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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Anticipant le risque d’un changement de mode de garde, le père d’une jeune fille âgée de 11 ans se rapproche de la Commission pour exprimer ses doutes sur l’impartialité de la psychologue qui reçoit sa fille depuis sept mois. Il est divorcé depuis dix ans de la mère et avait obtenu « après deux ans et demi d’acharnement » une garde alternée. Les relations avec son ex-belle-famille semblent, depuis longtemps, très compliquées.

La demande de consultation psychologique, initiée par la mère, serait en lien avec un changement de comportement de cette pré-adolescente, caractérisé par le rejet de son père « alors qu’auparavant elle était très câline » selon le demandeur.

La psychologue connaît personnellement les grands-parents maternels de la jeune fille mais n’a révélé ce fait que tardivement au père. Ce dernier s’interroge sur le contenu d’un courrier manuscrit, daté mais non signé, que sa fille a adressé à la Juge dans lequel elle demande à ne plus venir chez lui. De son côté, ce père a consulté une autre psychologue qui lui aurait suggéré « plusieurs pistes d’investigations » qui ont renforcé chez lui le sentiment que sa fille a été « manipulée ». Selon le demandeur, la psychologue qui reçoit sa fille aurait commis « une faute déontologique grave ».

Documents joints :

  • Copies de 10 « attestations » de parents ou de proches de la mère, produites lors du divorce.
  • Copie d’un courrier que le demandeur a adressé à la psychologue de sa fille lui résumant sa situation et lui enjoignant de rester impartiale.
  • Copies d’une quinzaine d’échanges de SMS entre le père et la psychologue de sa fille.
  • Récit, détaillé par le demandeur, de l’histoire du couple et des relations intrafamiliales.
  • Copie d’une lettre manuscrite de la fille adressée à la « chère juge », sans signature.
  • Copie de deux courriels que le demandeur a adressés à la psychologue de sa fille.
  • Relevé précis, établit par le demandeur, des interactions entre lui, sa fille et les psychologues consultées au fil des séances.
  • Copies de courriels entre le demandeur et son ex-épouse au sujet du lieu de scolarisation de leur fille.
Posté le 12-10-2021 22:10:04

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie d’un enfant

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Compétence professionnelle (Analyse de l’implication personnelle du psychologue)
- Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
- Discernement
- Impartialité

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Intervention du psychologue auprès d’un enfant dans le contexte d’un conflit familial.

Intervention du psychologue auprès d’un enfant dans le contexte d’un conflit familial.

A travers le long récit de sa requête, le demandeur interroge l’implication professionnelle du psychologue auprès d’un mineur dont il connait la famille. Il ne précise cependant pas le degré d’intimité entre la psychologue consultée d’une part, son ex-épouse et les grands-parents maternels de sa fille, d’autre part. Il indique néanmoins ne pas avoir, au départ, émis de réserves sur la démarche, ce qui reste en accord avec ce que l’article 11 préconise :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

La Commission note que ce n’est qu’à la troisième séance honorée par l’adolescente que la psychologue a révélé au demandeur ses liens avec la famille maternelle de sa patiente. Elle a, par la suite, échangé de nombreux courriels et des SMS avec lui, sans pour autant accepter de le recevoir par la suite. Une seconde rencontre avec ce père se serait pourtant avérée nécessaire, dans ce contexte, afin lever les doutes sur lesdits liens et sur la possible impartialité de la psychologue pour ainsi être en conformité avec l’article 27 :

Article 27 : « Le psychologue privilégie la rencontre effective sur toute autre forme de communication à distance et ce quelle que soit la technologie de communication employée. Le psychologue utilisant différents moyens télématiques (téléphone, ordinateur, messagerie instantanée, cybercaméra) et du fait de la nature virtuelle de la communication, explique la nature et les conditions de ses interventions, sa spécificité de psychologue et ses limites. »

L’article 18 évoque l’obligation pour le psychologue de se récuser dans une situation de possible conflit d’intérêts :

Article 18 : « Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l'obligation de se récuser. »

Le père pouvait donc demander d’interrompre la relation engagée depuis trois séances. Mais il ne l’a pas fait car, selon lui, c’eut été au risque de rompre la confiance entre sa fille et cette psychologue et ainsi renforcer le comportement rejetant de sa fille vis-à-vis de lui. La psychothérapie s’est semble-t-il poursuivie jusqu’au treizième rendez-vous.

La communication entre le père et la psychologue par SMS, s’étant progressivement dégradée, cette dernière n’a eu d’autre alternative que d’acter « l’absence de confiance » dans son travail et de proposer un relai auprès d’un « autre psychologue », comme l’article 22 le prévoit :

Article 22 : « Dans le cas où le psychologue est empêché ou prévoit d'interrompre son activité, il prend, avec l'accord des personnes concernées, les mesures appropriées pour que la continuité de son action professionnelle puisse être assurée. »

La Commission estime que cette situation appelle à réfléchir sur les conditions préalables à la mise en place d’un engagement au long court du psychologue auprès d’un mineur dont le psychologue connaît personnellement les parents ou les grands-parents. Une consultation ponctuelle avec une famille en recherche d’orientation est cependant envisageable, sans pour autant présupposer un manque de rigueur de la part du psychologue ou émettre un doute a priori sur sa partialité.

Lorsqu’un conflit familial latent vient perturber la conduite d’une psychothérapie, ce qui est assez fréquemment le cas, le psychologue est avisé de se référer aux Principes généraux du Code, en particulier aux Principes 1 et 2 pour ajuster sa posture et prendre les décisions qu’il pense conformes à l’intérêt de son patient, en toute autonomie et pleine responsabilité :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

            Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence : [ …] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Dans la situation présente, aucun des éléments rapportés ne permet de conclure définitivement au non-respect de ces Principes et à la partialité de la psychologue.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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