Les parents d’un enfant, qu’ils présentent comme souffrant de « fragilités laissant soupçonner des troubles d’apprentissage », sollicitent l’avis de la Commission au sujet des méthodes d’une psychologue consultée en libéral. Leur demande était la réalisation urgente d’un bilan neuropsychologique de leur fils. La psychologue a proposé de réaliser la passation d’une batterie de tests en une journée, suivie de la restitution des résultats une semaine après.
Des modalités de paiement étalé ont été convenues, la passation des tests réalisée, mais la psychologue s’est vue « contrainte d’annuler », à la dernière minute, le rendez-vous de restitution de son bilan. Elle a informé les parents de cet empêchement, alors qu’ils se trouvaient devant la porte close du cabinet.
Faute d’avoir pu la joindre directement pour convenir d’une nouvelle date, ils lui ont très rapidement adressé une lettre de « mise en demeure avant dépôt de plainte », dans laquelle ils relatent leur désarroi et font état du « préjudice immense » qu’ils estiment avoir subi. Ce courrier marque leur volonté de rompre tout contact avec la psychologue qu’ils accusent d’avoir manqué « de déontologie, de rigueur et d’intégrité ». Ils font état de leur volonté de porter « plainte pour escroquerie » et la mettent en demeure de renvoyer « sous huitaine » les chèques bancaires de l’intégralité des honoraires prévus initialement.
La psychologue a pris acte de cette décision en leur adressant, par courrier recommandé, le compte rendu écrit du bilan de leur fils, tout en proposant de défalquer le coût du rendez-vous manqué en répondant point par point aux griefs avancés.
Les parents saisissent la Commission pour obtenir un avis sur le comportement de cette psychologue. Ils soulignent l’absence d’un « contrat formalisé », un paiement demandé avant la réalisation du bilan, ses retards, son absence, sa communication par texto et l’envoi du compte rendu qu’ils jugent « parfaitement incompréhensible pour des non professionnels ».
Documents joints :
Année de la demande : 2019 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Reconnaissance de la dimension psychique des personnes |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Modalités et conditions d’exercice d’un psychologue exerçant en libéral : respect des personnes et responsabilités L’exercice d’un psychologue en libéral doit répondre à un certain nombre d’obligations qui engagent sa responsabilité comme le Principe 1 du code de déontologie le stipule : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » S’il fixe librement ses honoraires, comme le rappelle l’article 28, aucune obligation déontologique ne lui impose de formaliser un contrat écrit avec ses patients : Article 28 : « Le psychologue exerçant en libéral fixe librement ses honoraires, informe ses clients de leur montant dès le premier entretien et s'assure de leur accord. » Le psychologue est néanmoins invité à expliciter son mode d’intervention, en fixer les modalités financières, et obtenir le consentement des intéressés, comme l’indique l’article 9 : Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Dans la situation présente, et selon les documents transmis à la Commission, la psychologue semble avoir posé son cadre d’intervention auprès de cette famille en réservant aux parents un premier temps de consultation. Sollicitée pour « sa visibilité et sa disponibilité expresse » sur la durée restreinte des congés scolaires de fin d’année civile, il semble que celle-ci a veillé à apporter une réponse à la demande des parents. C’est par ailleurs en toute autonomie que le psychologue choisit et applique ses méthodes et techniques, comme le pose le Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » La passation d’une batterie de tests sur toute une journée est apparue contraignante aux yeux des parents, même si, indiquent-ils, une pause méridienne a été respectée. Bien que la psychologue leur ait assuré de la bonne coopération de l’enfant pendant les épreuves, la prise en compte de sa fatigabilité aurait été souhaitable et en accord avec le respect de la dimension psychique qui figure au frontispice du Code et dans le Principe 4. Frontispice « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues. » Principe 4 : Rigueur « Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. » La Commission note que la dégradation de la communication entre cette famille et la psychologue résulte de la grande frustration de n’avoir pu obtenir de restitution orale du bilan le jour prévu. À ce sujet, le code de déontologie prend soin de rappeler l’importance de restituer de façon claire et respectueuse les résultats des investigations. Les articles 16 et 25 du Code sont à ce titre explicites : Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Dans le cas présent, la psychologue a choisi d’envoyer ses conclusions par courrier faute d’avoir pu rencontrer les parents lors d’un rendez-vous de restitution orale et suite à leur courrier de mise en demeure de restituer les honoraires perçus. Sur ce point, les éléments d’informations contradictoires apportés de part et d’autre, ne permettent pas de trancher sur l’existence de manquements déontologiques flagrants. Néanmoins, la Commission s’est interrogée sur le choix de l’envoi du compte-rendu écrit avec, semble-t-il, des résultats aux tests et leur analyse dont la lecture est apparue incompréhensible aux parents, alors même que ces derniers ont exprimé le souhait d’interrompre le processus de bilan. Sachant que les parents ont refusé de revoir cette psychologue et que ces résultats n’ont pu, de ce fait, être suivis d’une explicitation orale, comme cela est d’usage dans le cadre d’un bilan, il apparait que la psychologue s’est trouvée contrainte à ne pas accompagner ses conclusions écrites, ce qui a provoqué la réaction de ces parents. Dans une telle situation conflictuelle, la psychologue aurait pu s’appuyer sur les articles 22 et 14 du Code, en actant la rupture de confiance de ses clients, tout en leur suggérant la possibilité de réaliser une contre évaluation : Article 22 : « Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d'interrompre son activité, il prend, avec l'accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée. » Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. » En conclusion, la Commission tient à souligner l’importance de veiller à respecter toutes les étapes d’un bilan, des premiers entretiens à la restitution des résultats, dans l’intérêt supérieur de l’intéressé. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis 19-04 AI.pdf |