RÉSUMÉ DE LA DEMANDE
Le demandeur est en procédure judiciaire avec son ex-compagne. Ils sont parents d’un garçon âgé de 12 ans. La demande concerne un « compte rendu », établi par le psychologue qui suit son fils. Cet écrit ne mentionne aucun destinataire, mais a été produit en justice. Les parents sont en effet en conflit au sujet des droits de visite et d’hébergement du père, dont la mère demande la suspension en seconde instance devant la Cour d’Appel (CA). La Cour est appelée, par la partie adverse, à fonder sa décision sur des éléments des documents, intitulés « compte rendu de suivi » et « complément de compte rendu » qui renforcent et font suite à un compte rendu précédent du même psychologue, produit en première instance.
Le demandeur estime que ces documents sont « entaché(s) d’erreurs manifestes d’appréciation » et qu’ils lui causent « un grave préjudice » en particulier sur la qualité des « relations entre un fils et son père ». Il estime que les propos du psychologue sont en contradiction avec le Code, qu’ils sont « diffamatoires » et « mensongers ». Il envisagerait de porter plainte contre le psychologue et interroge la Commission sur ce qui représente à ses yeux une « inéquité de traitement » entre les deux parents.
Documents joints :
Année de la demande : 2018 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
AVIS AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné. Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.
La Commission se propose de traiter des deux points suivants :
1- But assigné, secret professionnel et traitement équitable des parties dans un contexte de séparation parentale. Dans un contexte de séparation parentale, l’intervention d’un psychologue auprès d’un mineur dont les parents se disputent les droits de visite et d’hébergement est particulièrement délicate. Elle implique une relation respectueuse avec l’enfant, mais aussi la reconnaissance de la place des deux parents, comme le Préambule du Code le mentionne : Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues ». En ce qui concerne les mineurs, ces aspects sont renforcés par la préconisation du recueil de l’accord des deux parents, inclus dans l’article 11 : Article 11 : « L'évaluation, l'observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux ». Outre le consentement des deux parents, l’article 11 vise au traitement équitable des deux parents. La non-observance de cette recommandation fait courir au psychologue le risque d'être pris dans des conflits parentaux et de ne pas en protéger l’enfant qu'il reçoit. Or, dans la situation présente, le psychologue a mis quelques mois avant de répondre aux sollicitations du père, tout en recevant la mère. Par ailleurs, le psychologue doit respecter la vie privée, comme l’indique le Principe 1. Il ne peut transmettre des informations recueillies dans un cadre confidentiel que dans des circonstances particulières définies dans la loi. D’une manière générale, le respect du secret professionnel, rappelé dans l’article 7 du Code, s’impose, à l’exception des situations prévues par la loi et relevant de la protection des personnes. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par la législation nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] » Article 7 : « Les obligations concernant le secret professionnel s'imposent quel que soit le cadre d'exercice ». Dans la situation présente, le psychologue a décidé de rédiger un compte rendu du suivi psychologique de l’enfant. Deux documents sont transmis aux parents de son patient le même jour : le compte-rendu puis un complément écrit à la demande du père « se sentant lésé » par l’omission d’éléments dans le premier document. Pour aucun des deux écrits n’est précisé le (les) destinataire(s). L’objectif du psychologue, énoncé dès les premières lignes du compte rendu est de « rectifier » une erreur commise dans un écrit antérieur à celui-ci. Il relate ensuite très précisément les différentes étapes de son cheminement avec l’enfant. Il rapporte également une entrevue entre le fils et le père qu’il a organisé par « visio-conférence » et son souci d’extraire l’enfant des conflits et des procédures. Au vu de l’exploitation judiciaire qui s’en est suivie, la Commission a interrogé le positionnement de ce psychologue quant au respect du secret professionnel, dont l’objectif est de distinguer les espaces de parole de chacun. La référence au Principe 2 aurait pu l’inciter à plus de prudence : Principe 2 : Compétence […] « Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il (le psychologue) fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité ». Par ailleurs, il convient de rappeler que le psychologue est tenu de respecter la cohérence entre le dispositif qu’il met en place et le motif initial de sa mission. Le Principe 6 précise que le psychologue ne saurait modifier son cadre d’intervention à d’autres fins que celles pour lesquelles il a été mis en place : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ». Dans le cas présent, le motif initial des séances, tel que décrit dans le compte rendu, semble être l’accompagnement du jeune patient dans un contexte de divorce conflictuel.
2- Autonomie et responsabilités du psychologue dans la conduite de son dispositif d’intervention. Après avoir évalué l’objectif de son intervention et délimité sa place et sa fonction dans un dispositif, le psychologue a toute latitude pour choisir ses méthodes, comme le définit l’article 3 qui s’inscrit dans le prolongement du Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien. » S’agissant d’un mineur, l’article 9 est un repère pour délimiter le cadre de travail d’un psychologue et tenir compte des droits des parents : Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. » Dans la situation présente, le psychologue s’est clairement positionné dans sa fonction de psychothérapeute d’un garçon, reconnu « en souffrance » par les deux parents. Il a donc mis en place des entretiens individuels avec son jeune patient. Après plusieurs séances, et devant les multiples sollicitations du père, le psychologue a proposé une modalité de contact par « visioconférence » avec le père, au moment d’un entretien entre le psychologue et son jeune patient. Ce dispositif, rarement utilisé dans ces situations mais envisageable comme le mentionne l’article 27, a eu lieu quelques jours avant la rédaction du compte rendu. Article 27 : « Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée. Le psychologue utilisant différents moyens télématiques (téléphone, ordinateur, messagerie instantanée, cybercaméra) et du fait de la nature virtuelle de la communication, explique la nature et les conditions de ses interventions, sa spécificité de psychologue et ses limites. » La responsabilité du psychologue dans la décision de porter par écrit son évaluation reste alors pleine et entière. À la lecture du compte rendu et des pièces jointes, la Commission a relevé que la mise en perspective des interprétations, évoquée à l’article 23, aurait tiré bénéfice de la prise en compte de l’article 25 qui invite à tenir compte des processus évolutifs des personnes. Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques. » Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Ainsi, recevoir ce père dès le début de la consultation, dans le but de s’accorder avec lui sur les objectifs de la psychothérapie et lui en expliciter le mode d’intervention, aurait sans doute permis de prévenir les malentendus de part et d’autre, et ce, dans l’intérêt supérieur de l’enfant reçu en entretien. Enfin, la Commission rappelle que le psychologue doit également chercher à discerner son implication personnelle dans les situations qu’il traite comme l’indique le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : (…) de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Dans le cas présent, la Commission n’a relevé aucun élément majeur permettant de mettre en doute les compétences de ce praticien. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. 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