La demande émane d'un homme, père d’une fille de trois ans et demi, engagé « dans une procédure de divorce très conflictuelle » avec sa femme. Celle-ci, un peu plus d’un an auparavant, a sollicité une psychologue pour que leur couple soit pris en charge.
À l’issue d’un rendez-vous initial avec le couple, la psychologue leur aurait proposé d’assurer un suivi individuel à chacun, en parallèle d’entretiens de couple. Le demandeur n’a pas donné suite à cette proposition, alors que son épouse a accepté un suivi individuel dans un contexte de plainte de « harcèlement » dans le couple.
La psychologue a, quelques temps plus tard, rédigé une attestation que le demandeur juge partiale et en faveur de sa femme. Il conteste l’initiative et la rapidité avec laquelle elle aurait formulé, à son endroit, le « diagnostic de pervers narcissique », ainsi que le fait de le lui avoir transmis par téléphone.
Le demandeur estime que le seul but de son épouse était de lui retirer la garde de leur fille, sans justification réelle à une telle démarche. Son épouse aurait même essayé, selon lui, de faire reconnaître par leur employeur commun l’état de la situation, occasionnant l’ouverture d’une enquête du service des ressources humaines, n’ayant cependant abouti sur aucune confirmation.
« Atterré, d’une part par le manque total de réserve de cette psychologue et d’autre part qu’elle ait pu faire « une attestation à des fins judiciaires » alors même que l’Ordre des médecins l’interdit aux médecins, il demande à la Commission l’examen de cet écrit qu’il estime porteur de « déviations » déontologiques.
Documents joints :
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue) |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter des points suivants :
Le psychologue peut être amené à rédiger divers documents tels que ceux dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien encore « expertises ». Quel que soit son cadre d’exercice, ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle, comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Une attestation a pour but de certifier qu’un patient a été reçu une ou plusieurs fois, que le suivi continue ou non. Ce type de document est toujours remis en main propre à la personne qui le demande et porte généralement la mention « pour faire valoir ce que de droit ». Quelle qu’en soit la dénomination, l’écrit d’un psychologue doit par ailleurs répondre à quelques règles énoncées dans l’article 20. Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » Dans un divorce, quand un psychologue reçoit un des membres du couple et qu’il accepte de rédiger un écrit à la demande de celui-ci, il doit veiller à la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte, comme le rappelle l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». Après lecture du document dénommé « attestation », la Commission relève le fait que le document est globalement conforme à ce type d’écrit. La psychologue indique le motif initial des consultations formulé par sa patiente. Elle ne tire pas, dans son écrit, de conclusions hâtives sur le demandeur ou sa patiente, fait état des contacts téléphoniques qu’elle aurait eu avec le demandeur pendant le suivi de son ex-épouse. Par ailleurs, le demandeur conteste le fait qu’il soit produit à des fins judiciaires, puisque la justice n’avait pas saisi la psychologue. Le Principe 3, déjà cité, indique que le psychologue a toute latitude pour formuler un avis sur une situation qu’il a pu examiner. La psychologue pouvait donc réaliser le document suite à la demande de sa patiente, les psychologues n’observant pas les mêmes règles que les médecins et n’ayant pas d’Ordre pour réguler la profession.
Toute personne accueillie par un psychologue doit pouvoir espérer l’être dans le cadre d’une relation respectueuse. Cela suppose alors de se conformer à ce qu’inscrit le Code dans son Préambule : Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues ». Cela vaut aussi bien dans le cadre d’une rencontre individuelle que dans celui d’une consultation avec un couple. La non-observance de ce principe ferait courir au psychologue le risque d'être pris dans des conflits dont il ne saurait complètement se défaire. Dans la situation présente, rien ne permet de savoir précisément si la psychologue a été ou non défaillante en la matière, l’attestation produite respectant les principes déontologiques. Le demandeur n’a pas porté à la connaissance de la Commission des éléments spécifiques permettant de discuter cette question. Par ailleurs, tout psychologue doit observer un devoir de prudence lors de toute transmission, orale ou manuscrite, comme indiqué dans le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Selon le demandeur, un diagnostic psychopathologique a été formulé par téléphone, à son endroit, après une unique consultation. La Commission n’est pas en mesure d’émettre un avis sur ce point précis, puisque le document écrit ne fait pas état d’un diagnostic et ne peut donc que rappeler que la prudence et l’impartialité doivent être observées quel que soit le mode de communication établi avec le psychologue. Il relève également de la responsabilité du psychologue de savoir délimiter son cadre d’intervention et choisir ses méthodes comme le rappelle l’article 3 : Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien ». Le psychologue se doit aussi d’adapter ses méthodes à ses objectifs, en cohérence avec le but assigné à sa mission, ceci en conformité avec le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ». La Commission s’est donc interrogée quant au fait que la psychologue ait pu proposer d’assurer en même temps le suivi individuel du demandeur et celui de sa femme, en parallèle d’un accompagnement du couple, risquant alors d’introduire une confusion des espaces propres à chacun et des doutes quant à la confidentialité des propos. Néanmoins, ce risque a, de fait, été écarté par le refus du demandeur de poursuivre les entretiens avec cette psychologue. La psychologue a alors, semble-t-il, poursuivi les séances avec l’ex-épouse du demandeur tout en garantissant la confidentialité des propos tenus par sa patiente. Rien alors dans le dossier ne peut alerter la Commission sur un non-respect de la déontologie de nature à remettre en question la pratique de cette psychologue. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
Avis_18-25.pdf |