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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demande émane d’une mère qui conteste l’expertise psychologique réalisée par une psychologue à la demande du Juge aux Affaires Familiales (JAF). Celui-ci a souhaité la tenue d’une telle initiative afin de statuer sur le sujet qui oppose cette mère à et son ex-conjoint, à savoir la domiciliation de leur enfant. Ce dernier, diagnostiqué comme ayant un Trouble de Déficit de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH), est actuellement suivi par  un « neuropédiatre ».

Après consultation, la mère a estimé le rapport d’expertise mensonger et calomnieux à son encontre, étayant sa démonstration avec un cas qu’elle présente comme similaire. Un suivi psychologique avec son fils a été réalisé par la suite par un « neuropsychologue ». Ce dernier n’a fait aucune observation semblable à celles contenues dans le rapport d’expertise psychologique. La demandeuse sollicite donc l’avis de la Commission au sujet de ce rapport, notamment quant à la question de son respect du code de déontologie.

Documents joints :

  • Copie d’une « attestation de suivi de soutien à la parentalité » signée par le psychologue spécialisé en neuropsychologie ayant rencontré la demandeuse et son fils.
  • Copie d’un document rassemblant les avis de différents professionnels qui contestent la validité du rapport d’expertise. 
  • Copie de l’expertise psychologique demandée par le JAF.
  • Copie de cette même expertise annotée par les commentaires de la demandeuse.
  • Copie de bilans médicaux, attestations de médecins et thérapeutes ayant rencontré l’enfant, annotés par la demandeuse.

Copie de plaintes déposées par la demandeuse pour violence et harcèlement.

Posté le 11-01-2022 23:57:48

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Rapport d’expertise judiciaire

Questions déontologiques associées :

- Discernement
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Impartialité
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Déontologie d’une expertise psychologique dans le contexte d’un conflit parental.

 

Déontologie d’une expertise psychologique dans le contexte d’un conflit parental.

 

Dans le cadre d’une expertise psychologique ordonnée par un Juge aux Affaires Familiales (JAF), le psychologue est appelé à produire un avis étayé en vue de la prise de décision du magistrat. Un tel mandat pose des questions éthiques et déontologiques, du fait de son objectif et de son caractère imposé. Il dépend aussi du contexte de la rencontre entre les personnes et le psychologue. En dépit du fait que la demande émane d’une autorité judiciaire, le psychologue s’efforce d’établir une relation qui soit respectueuse de la dimension psychique de la personne, comme l’article 2 le résume :

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. [...] »

L'intervention du psychologue en tant qu’expert s’oriente de manière à réunir des éléments permettant de répondre aux questions posées par le magistrat, et à elles seules. En tenant compte de cet impératif, il conduit son expertise en appliquant les recommandations de l'article 12 dans le contexte rappelé dans le Principe 1 du Code :

Article 12 : « Lorsque l'intervention se déroule dans un cadre de contrainte (…) le psychologue s'efforce de réunir les conditions d'une relation respectueuse de la dimension psychique du sujet. »

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« […] Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

Au préalable, le psychologue définit les modalités de son intervention et explicite de manière précise les objectifs et conditions de son exercice. C’est ainsi que les personnes peuvent consentir de manière éclairée à faire usage de leur parole lors de l’entretien proposé par le psychologue, parole que ce dernier peut alors citer, mais dans les limites imposées par son exercice. C'est ce qu'indiquent clairement les articles 9 et 17 du Code :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »

Pour honorer son mandat, le psychologue qui réalise une expertise psychologique, comme tout psychologue placé dans un autre contexte, est responsable des outils ou références théoriques auxquels il choisit de se référer, ceci au sens du Principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Par ailleurs, il ne peut mener l’exercice qu’en ayant acquis les compétences attendues, cela est rappelé dans le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence : de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; de la réactualisation régulière de ses connaissances ; de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises […] »

Pour autant, il n’y a pas de règles particulières auxquelles soit tenu le psychologue mandaté pour réaliser une expertise psychologique : cet exercice répond aux mêmes impératifs déontologiques que ceux régissant toute autre pratique d’un psychologue.

Enfin, la rédaction d’un rapport d’expertise amène le psychologue à faire preuve de prudence dans ses évaluations et interprétations, d'autant plus que le rapport d'expertise psychologique est destiné à être lu par des professionnels non spécialistes, ce que rappelle l’article 17 cité plus haut. Les outils convoqués pour l'évaluation, comme le caractère variable et évolutif du comportement humain, constituent en effet les limites de l’exercice. Le psychologue est invité à demeurer vigilant quant au sens des termes qu’il emploie et à ne pas émettre de conclusions qui puissent se révéler réductrices, du fait de la complexité de la personne, comme rappelé par l’article 25 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Il est attendu que ces écrits, à l’instar de tout dispositif méthodologique mis en place par le psychologue, répondent aux objectifs définis dans le cadre de l’intervention, comme le préconise le Principe 6 du Code :

Principe 6 : Respect du but assigné 

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. »

La demandeuse estime avoir décelé des similarités entre le rapport d’expertise la concernant et celui d’une autre personne expertisée, elle aussi, par cette psychologue. La Commission rappelle qu’il appartient au psychologue de savoir répondre de ses modes d’intervention, ceci en adéquation avec leurs motifs, conformément à ce qu’énonce le Principe 4 :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l’objet d’une explicitation raisonnée et d’une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Le compte rendu d’expertise soumis à la Commission est émaillé d’erreurs de syntaxe, grammaire et orthographe, ce qui tend à diminuer la portée qu’il entend avoir. Cependant, le reste des remarques formulées par la demandeuse n’a pu être discuté plus avant, faute d’éléments tangibles. Ces appréciations relèvent de la responsabilité des personnes et des professionnels qui sont intervenus. La Commission a néanmoins émis l’hypothèse d’une difficulté de la psychologue à tenir une position impartiale entre les deux parents, l’amenant à manquer de clairvoyance et de distance. Ce risque est évoqué au Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

« […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.  »

À toute fin, la Commission tient à rappeler combien il incombe au psychologue ayant à mener une expertise d’informer les personnes de leur droit à demander une contre évaluation, comme le rappelle l’article 14 :

Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. »

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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