Année de la demande : 2010
Demandeur : Particulier (Parent)
Contexte : Procédure judiciaire entre parents
Objet de la demande : Intervention d’un psychologue Précisions : Expertise judiciaire
Questions déontologiques associées :
- Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Autonomie professionnelle
- Spécificité professionnelle
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Consentement éclairé
- Traitement équitable des parties
- Discernement
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation)
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Ainsi que l'indique le préambule, la commission de déontologie n'a ni vocation ni légitimité pour juger de la compétence d'un psychologue. Sa mission étant essentiellement consultative et pédagogique, elle ne peut donc formuler d'appréciation sur le comportement d'un professionnel donné. Il est par contre de son ressort de proposer une réflexion plus générale et distanciée et c'est ce qu'elle tentera de faire ici sur la question de l'expertise psychologique dans un contexte de séparation conflictuelle de parents.
Au regard des éléments apportés par le demandeur, la commission traitera des points suivants :
- Conditions habituelles de réalisation d'une expertise psychologique,
- Autonomie professionnelle du psychologue dans le choix de ses interventions et méthodes,
- Repères déontologiques propres à toute évaluation psychologique.
- Conditions habituelles de réalisation d'une expertise psychologique
Le compte rendu évoqué par le demandeur étant un rapport d'expertise produit dans le cadre d'une procédure judiciaire, il apparaît tout d'abord important de rappeler les conditions de réalisation d'une expertise psychologique, même si elles peuvent être modulées par quelques variantes :
- Le psychologue figure généralement sur une liste d'experts,
- Il est commis par un juge en fonction de ses compétences,
- Il répond à des questions précises formulées par le magistrat dans le cadre de la mission qui lui est confiée,
- Il effectue une tâche spécifique d'évaluation, soumise à échéance, qui débouche sur la réalisation d'un rapport d'expertise finalisé, daté, certifié "sincère et véritable",
- Le rapport d'expertise est l'une des pièces du dossier juridique.
Les compétences du psychologue sont évoquées dans l'article 5 du code :
Article 5 : Le psychologue exerce dans les domaines liés à sa qualification, laquelle s'apprécie notamment par sa formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie, par des formations spécifiques, par son expérience pratique et ses travaux de recherche. Il détermine l'indication et procède à la réalisation d'actes qui relèvent de sa compétence.
Quant au statut d'un rapport d'expertise, il est particulier dans la mesure où il fait partie intégrante d'un dossier juridique. Compte tenu de son cadre d'intervention très spécifique, le psychologue expert ne peut donc, suite à la remise de son écrit, en modifier le contenu ou revenir sur ses conclusions à la demande des parties.
Un autre expert peut toutefois proposer une seconde analyse, rejoignant les conclusions de son confrère ou au contraire, s'en différenciant.
- Autonomie professionnelle du psychologue dans le choix de ses interventions et méthodes
Le psychologue dont "l'activité porte sur la composante psychique des individus, considérés isolément ou collectivement" (article 3), dispose d'une autonomie technique et décide seul, en conscience professionnelle, de ses interventions et des méthodes qui lui semblent le plus appropriées pour accomplir une mission.
Son indépendance professionnelle est ainsi garante de la qualité de ses interventions et contribue à l'objectivité de ses observations et analyses.
Le titre I-7 et l'article 6 explicitent ces différentes notions :
Titre I-7 Indépendance professionnelle : Le psychologue ne peut aliéner l'indépendance nécessaire à l'exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit.
Article 6 - Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels.
Au regard de cette autonomie, mais aussi de la nécessaire préservation de la confidentialité, et après avoir présenté à la personne évaluée la manière dont il va procéder et avoir sollicité son consentement, le psychologue peut refuser l'enregistrement audio ou vidéo d'un entretien. Il doit en outre toujours veiller à l'utilisation qui pourrait être faite de ses interventions ultérieurement.
Titre I-1 Respect des droits de la personne : […] Le psychologue préserve la vie privée des personnes en garantissant le respect du secret professionnel […].
Titre I-6 Respect du but assigné : […] Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
Cette autonomie ne le dédouane cependant pas d'indiquer son référentiel théorique, d'expliciter la méthode et les outils qu'il a retenus. Les articles 9 et 12 le rappellent clairement :
Article 9 - Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement de ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de son intervention. […]
Article 12 - Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
- Repères déontologiques propres à toute expertise psychologique
Un certain nombre de règles déontologiques guident le travail d'expertise psychologique dans le cadre judiciaire. Parmi celles-ci la commission retiendra tout particulièrement le respect du but assigné, le traitement équitable des parties, le discernement et la prudence, la notion de relativité des évaluations, le droit à contre-évaluation.
Au nombre des principes généraux du code, il constitue certainement le fil rouge de toute évaluation : le psychologue investi d'une mission d'expertise répond en effet à une ou des questions posées et seulement à celles-ci.
Son rôle est de contribuer à éclairer la justice, d'aider le magistrat à se forger un jugement, mais non de fournir des preuves.
Le principe I-6 et l'article 9 traitent de cet aspect :
I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. […].
Article 9 : […] Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue […] sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves.
En répondant, le psychologue est naturellement conduit à des hypothèses, propositions, recommandations que le juge peut suivre ou non. En tout état de cause, s'il demeure toujours responsable de ses conclusions, ainsi que le stipule l'article 12, c'est bien le magistrat qui prononce le jugement et en explicite les motifs.
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. […] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.
Compte tenu du poids des conclusions des experts en général, quel que soit leur domaine de compétence, la commission recommande aux psychologues en charge de telles missions d'être particulièrement vigilants quant à la rédaction de leurs conclusions et à ce qu'elles engagent.
Article 19 : […] Il (Le psychologue) ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
- Traitement équitable des parties
Dans le cadre spécifique de l'évaluation et notamment de l'expertise, le psychologue est attentif au respect d'une équité entre les différents protagonistes d'une situation difficile et /ou conflictuelle. Il reçoit en principe pour cela chacune des personnes directement impliquée et concernée par les questions posées.
Il a par ailleurs toute latitude pour décider de rencontrer -ou pas- d'autres membres de la famille ou personnes proches ou de consulter -ou pas- différentes pièces qu'il pense pouvoir être utiles à l'établissement de son appréciation (attestations, courriers, procès verbaux…).
Article 9 : […] Dans les situations d'expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties […].
En raison des multiples informations qui peuvent parvenir au psychologue, tantôt complémentaires et concordantes, tantôt contradictoires ou ambigües, ainsi que des enjeux affectifs et parfois passionnels induits par une situation de séparation parentale, le discernement et la prudence sont deux autres principes essentiels à la réalisation d'une expertise. Le préambule du titre I et l'article 17 rappellent ces notions :
Préambule des principes généraux : La complexité des situations psychologiques s'oppose à la simple application systématique de règles pratiques. Le respect des règles du présent Code de Déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement […].
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu'il met en œuvre. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d'une mise en perspective théorique de ces techniques.
- Relativité des évaluations
Conscient que ses appréciations, diagnostics psychologiques, observations…, comportent toujours une part de subjectivité et donc de relativité, le psychologue expert a l'obligation de se référer à un (ou des) modèle(s) théorique(s) scientifiquement validé, de se doter d'outils et d'une méthodologie reconnus et éprouvés qui lui permettront d'être le plus objectif et fidèle possible à une réalité souvent complexe.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. […].
En tant qu'expert, il est cependant tenu de se positionner assez clairement dans la réponse aux questions qui lui sont posées pour aider à la compréhension d'une situation d'affrontement et de désaccord, dans laquelle les acteurs sont en souffrance et se sentent souvent lésés ou désavantagés. Dans le cas d'une séparation parentale avec litige concernant le droit de visite et d'hébergement d'un ou plusieurs enfants, il veillera toujours in fine à ce qu'il estime être l'intérêt supérieur de l'enfant.
- Droit à contre- évaluation
Une personne ayant fait l'objet d'une expertise et qui souhaite un autre avis dispose d'un droit à contre-expertise.
Article 19 : […] Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander une contre-évaluation. […].
Il est regrettable que cette possibilité ne soit pas toujours entendue.
Avis rendu le 22/10/2010
Pour la CNCDP
Le Président, Patrick COHEN
Articles du code cités dans l'avis : Titres I-1, I-6, I-7; Articles 5, 6, 9, 12, 17, 19. |