La demandeuse, divorcée du père de ses deux enfants, saisit la Commission pour savoir si la psychologue qui l’a reçue, puis suivi ses enfants par intermittence avec elle et avec son ex-conjoint, avait droit et légitimité pour agir comme elle l’a fait.
Six ans plus tôt, dans le contexte d’une séparation conflictuelle, la demandeuse avait pris la décision d’emmener son fils consulter cette psychologue pour y débuter une psychothérapie. Quelques mois plus tard, elle décidait d’y accompagner également sa fille aînée. La psychologue aurait, par la suite, reçu le père et les enfants, sans en parler à la demandeuse. Cette mère écrit, qu’un an après le début de ces interventions, elle apprend que la psychologue, a transmis des informations sur sa vie privée à son ex-mari. Elle décide alors d’arrêter les séances pour ses deux enfants. Environ trois années plus tard, elle apprend par son fils que sa fille se rend toujours chez cette psychologue. Quelques mois après, le père des enfants lui annonce par courriel que leur fille souhaite désormais rester vivre chez lui. La demandeuse se questionne sur l’origine de ce courriel qui, selon elle, n’aurait pas été écrit par son ex-mari. Elle soupçonne, par ailleurs, un « rapprochement » entre la psychologue et son ex-mari.
La demandeuse semble échanger facilement par courriel et par sms avec la psychologue. Dans ce contexte, elle l’aurait contactée pour avoir des explications concernant la décision de sa fille. La professionnelle aurait répondu ne pas pouvoir lui répondre mais elle proposa un rendez-vous auquel étaient également conviés le père et la jeune fille. Pendant cette entrevue, la psychologue aurait été agressive à l’égard de la mère.
Documents joints :
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Positionnement du psychologue dans le contexte d’une séparation de parents d’enfants mineurs : respect des personnes et de la place de chacun. L’exercice de la psychothérapie constitue l’une des interventions possibles du psychologue, comme l’énonce l’article 3 du code de déontologie : Article 3 : « Ses interventions en situation individuelle, groupale ou institutionnelle relèvent d’une diversité de pratiques telles que l’accompagnement psychologique, le conseil, l’enseignement de la psychologie, l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche, le travail institutionnel. Ses méthodes sont diverses et adaptées à ses objectifs. Son principal outil est l’entretien. » En acceptant d’accompagner des mineurs dans un processus thérapeutique, le psychologue doit être en accord avec cette compétence, comme le souligne le Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Ladite pratique requiert que le psychologue adapte ses méthodes de travail au cadre dans lequel il se place, cela, pour être en accord avec le but assigné à son intervention, tel que rappelé par le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Dans la situation présente, la demande initiale concernait les enfants du couple dans un contexte de séparation parentale. Selon le Principe 3, il revient au psychologue de savoir définir les limites de son espace d’intervention, notamment lorsque plusieurs membres d’une même famille sont amenés à le consulter : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » Tel que la demandeuse décrit l’ultime entretien familial, l’attitude de la psychologue à son égard ne semble pas avoir été conforme au respect d’une certaine distance professionnelle. Le cadre d’intervention de la professionnelle a pu être fragilisé par le fait d’avoir été impliquée, sur plusieurs périodes et de manière différente, auprès des deux parents comme de leurs deux enfants. La Commission estime que l’existence d’espaces psychothérapeutiques distincts chez une même professionnelle pour des mineurs d’une même famille peut exposer au risque de manquer de prudence et d’impartialité et rendre problématique la préservation de l’impératif de rigueur introduit au Principe 4 : Principe 4 : Rigueur « Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. » Cependant, dans la situation décrite, il est difficile d’établir si la psychologue a manqué de rigueur dans l’articulation de ses diverses interventions. Il peut tout au plus être mentionné l’excès d’usage du mode de communication par sms et courriels entre les différents interlocuteurs contrairement à ce que préconise l’article 27 : Article 27 : « Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée. Le psychologue utilisant différents moyens télématiques (téléphone, ordinateur, messagerie instantanée, cybercaméra) et du fait de la nature virtuelle de la communication, explique la nature et les conditions de ses interventions, sa spécificité de psychologue et ses limites. » La Commission rappelle que dans le cas où un psychologue est sollicité par l’un des parents pour recevoir un mineur, il se doit d’intervenir en cohérence avec les obligations légales qui concernent les droits des détenteurs de l’autorité parentale, tel que mentionné dans l’article 11 : Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux. » Dans un contexte de séparation conflictuelle, le psychologue cherche à accueillir toute demande avec discernement, prudence et impartialité comme l’y invite le Principe 2 déjà cité. Il s’assure que son intervention respecte les droits fondamentaux des personnes qu’il reçoit, en particulier leur autonomie et leur liberté de décision. Il favorise le cas échéant l’accès au professionnel de leur choix, selon le Principe 1 : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. […] » Par ailleurs, le psychologue mène son intervention en étant conscient des limites de son travail, tel que cela est notamment précisé dans l’article 25 : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Il eut sans doute été préférable de favoriser une orientation vers un autre professionnel en prenant appui sur l’article 6 : Article 6 : « Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. » Ici, si la psychologue a engagé une psychothérapie avec la jeune fille mineure, elle a pu considérer que le contexte conflictuel dans lequel sa patiente évoluait lui était dommageable et évaluer que celle-ci ne pouvait être adressée à un(e) confrère/consœur. La jeune fille, quant à elle, bientôt majeure, était en mesure de demander la poursuite des séances. La psychologue, comme le précise l’article 10, était alors fondée à les continuer : Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. » Par ailleurs, la demandeuse questionne la Commission sur le positionnement déontologique de la psychologue dans sa démarche de conseil auprès des parents qu’elle traduit comme des manquements à (sa) neutralité. Les dynamiques individuelles et familiales en jeu dans un contexte conflictuel appellent, en effet, le psychologue à mesurer la formulation d’une analyse ou d’un avis. Lorsqu’il reçoit un mineur, son positionnement est délicat mais il est tenu de rester centré sur l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Principe 3 rappelle que le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il doit être en mesure d’expliciter les avis qu’il rend et leurs fondements : Principe 3 : Responsabilité et autonomie Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu'il formule […]. Enfin, les soupçons de la demandeuse concernant les informations personnelles que la psychologue aurait pu divulguer à son ex-compagnon voire les relations intimes qu’elle aurait pu entretenir avec lui, amènent la Commission à conclure sur le respect du secret professionnel répété dans l’article 7 en application du Principe 1 déjà cité : Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. 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