La CNCDP est sollicitée par un couple dont l’homme est président d’une association regroupant des enfants intellectuellement précoces (EIP), et la femme, éducatrice spécialisée, secrétaire de cette même association. Les requérants se sentent victimes de la part d’une psychologue/psychothérapeute « d’un abus de confiance et d’incompétence qui pourraient être interprétés comme une manipulation caractérisée …pour déscolariser les enfants et les inscrire à [l’association ]».
Au début, il y a eu la consultation de l’enfant (6 ans) du couple de requérants qui a été vu par cette psychologue/psychothérapeute. Le diagnostic posé est celui d’une précocité intellectuelle.
Devant les difficultés à trouver des solutions satisfaisantes, les parents envisagent un enseignement à la maison avec inscription de l’enfant au Centre Nationale d’Enseignement à Distance (CNED). Pour éviter l’isolement de l’enfant, quelques parents dont les requérants créent l’association pour accueillir des enfants précoces leur permettant de poursuivre des relations avec les autres jeunes. Des parents (les requérants) acceptent des responsabilités associatives : présidence et secrétariat. La psychologue qui a vu l’enfant du couple de requérants participe aussi à cette création mais « ne voulait avoir aucune responsabilité officielle au sein de l’association ».
La requérante, secrétaire de l’association, est intervenante en qualité d’éducatrice spécialisée. Parallèlement elle a démarré une thérapie avec la psychologue.
Une collaboration étroite entre les requérants, d’autres parents et la psychologue s’établit pour créer l’association. Progressivement les rapports entre les adultes se dégradent avec le temps, notamment entre la requérante, éducatrice spécialisée, et la psychologue. Les requérants notent quelques points qui les interrogent :
- la psychologue a transféré son cabinet dans les locaux de l’association « à [notre] grand étonnement car ces locaux étaient inadaptés pour un cabinet »
- elle a fait inscrire 30 enfants alors que « [nous] considérions que 20 enfants était la limite à ne pas dépasser ».
- coût élevé de ses bilans psychologiques « pratiqués » dans une autre association (celle de la mère de la psychologue) qui paraît en contradiction avec le but annoncé de ladite association
Les relations sont devenues telles, que la requérante, éducatrice spécialisée, a fait une dépression, accusée par la psychologue d’ être « atteinte en plus d’une psychose paranoïaque », diagnostic qui aurait été infirmé par deux psychiatres et une autre psychologue qui ont suivi la requérante pendant sa dépression.
Le couple de requérants a retiré son enfant de l’association, démissionné et quitté l’association. D’autres parents les ont imités. La psychologue qui travaille à l’association (EIP) aurait alors engagé une campagne de diffamation contre les requérants.
Certains parents ont consulté un autre psychologue à l’extérieur « qui a infirmé la précocité de leur enfant ».
Les requérants s’interrogent sur les compétences et les diplômes de la psychologue. N’ayant reçu, malgré leurs nombreuses demandes, aucun document détaillé, ils se posent des questions quant à la validité des investigations menées auprès des enfants.
Les requérants portent plainte auprès de la CNCDP, souhaitant que celle-ci exerce une autorité disciplinaire à l’encontre de cette psychologue (légitimité du titre de psychologue, droit d’exercer, protection des parents et des enfants).
Ils joignent à leur courrier
- un extrait d’un courrier électronique de la psychologue dont l’objet initial était les relations au sein de l’association, mais qui décrit la requérante éducatrice spécialisée d’un point de vue psychopathologique
- l ‘ « évaluation personnelle » de l’enfant sous forme de diagrammes qui énoncent des résultats chiffrés bruts sans aucune explication
- un compte-rendu de l’ évaluation psychologique de l’enfant, à l’en-tête d’une autre association (celle de la mère de la psychologue ). Ce document ne mentionne ni le nom de l’intervenant ni sa qualité professionnelle à l’exception d’une signature illisible. Ce document fait état des difficultés de l’enfant (l’enfant du couple de requérants) et de son manque d’intérêt pour les activités. « Les tests ont été réalisés et les résultats, un QI de 130, ont confirmé sa précocité sous-jacente ». Le compte-rendu se termine ainsi « je ne pense pas que … soit un enfant en danger, et que sa famille soit irresponsable. Les parents de …ne sont préoccupés que par le bonheur et l’épanouissement de leur fils ».
Année de la demande : 2002 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Titre de psychologue
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Concernant les aspects de la déontologie, la CNCDP a retenu les points suivants Comme le précise le préambule, la Commission s’en tient dans ce dossier et malgré la demande très explicite des requérants aux seuls aspects de la déontologie des psychologues. Pour les autres aspects, (plainte, sanction) les requérants peuvent s’adresser aux instances compétentes pour faire valoir et reconnaître ce qu’ils estiment être leur droit. 1) Le Code de déontologie des psychologues précise la légitimité de l’usage du titre de psychologue « L’usage du titre de psychologue est défini par la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 publiée au J.O. du 26 juillet 1985. Sont psychologues les personnes qui remplissent les conditions de qualification requises dans cette loi. Toute forme d’usurpation du titre est passible de poursuites » (Article1). Ceci exige dans les faits que « l’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut de psychologue » (Article 2 ). En l’absence de liste professionnelle, il appartient aux requérants de s’assurer auprès des psychologues de leur qualification professionnelle. 2) Les événements amènent les requérants à s’interroger sur les compétences de la psychologue. Il s’agit de fait de l’exercice professionnel de la psychologue. Se présenter comme psychologue exige l’observance de règles professionnelles. Sa responsabilité est donc engagée comme le définit le Titre I-3 du code « Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code ». 3) Les impressions de manipulation ressenties par les requérants posent la question du respect de l’objet de l’intervention qu’ils ont sollicitée : « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. » (Titre I-6). D’après les documents que la Commission a en sa possession, il semble qu’il y ait eu dérive à la fois au niveau des finalités de l’intervention de la psychologue, et de ses relations avec les autres intervenants : « Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations professionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son effort continu pour affiner ses interventions, préciser des méthodes et définir ses buts » (Titre I-4) 4) Sans doute le fait d’assumer plusieurs tâches (plusieurs missions dans les mêmes endroits, avec les mêmes personnes) de certains participants, entraînant une confusion dans les rôles respectifs, n’a pas facilité les relations. Même s’il est vrai que « le psychologue peut exercer différentes missions à titre libéral, salarié ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions qu’il distingue et fait distinguer comme le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, etc. » (Article 4). Il n’en demeure pas moins que le psychologue se doit de garder une distance professionnelle comme le précise l’Article 11 « Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, …….Il [le psychologue ] n’engage pas d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il serait déjà personnellement lié » . 5) Etre en relation de travail avec un psychologue signifie qu’à tout moment, l’usager sait en toute connaissance qu’il a affaire à un professionnel qui exerce son activité dans le respect des textes et dans la transparence même pour ce qui concerne les courriers ou documents qu’il peut adresser « les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat, courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction ainsi que ses cordonnées professionnelles, sa signature et la mention précise du destinataire …. » (Article 14). Le mode de communication des résultats qui se limite à une présentation de notes brutes sans explicitation, sans commentaires détaillés ne peut être satisfaisant. A ce sujet, le Code est tout fait clair « Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires » (Article12 ). Cette forme lapidaire de présentation des résultats interdit le dialogue, la discussion entre les différents protagonistes pourtant « les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explication raisonnée de leurs fondements théoriques et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux » (Titre I-5). De ce fait, les usagers sont privés de toute possibilité de regard critique « dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue rappelle aux personnes concernées, leur droit à demander une contre-évaluation » (Article 9). Concernant les seuls aspects de la déontologie, la CNCDP relève dans cette situation rapportée par les requérants beaucoup de manquements au Code de déontologie des psychologues. Fait à Paris, le 14 septembre 2002 |
Avis 02-16.doc |