Le père d’un garçon âgé de 6 ans a choisi de saisir la Commission pour déposer une « plainte » contre une psychologue ayant rédigé « un rapport » qui a été, selon lui, produit avec « des méthodes contestables et dont les conclusions sont infondées ». Il s’agit, en l’état, de deux « attestations » concernant son fils. Ces documents ont été produits dans le cadre d’une procédure qui oppose le demandeur à son ex-compagne au sujet de leurs droits parentaux devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF).
Le demandeur entend et souhaite obtenir un document en réparation des « graves dommages » qu’aurait subie sa relation avec l’enfant. Il entend obtenir des « sanctions » à l’encontre de cette psychologue, celles-ci étant, selon lui, « prévues » dans le règlement de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP). Dans sa requête, il cite point par point des extraits desdites « attestations » qu’il réfute, et commente plusieurs articles du Code que la psychologue n’aurait pas respectés.
Documents joints :
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
En préambule, la Commission tient à préciser qu’elle n’est en rien habilitée à prononcer une quelconque sanction à l’encontre d’un psychologue, ni même à produire un document instruisant la démonstration d’un potentiel préjudice subi. Sa mission consiste à discuter l’action du psychologue au regard des Principes et articles du code de déontologie. Modalités d’intervention du psychologue auprès d’un mineur dans le contexte d’un conflit parental. Le psychologue peut être amené à rédiger divers documents tels que ceux dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien « expertises ». Ceci indique que, précisément, une attestation n’est en rien un rapport. Or, dans son courrier, le demandeur fait état d’un document qu’il nomme « rapport », mais sans le joindre, au contraire de deux « attestations ». Ces dernières ont donc été considérées comme constituant les documents contestés. Le but d’une « attestation » est de pouvoir certifier qu’un patient a été reçu une ou plusieurs fois, que le suivi continue ou non. En revanche, un « rapport » s’entend plus volontiers comme le fait de rendre compte d’une évaluation réalisée ou bien de relater des éléments diagnostiques liés au travail psychologique. Quelle qu’en soit la dénomination, l’écrit d’un psychologue doit répondre aux règles énoncées dans l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » En la matière, les deux documents fournis répondent aux attentes rappelées dans cet article, exception faite, pour le second, d’un défaut de signature manuscrite de la part de la psychologue, juste après son nom et son prénom. Pour autant, le contenu semble dépasser ce qui est simplement attendu dans une « attestation ». En effet, dans chacun des deux écrits, il est fait mention de divers éléments relatifs aux personnes rencontrées, mais aussi d’un récapitulatif d’événements chronologiques attachés à ces deux personnes, le déroulé des séances auxquels l’enfant a pris part ainsi que des conclusions et des recommandations formulées par la psychologue. La Commission souligne ici la confusion dont font preuve ces écrits, de par l’inadéquation entre leur intitulé et leur contenu. Si les rencontres entre le fils du demandeur et la psychologue ont permis à cette dernière de se faire un avis sur la situation familiale, la formulation par écrit des recommandations concernant les conditions de vie de l’enfant s’envisage difficilement sans que la psychologue se soit entretenue avec les deux parents conformément à ce que stipule l’article 13 : Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-même. » Pour autant, la psychologue pouvait recevoir l’enfant accompagné de sa mère. Le demandeur relève le fait qu’elle ne lui aurait, en revanche, jamais proposé d’assister à un entretien alors qu’il demeure l’un des adultes détenteurs de l’autorité parentale. La Commission n’a pu trouver d’éléments attestant du fait que la psychologue avait cherché à prendre contact avec lui. Si tel est le cas, elle s’est positionnée en décalage avec ce que préconise l’article 11 concernant un consensus de la part des adultes référents afin de permettre une intervention auprès d’un enfant mineur : Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux. » Si ce possible manquement ne condamne pas la pratique de cette psychologue avec cet enfant, la Commission a pu néanmoins s’interroger sur le fait que ceci a pu fragiliser sa démarche thérapeutique. Pouvoir entendre la parole du demandeur aurait pu permettre à la psychologue de poser sa réflexion dans une dimension plus large, inscrivant ainsi l’enfant dans la dynamique familiale. Le demandeur pourrait éventuellement faire valoir son droit à une contre évaluation, comme proposé par l’article 14 : Article 14 : « Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. » Par ailleurs, la Commission a questionné l’objectif précis que s’est donné la psychologue en rédigeant un document à l’issue de chacune des deux rencontres avec l’enfant. Plus précisément, dans un contexte de procédure judiciaire entre deux parents, la psychologue ne pouvait ignorer que ses écrits pouvaient être portés à la connaissance des autorités compétentes. C’est au sens du Principe 6 et de l’article 17 que doit s’apprécier la finalité de son initiative : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. » Plus largement, la Commission veut rappeler ici combien chaque psychologue est invité, autant que possible, à faire preuve de prudence et de mesure, au travers d’une parole ainsi que dans ce qu’il transmet à l’écrit, comme indiqué dans le Principe 2 et l’article 25 : Principe 2 : Compétence « (…) Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. » Tendre à asseoir ces valeurs, c’est respecter ce que le Frontispice du Code énonce clairement comme fondement de la pratique du psychologue : Frontispice « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. » Pour la CNCDP La Présidente Michèle GUIDETTI La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
20-31_Final-AI.pdf |