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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le père de deux garçons âgés de 17 et 10 ans interpelle la Commission à propos de l’intervention d’une psychologue qui reçoit le plus jeune de ses fils et a produit, à la demande de la mère, un compte rendu qu’il estime à charge contre lui. Suite à leur divorce, le couple parental est en effet en procédure judiciaire au sujet de la domiciliation de leurs enfants. Une enquête sociale serait en cours à la demande d’un Juge des Enfants (JE).

Le demandeur indique qu’il conserve son autorité parentale et des droits d’hébergement. Il souhaite obtenir l’avis de la Commission, notamment sur la manière dont il a été reçu par cette psychologue. Il relate en particulier le fait qu’elle aurait affirmé, au cours du seul entretien qu’elle lui a accordé, n’avoir aucune obligation de « l’informer de quoi que ce soit sur la thérapie » de son fils. Elle aurait également assuré n’en savoir pas plus concernant l’existence et/ou le contenu du compte-rendu qui a été transmis à la justice par l’intermédiaire de la mère.

 

Documents joints :

  • Copie d’un « compte-rendu de suivi psychologique » établi par une psychologue exerçant en libéral.
  • Copie d’extraits dudit compte rendu, commentés et annotés point par point par le demandeur.
  • Copie d’une facture manuscrite rédigée par cette psychologue.
Posté le 22-01-2023 13:49:35

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2021

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Secret professionnel (Obligation du respect du secret professionnel)
- Discernement
- Impartialité
- Respect du but assigné

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Positionnement déontologique du psychologue recevant un enfant en psychothérapie vis-à-vis de son parent
  • Contenu et transmission d’écrits rédigés par le psychologue

 

  1. Positionnement du psychologue recevant un enfant en psychothérapie vis-à-vis de son parent

Le respect des personnes dans leurs droits fondamentaux fonde le code de déontologie des psychologues. Prendre en compte leur autonomie et leur liberté de jugement comme de décision fonde le premier Principe :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

Quand le psychologue intervient auprès d’un mineur et ce, à la demande d’un seul parent, l’autre parent est réputé informé et avoir consenti en tant que « tiers de bonne foi » à la démarche de consultation. Cependant, le psychologue ne peut méconnaître ni les dispositions du Code civil relatives à l’autorité parentale, ni l’article 11 du code de déontologie :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

Cependant, dans l’intérêt des mineurs, la Commission préconise régulièrement au psychologue de pouvoir entendre l’autre parent, en particulier dans le contexte d’un divorce conflictuel. 

Dans la situation présente, le compte rendu de la psychologue fait état d’une psychothérapie du fils du demandeur, âgé de 9 ans, qui aurait débuté huit mois auparavant, à la demande de la mère. Il ne précise pas le rythme des séances mais stipule avoir été rédigé à la demande de cette dernière « pour faire valoir ce que de droit ».

Le psychologue étant tenu par le respect du secret professionnel, il ne peut donc divulguer d'informations. Ceci est rappelé par l'article 7 :

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. 

Il ne peut donc révéler à des parents le contenu de paroles d'un enfant entendues pendant les séances de psychothérapie. Cependant, il lui est recommandé de leur transmettre son analyse, voire ses préoccupations concernant l’état psychique du mineur. Cet là un exercice qui demande d’user de discernement, tact et mesure. Ces points sont précisés par l'article 16 et le Principe 2 :

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui (...) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité »

Les seules restrictions qui peuvent faire obstacle à rechercher l’avis ou le consentement du parent absent, voire motiver un refus de toute communication avec lui, résultent de la prise en compte d’un danger potentiel pour le mineur ou du refus de ce dernier à ce que son parent intervienne dans sa démarche thérapeutique. Ces occurrences sont évoquées dans les articles 10 et 19 du Code :

Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. »

Article 19 : « (...) Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. »

Ici, la psychologue a reçu le père suite à la lettre recommandée qu’il lui avait adressée. La Commission s’est interrogée sur les raisons qui l’ont amenée à ne pas l’avoir reçu avant la rédaction du « compte rendu de suivi psychologique ». Elle n’a cependant pas été en mesure d’apprécier la tonalité de cette rencontre faute d’éléments complémentaires concernant l’interpellation du demandeur.

  1. Contenu et transmission d’écrits rédigés par le psychologue

La rédaction d’un écrit est un exercice délicat qui nécessite rigueur et circonspection. Sur le plan formel, hormis l’omission du numéro ADELI, le document transmis à la Commission respecte les recommandations énoncées à l’article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… »

Le psychologue ne révèle à quiconque les paroles prononcées par un patient ou un consultant, il garantit ainsi le respect de son intimité. Dans ses écrits, le psychologue s’attache néanmoins à consigner avec précision et rigueur le cadre de son intervention ou le contenu de son évaluation ce qui permet une identification claire des limites du travail effectué, en référence au Principe 4. Il détermine le but auquel sont assignés ses écrits et est particulièrement attentif aux usages qui peuvent en être faits comme indiqué au Principe 6 :

Principe 4 : Rigueur

«Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail.

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans le cas présent, la psychologue « atteste sur l’honneur » recevoir le jeune garçon en psychothérapie depuis plusieurs mois. Elle apporte des éléments d’anamnèse qui concernent essentiellement la mère et peu l’enfant pour lequel l’écrit est rédigé. La Commission a pu s’interroger sur la présence d’éléments pouvant évoquer un manquement possible au respect de l’intimité préconisé au Principe 1 déjà cité. L’écrit dévoile de nombreux détails, observations et paroles exprimées pendant les entretiens, relatifs à l’intimité du couple et de l’enfant. Le parti pris en défaveur du père prédomine, avant même d’avoir rencontré celui-ci, puisque l’entretien avec lui a eu lieu postérieurement à la production dudit compte rendu.

La psychologue mentionne largement le conflit opposant les parents en ayant conscience du fait que son écrit sera produit dans le cadre judiciaire, ce que la mention finale « pour faire valoir ce que de droit », atteste. La prudence et la mesure préconisées au Principe 6 déjà cité et à l’article 25 auraient pu guider sa rédaction :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Lorsque le psychologue rédige un avis faisant apparaître des conclusions ou des préconisations, à la demande d’un consultant ou d’un patient, il est souhaitable que cet écrit ne puisse être confondu avec un témoignage, une grille d’observation ou une simple retranscription d’observations.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle Guidetti

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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