Fil de navigation

RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse, avocate conseil d’une société privée, sollicite la Commission à la demande de son client dans le cadre d’un litige avec une ancienne salariée. Cette dernière a saisi, il y a plus d'un an, le Conseil des Prud'hommes « aux fins de faire requalifier la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux tords de l'employeur et que celle-ci produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».

La salariée soutient avoir été victime « de faits de harcèlement moral au sein de la société » et produit, dans le cadre de cette procédure judiciaire, un « certificat » rédigé par une psychologue psychothérapeute. Dans le document rédigé trois semaines après la notification de licenciement, la psychologue mentionne « un état dépressif conséquent au stress (que sa patiente) aurait subi dans son milieu de travail et qui génère des angoisses sévères ».

Contestant la validité d’un tel document, la demandeuse soumet à la Commission les questions suivantes :

- La psychologue peut-elle faire un lien de cause à effet entre les conditions de travail et l’état de santé mentale de sa patiente ? Qui plus est, est-elle en mesure de le faire sans avoir pris connaissance par elle-même de son environnement professionnel ?

- L’écrit de cette professionnelle est-il recevable s’il rend compte des faits que de façon unilatérale, sans intégrer la dimension du « contradictoire » ?

- La psychologue ne devait-elle pas prendre en compte les enjeux du contexte de procédure judiciaire en cours dans la rédaction de son « certificat » ?

Documents joints :

  • Copie de la convocation devant le Conseil des Prud’hommes.
  • Copie du « certificat » de la psychologue psychothérapeute ayant reçu la salariée.
Posté le 05-09-2019 18:49:47

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2018

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Attestation

Questions déontologiques associées :

- Respect du but assigné
- Discernement
- Responsabilité professionnelle
- Évaluation (Relativité des évaluations)

AVIS 

AVERTISSEMENT : La CNCDP, instance consultative, rend ses avis à partir des informations portées à sa connaissance par le demandeur, et au vu de la situation qu’il décrit. La CNCDP n’a pas qualité pour vérifier, enquêter, interroger. Ses avis ne sont ni des arbitrages ni des jugements : ils visent à éclairer les pratiques en regard du cadre déontologique que les psychologues se sont donné.

Les avis sont rendus par l'ensemble de la commission après étude approfondie du dossier par deux rapporteurs et débat en séance plénière.

 

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • But assigné et prudence dans la rédaction d’un écrit intitulé « certificat »

But assigné et prudence dans la rédaction d’un écrit intitulé « certificat »

Un psychologue qui reçoit une demande d’écrit de la part d’un patient, a la possibilité d’en accepter ou non la production, en choisissant le type de document qu’il est possible de fournir au vu du contexte. A cet égard, la Commission rappelle que tout écrit réalisé par un psychologue engage sa responsabilité professionnelle, comme cela est précisé dans le Principe 3 du code de déontologie.

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

En ce sens, la rédaction d’un document répond à ce principe et suit également les règles énoncées dans l’article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. […] ».

Dans le cas présent, si le document identifie bien la psychologue par l’inscription de son nom, prénom, titre professionnel, adresse et coordonnées téléphoniques, la Commission constate que la référence chiffrée qui suit cet ensemble n’est pas explicitée sous le titre de « numéro ADELI ».

De plus, la nature d’un document écrit doit pouvoir être identifiée quant à son objet. Celui-ci ne doit souffrir d’aucune ambiguïté quant au but qu’il poursuit comme indiqué dans le Principe 6 :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Dans le document examiné par la Commission, l'unique mention "Certificat établi à la demande de l’intéressé et remis en main propre pour faire valoir ce que de droit" précise, en toute fin, la nature et le but de l'écrit. Cependant, en accord avec l’Article 20 déjà cité, il eut été bienvenu que cet intitulé, succédant à l’apposition de la signature, soit plus visible pour mieux en circonscrire son objet.

Par ailleurs, la production d’un document rédigé par un psychologue dans le cadre de ses interventions s’accompagne d’une démarche prudente et mesurée, comme le stipule le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

«  […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

La Commission rappelle par ailleurs que le psychologue doit suivre les règles édictées par les articles 13 et 25 au sujet d’une personne accompagnée par ses soins :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner. »

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

En ce sens, si le psychologue peut attester des séances réalisées auprès de son patient, il ne peut le faire que « de bonne foi » et en fonction des éléments à sa disposition. Il lui revient donc d’expliciter s’il s’agit de propos rapportés par le patient ou de ses propres hypothèses ou appréciations, y compris diagnostiques. Ici, l’expression « elle présente » utilisée dans le document demeure ambiguë : à la lecture, on ne peut suffisamment distinguer s’il s’agit d’hypothèses de travail de la psychologue ou du discours recueilli auprès de sa patiente.

Enfin, la Commission rappelle qu’une séance de psychothérapie individuelle, comme dans le cas présent, n’est pas à confondre avec une démarche visant à rendre compte d’une réalité « objective » comme cela peut être le cas dans une expertise ou un audit au sein d’une entreprise. Ainsi, rechercher le « contradictoire », évoqué par la demandeuse, ne pouvait aucunement être attendu de la psychologue et de ce fait, nullement être consigné dans son écrit.

Pour la CNCDP

La Présidente

Mélanie GAUCHÉ

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

Télécharger l'avis

Avis 18-08.pdf

Recherche