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La psychologue qui sollicite l’avis de la CNCDP travaille dans un établissement accueillant des personnes handicapées.
Il y a quelques mois, « une ancienne pensionnaire de l’établissement » a été admise en urgence, suivant une procédure « absolument inhabituelle ». Cette décision est consécutive à un dépôt de plainte pour viol. Depuis lors, la psychologue la  «reçoit en psychothérapie au sein de l’institution ».
La psychologue a « accompagné » cette personne « pour son audition chez le juge d’instruction », tenant compte de ses difficultés d’expression verbale et de sa souffrance. « Pour préserver les droits de la défense », elle ne peut tenir un rôle d’interprète au vu de sa position professionnelle. Cependant, le juge d’instruction souhaite maintenant l’entendre. 
Confrontée à une situation complexe, la demandeuse recherche « des avis autorisés ». Elle pose donc à la commission les questions suivantes :
« Que puis-je dire et ne pas dire en précisant que ce qu’elle m’a confié ne peut être révélé même si elle me le demande, sachant que cette personne a un statut de majeur protégé ?
Puis-je faire état officiellement de mon intime conviction ?
Dans l’hypothèse où un bilan psychologique me serait demandé par le juge, quelles sont les informations que je dois éviter ?
M’est-il possible de faire mention qu’une menace de mort a été évoquée et que dans ce cas, la notion de danger pourrait être considérée comme existante ? »

Posté le 30-11-2010 17:44:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2007

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Témoignage en justice

Questions déontologiques associées :

- Secret professionnel (Levée du secret professionnel)
- Compétence professionnelle (Formation (formation initiale, continue, spécialisation))
- Respect de la loi commune
- Mission (Distinction des missions)
- Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
- Traitement équitable des parties
- Respect de la personne

La commission répondra aux questions de la demandeuse en les regroupant en trois points :

  • la  levée du secret professionnel
  • l’intime conviction
  • la distinction des missions

La levée du secret professionnel

 

L’article 13 du Code de Déontologie donne réponse à cette question : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal, et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Conformément aux dispositions de la loi pénale en matière de non assistance à personne en danger, il lui est donc fait obligation de signaler aux autorités judiciaires chargées de l'application de la Loi toute situation qu'il sait mettre en danger l'intégrité des personnes. Dans le cas particulier où ce sont des informations à caractère confidentiel qui lui indiquent des situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou a celle d'un tiers, le psychologue évalue en conscience la conduite à tenir, en tenant compte des prescriptions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en danger. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. »

Or, la loi commune, en la matière, s’énonce dans les  articles 226-13 et 226-14 du Code Pénal :

 

CP Article 226-13
La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

CP Article 226-14
L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :
1º À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. (…)

La Commission estime que, dans cette situation, même si le danger imminent est écarté du fait de la mise sous protection de la personne concernée, un danger potentiel existe toujours.
De plus, conformément au Titre I-1 du Code de Déontologie, concernant le respect des droits des personnes : « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. »

En conséquence, la Commission considère que la psychologue, placée devant une telle situation, peut et même doit lever le secret professionnel.

L’intime conviction

Dans l’audition que sollicite le juge, il appartiendra à la psychologue de discerner ce qui relève de l’analyse psychologique issue d’une position professionnelle, et ce qui relève de l’intime conviction issue d’un témoignage éclairé mais liée par la subjectivité de sa relation à sa patiente. La commission fera référence ici au Titre I-2 du Code de Déontologie : « Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. »


La distinction des missions

Si le juge sollicite les résultats d’un bilan psychologique, la commission estime que la psychologue est alors confrontée à une mission d’expertise.
Or, la Commission considère que la relation thérapeutique établie par la psychologue avec cette patiente ne lui permet pas d’accepter une telle mission, en référence à l’article 4 du Code : « Il (le psychologue) peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer », d’autant que, comme le précise l’article 9 : « dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties ».

Toutefois, si un expert est nommé, la commission estime que la psychologue peut lui communiquer, sous réserve de l’accord de la personne concernée, les éléments qu’elle estime utiles à la compréhension de la situation.

 

Avis rendu le 24 mars 2007
Pour la CNCDP
La Présidente
Anne Andronikof

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-1, I-2, Articles 4, 9, et 13

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Avis 07-08.doc

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