Une psychologue, travaillant dans une structure d'accueil et d'accompagnement pour personnes handicapées, sollicite la CNCDP concernant une situation conflictuelle qui l'oppose à sa direction. A la suite de diverses dégradations de ses conditions de travail : « harcèlement moral, atteinte à [sa] déontologie, modification de son contrat de travail », la demandeuse a saisi le Conseil des Prud’hommes « pour demander une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur ».
Récemment, la demandeuse a « découvert (...) que [sa] direction a fourni au Conseil des Prud’hommes [ses] tableaux de bord d’activités sans cacheter les noms des personnes » qu’elle a rencontrées dans le cadre de son activité. Or, la « direction, estimant que [le] dossier aux Prud’hommes est public, met à disposition de quiconque le désire la consultation [du dossier de la demandeuse] aux Prud’hommes, et donc de ces tableaux de bord nominatifs ».
La demandeuse demande donc : « l'acte de ma direction de fournir au Conseil des Prud'hommes mes tableaux de bord d'activités nominatifs respecte-t-il mon Code de Déontologie des Psychologues ? »
Année de la demande : 2012 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Abus de pouvoir
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A la lecture de cette demande, la Commission se propose de réfléchir autour de deux thématiques : - La reconnaissance du Code de déontologie des psychologues par leurs employeurs, - La préservation de la confidentialité dans la transmission d’un relevé d'activité émanant d’un psychologue.
La Commission trouve sa légitimité dans l’application du Code de déontologie des psychologues de 1996, actualisé en 2012. L’objectif du Code de déontologie est rappelé dans son préambule : PréambuleLe présent Code de déontologie est destiné à servir de règle aux personnes titulaires du titre de psychologue, quels que soient leur mode et leur cadre d’exercice, y compris leurs activités d'enseignement et de recherche. (...) Le respect de ces règles protège le public des mésusages de la psychologie et l'utilisation de méthodes et techniques se réclamant abusivement de la psychologie. Le Code de déontologie représente donc un élément fondateur des conduites du psychologue, protégeant le public des mésusages de la psychologie, mais aussi le psychologue lui-même, en lui permettant de faire connaître et reconnaitre les règles qui régissent sa pratique. Le Code de déontologie contribue aussi efficacement à éclairer la pratique d’un psychologue pour ses interlocuteurs institutionnels. Le respect du Code de déontologie permet ainsi au psychologue d’exercer une activité autonome, d'une part en accord avec son éthique et sa déontologie, et d’autre part avec les règles inhérentes à son inscription dans l’institution. Le Principe 2 précise cette autonomie du psychologue dans son activité : Principe 2 : (...) Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. De plus, l’article 4 du Code précise qu’il est également de la responsabilité du psychologue de faire respecter cette autonomie : Article 4 : Qu'il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels. Aussi, lorsque le psychologue exerce dans une institution publique ou privée, il doit veiller à respecter et faire respecter le secret professionnel inhérent à son activité : Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. Ainsi, même si le Code de déontologie des psychologues s’applique prioritairement à ces derniers, l'institution, employant un psychologue, devient alors partie prenante dans le respect de ce Code, même si elle n'y est pas toujours obligée.
Dès lors qu’une organisation recrute un psychologue, elle doit donc veiller à lui donner les moyens de respecter et d'appliquer son Code de déontologie, afin notamment de préserver la confidentialité nécessaire à son activité : Article 21 : Le psychologue doit pouvoir disposer sur le lieu de son exercice professionnel d'une installation convenable, de locaux adéquats pour préserver la confidentialité, de moyens techniques suffisants en rapport avec la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent. Dans ce cas précis, la question soulevée porte aussi sur la confidentialité des écrits du psychologue. Il semble essentiel de rappeler, que le psychologue, garant de la qualité des documents qu’il fournit dans sa pratique, est le seul à pouvoir décider de la manière dont ses documents sont transmis à un tiers. Cet élément, mettant en avant la formation du psychologue à discerner ce qui doit être transmis de sa rencontre avec les usagers, est détaillé dans l’article 20 : Article 20 : Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. La Commission estime que dans le cas où l'établissement employeur fournit à un tiers des éléments nominatifs émanant de la pratique du psychologue, sans se prévaloir de l'accord de ce dernier et par extension de l'usager, cela entrave les règles de confidentialité nécessaires à la protection de l'usager, et donc le respect du Code de déontologie des psychologues. L’importance de cette question pourrait justifier l’introduction d’une annexe au contrat liant le psychologue à son employeur sous forme d’une charte sur la confidentialité et les informations confidentielles. Concernant la réalisation d’un relevé d’activité destiné à son employeur, le psychologue gardera présent le souci de fournir un relevé quantitatif et descriptif de ses différentes activités cliniques, de formation et de recherche. Il s’agit ici de repérer et quantifier les activités menées. Le respect de l’anonymat des personnes rencontrées par le psychologue est un principe qui reste pertinent, au-delà même de l’activité, dans le relevé qu’en fait le psychologue. Ainsi, même si ce Code s’applique au psychologue, il appartient à ce dernier de signaler à sa direction et aux instances compétentes qu’une démarche participant au dévoilement de l’identité des usagers, lui semble incompatible avec sa vision de la déontologie. Pour la CNCDP La Présidente Claire SILVESTRE-TOUSSAINT |