en libéral ou en institution. Le psychologue y engage sa responsabilité professionnelle. Le Principe 3 du code de déontologie rappelle que la responsabilité professionnelle et l’autonomie du psychologue sont sollicitées dans la mesure où il décide de ses choix et méthodes d'intervention mais aussi des avis qu'il formule et rédige. Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement […] des avis qu’il formule. » […] L’article 20 du Code précise les caractéristiques formelles des documents émanant du psychologue et souligne la nécessité de l’accord explicite du rédacteur en cas de transmission. Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique ». Dans le cas présent, le document sur lequel le demandeur interroge la Commission ne comporte ni l’objet de l’écrit ni le numéro ADELI de la psychologue qui l’a rédigé et signé. En outre, la commission s’est interrogée sur l’en-tête du document : un service de pédiatrie d’un hôpital général dans lequel exerce la psychologue, lieu qui semble peu en adéquation avec le contenu global du document. Le document produit par la psychologue n’est pas qualifié. La Commission rappelle qu’une attestation doit faire état de constatations, de l’existence d’un fait. Si dans le document dont il est question ici, la psychologue atteste bien avoir reçu en consultation l’épouse du demandeur ainsi que la fréquence des consultations, le reste du document relève davantage du compte-rendu de consultation.
Dans un premier temps, la psychologue a accepté la prise en charge de l’épouse du demandeur dans une démarche d’aide à vivre mieux une maladie qui impactait son visage. Par la suite, elle rédige un écrit qui reproduit les dires de l’épouse sur son conjoint et leurs relations conjugales alors qu’elle n’a jamais rencontré celui-ci. La psychologue s’est donc mise en difficulté sur un point crucial : le respect du but assigné. La description des relations conjugales et l’évaluation du conjoint fait l’objet de la quasi-totalité de l’écrit produit. Si le but assigné à un suivi psychologique, dont le respect fait l’objet du Príncipe 6, peut être modifié au cours des séances, il convient que le consentement libre et éclairé des personnes concernées ait été obtenu comme le précisent le Principe 1 et l’Article 9. Principe 6 : Respect du but assigné […] « En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ». Principe 1 : Respect des droits de la personne […] « Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». Article 9 : « Avant toute intervention le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. » En second lieu, en produisant un document fondé uniquement sur le récit de sa patiente et concernant la personnalité de son conjoint sans avoir jamais l’avoir rencontré, la psychologue ne respecte pas la règle énoncée dans l’Article 13. Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » Enfin, dans le cas présent, la psychologue en empathie avec sa patiente et dans le souci légitime de lui venir en aide a manqué de discernement et de prudence face à son discours comme le souligne le Principe 2 du code : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence :[…] - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui ». Par ailleurs, s’agissant de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité de la personne, l’article 19 renvoie le psychologue à la loi commune et aux obligations de la respecter. Article 19 : […] « Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l’intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d’un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d’assistance à personne en péril » […] Ainsi, la psychologue avait toute latitude pour encourager sa patiente à s’adresser aux services de police, de gendarmerie ou l’orienter vers un professionnel de justice, afin qu’une évaluation de la situation puisse être menée, comme l’y invite l’article 4. Article 4 : […] « le psychologue fait respecter sa démarche et ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels ». Dans la situation présente, en rédigeant ce document, la psychologue a fait le choix de rapporter des éléments évoqués par l’épouse du demandeur et par la mère de celle-ci, au sujet des capacités du demandeur à prendre soin de leur fils alors qu'elle n'a, semble t-il, jamais rencontré ni l'enfant ni son père. D'une manière générale, comme il est indiqué dans le Principe 2 du Code, le psychologue doit faire preuve de prudence et d'impartialité dans ses interventions, et notamment dans ses écrits. Principe 2 : Compétence […] « Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». En rapportant des faits énoncés sans analyse et mise en perspective critique des dires de la personne qui l'a consulté, le psychologue s’expose au reproche de partialité. Même si la psychologue n’a plus la maitrise de la diffusion du document après l’avoir donné à sa patiente, l’évaluation psychologique qui est faite du demandeur, sans que celui-ci en ait été préalablement informé, contrevient aux principes de consentement libre et éclairé évoqués plus haut, ainsi qu’à ceux énoncés dans l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci ». Lorsqu’il rédige un document, le psychologue doit tenir compte du caractère évolutif des situations et des personnes. Il ne peut ainsi pas tirer de conclusions définitives comme l’indique l’article 25. Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. Dans la situation présente, le psychologue aurait pu faire preuve de plus nuances dans son compte rendu de consultation. Enfin, le demandeur a sollicité deux fois la psychologue pour une contre évaluation. S’il aurait été souhaitable que la psychologue puisse le recevoir en accord avec sa patiente, elle ne peut mener une contre évaluation, puisque le motif initial des consultations et de son écrit n’était pas de réaliser une expertise du demandeur. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ |
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