Le requérant est psychologue clinicien dans un établissement recevant des enfants en grande difficulté. Il adresse un premier courrier à la commission où est évoquée la clause de conscience, puis soumet des éléments sur la situation de conflit entre lui et une éducatrice au sein de l’établissement.
Le requérant s’adresse à la C.N.C.D.P car il estime important d’informer la profession et craint que ce type de situation ne concerne d’autres collègues.
Une sanction disciplinaire à l’encontre du requérant a été prononcée à la suite d’une plainte de l’éducatrice, dont fait état le Président de l’association dont dépend l’institution de soins. Par courrier, elle se serait plainte d’un « harcèlement moral » de la part du psychologue. Un conflit précédent aurait déjà eu lieu quelques années auparavant avec les mêmes protagonistes, et à l’époque l’éducatrice aurait été amenée à interrompre son activité professionnelle pour quelques mois.
Préalablement à la sanction, le requérant a été convoqué à un entretien. Il a eu le droit de se faire accompagner par un représentant du personnel titulaire. Le compte-rendu détaillé de l’entretien adressé au requérant par le délégué du personnel prend acte « des difficultés rencontrées par l’éducatrice dans le cadre de son travail avec le psychologue ». Il conclut que l’attitude du psychologue ne doit pas donner lieu à une sanction, car « (…) la qualification de harcèlement moral ne repose sur aucun élément de réalité, aussi une sanction disciplinaire quelle qu’elle soit à [ son ] encontre serait parfaitement injustifiable et de surcroît ne résoudrait en rien la situation apparemment très complexe à laquelle l’équipe du (…) va devoir faire face. »
Le requérant a ensuite reçu « une lettre d’observation » du président de l’association qui lui notifiait les reproches concernant :
- « son refus de travailler avec l’éducatrice concernée lors des entretiens avec les familles »
- le fait « d’avoir des positions et des propos » pouvant amener les personnes « à se sentir atteintes dans [leur] intégrité. »
Dans ce courrier du président, il est aussi écrit au requérant que « la fonction de psychologue et donc son statut de cadre [l’] engagent dans une responsabilité professionnelle à l’égard des enfants, certes, mais aussi des personnels et du travail d’équipe dans une relation d’aide et de soutien qui ne saurait en aucun cas être confondue avec une mise en cause personnelle ». Il est indiqué au requérant qu’il a « une place particulière dans la garantie du cadre symbolique et le respect de ses exigences », et il est invité « à adopter un comportement conforme aux responsabilités qui lui incombent ».
Par deux écrits envoyés, entre autres, à la Commission, le requérant :
1 / conteste les modalités de la procédure (délais, absence de communication de documents écrits, absences de preuves, non-présence de certaines personnes directement concernées).
2 / communique des éléments propres aux difficultés internes à l’équipe et à la façon dont il entend pouvoir exercer ses différentes missions dans ce contexte institutionnel.
3 / dément la réalité des accusations de l’éducatrice, accusations qui rendraient impossible la prise en charge des enfants qui lui sont confiés. Il pose la question ainsi : « comment puis-je travailler et garantir la prise en charge d’enfants qui sont sous la responsabilité éducative de l’éducatrice spécialisée qui porte de telles accusations ? ».
Cinq pièces sont jointes au courrier du requérant :
- la convocation pour l’entretien préalable à une sanction disciplinaire,
- le rapport détaillé de l’entretien par le délégué du personnel,
- la lettre d’ « observation écrite » du président de l’association,
- deux écrits du requérant adressés, en réaction, au président de l’association et pour information à la CNCDP, ainsi qu’à l’inspection du travail et à la Direction de l’établissement.
Année de la demande : 2002 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Mission (Compatibilité des missions avec la fonction, la compétence, le Code de déontologie, dans un contexte professionnel donné)
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La commission rappelle qu’il n’entre pas dans ses attributions de se prononcer sur les aspects de forme sur le fond de la procédure mise en place pour résoudre un conflit du travail. Il n’est pas non plus de son ressort de traiter des dispositifs institutionnels et-ou du climat relationnel existant au sein des établissements. Elle donnera un avis sur la question de la collaboration du psychologue avec d’autres professionnels impliqués dans la mise en œuvre de projets de soins, et ce, sous deux aspects : 1 / Les missions et fonctions du psychologue : Selon l’Article 7 du Code de Déontologie, le psychologue est astreint à une grande prudence relativement à l’acceptation de ses missions : « Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses compétences, sa technique, ses fonctions et qui ne contreviennent ni aux dispositions du présent code, ni aux dispositions légales en vigueur ». Il doit se référer aux principes Code pour son contrat de travail et l’élaboration de sa fiche de poste. La question de la compétence est centrale, elle fait partie des exigences de la déontologie. Le Titre I.2 du Code confirme que « Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régulièrement mises à jour, d'une formation continue et d'une formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d'autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expérience. Il refuse toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises ». Dans la situation présentée par le requérant, l’intensité et la durée des conflits évoqués paraissent avoir pu dépasser le seuil du possible pour un psychologue impliqué dans un contexte où le cumul des fonctions de soins aux enfants avec celle d’aide et de soutien au personnel comportait des risques accrus de confusion. Dans ce cas, une attitude prudente est particulièrement de mise, et, qu’il s’agisse d’individus ou de groupe, le psychologue doit s’attacher au respect de l’Article 19 « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence. » En cas de difficultés particulières, il peut aussi faire appel à des collègues plus expérimentés (Articles 13 et 23). 2 / Le respect de la spécificité de l’exercice entre professionnels : Si le statut de cadre technique qui est celui du psychologue ne lui confère aucune autorité hiérarchique sur des personnels qui lui seraient subordonnés, le psychologue en tant que cadre exerce des responsabilités, que le Code lui enjoint d’assumer dans une exigence technique et déontologique : « Le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans l'établissement de ses contrats et s'y réfère dans ses liens professionnels. » (Article 8) Parmi ses responsabilités figure le respect de la spécificité et de l’autonomie technique des autres professionnels, comme le précise l’Article 6 : « Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels. »
ConclusionPar nombre de ses aspects, la situation présentée ici, illustre les difficultés de l’exercice du métier de psychologue en institution et la nécessité d’une extrême prudence dans les contextes de collaboration nécessaire avec d’autres professionnels, sans exclusive. Pour la CNCDP |
Avis 02-18.doc |