La demande émane du père d’une fillette âgée de 7 ans et concerne un écrit rédigé par une psychologue qui a rencontré l’enfant à plusieurs reprises. Le demandeur avance que ce document serait une « fausse attestation », rédigé dans le but de répondre à la demande de la mère de la fillette. Il est en effet séparé de cette dernière et une procédure judiciaire serait en cours. Il affirme n’avoir jamais rencontré cette psychologue, même s’il mentionne plusieurs contacts téléphoniques antérieurs à la production dudit document. Le demandeur ajoute n’avoir jamais autorisé que cette professionnelle entame un travail avec sa fille. Il sollicite « des explications » au sujet de ce « faux certificat », sans toutefois préciser plus avant ses questions.
Documents joints :
Copie d’un courrier du demandeur à destination de la psychologue au sujet de leur conversation téléphonique antérieure à la production dudit document.
Année de la demande : 2020 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale |
La Commission se propose de traiter des points suivants :
Dans le contexte d’une séparation parentale, il est fréquent qu’une consultation psychologique pour un enfant se révèle souhaitable, dans certains cas nécessaire. La demande peut être initiée par un seul des parents. Pour construire son intervention, le psychologue s’appuie sur ses compétences, tout en se référant aux dispositions légales en matière d’autorité parentale, comme le Principe 1 et l’article 11 du Code le rappellent : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. » Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »
Le psychologue prend soin d’évaluer l’intérêt de l’enfant, confronté à la discorde parentale, tout en observant prudence et discernement quant à l’éventuelle instrumentalisation de sa fonction sur la scène judiciaire. Les Principes 2 et 6 orientent sa réflexion pour l’aider à délimiter sa mission et convenir avec le ou les parents du but assigné à son intervention : Principe 2 : Compétence « […] Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. ».
Dans la situation présente, la psychologue qui a reçu en consultation la fille du demandeur indique lui avoir proposé un rendez-vous pour échanger sur les symptômes de son enfant et connaître son ressenti, ce qu’il aurait décliné. Lors d‘un entretien téléphonique, il ne se serait pas clairement opposé à la poursuite du suivi de sa fille mais aurait déclaré avoir repris contact avec une pédopsychiatre, qui l‘avait suivie deux ans auparavant. La psychologue a ensuite mis un terme à son intervention, proposant de nouer un contact avec ce médecin, comme il est souhaitable en pareilles circonstances. La Commission estime que cette praticienne a agi en responsabilité en établissant une attestation « pour servir et faire valoir ce que de droit ». Elle ne pouvait ignorer l’usage qui serait fait de ce document dans le cadre de la procédure judiciaire. Dans l’intérêt d’une enfant dont elle a pu entendre le degré de souffrance, cette psychologue a choisi de se mettre en conformité avec le Principe 3 et l’article 19, en relatant des propos qui laissaient supposer une possible violence parentale : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »
Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. » Elle aurait également pu opter pour la rédaction d’un signalement auprès de la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) du département, qui aurait alors évalué l’opportunité de mener une évaluation psychosociale de la situation familiale et proposé, le cas échéant, une aide éducative.
Un écrit produit par un psychologue peut avoir des effets et des conséquences auprès des personnes concernées. La question se pose toujours du but et des destinataires de celui-ci, ce que synthétise le Principe 6 déjà énoncé plus haut. Dans la situation présente, il est à remarquer que le document soumis à la Commission ne mentionne pas d’objectifs spécifiques, ni même de titre. Toutefois, cette professionnelle a respecté les attentes posées par l’article 20 car ici apparaissent bien l’identité de la professionnelle, sa fonction de « psychologue clinicienne », l’adresse du lieu où elle exerce, son numéro ADELI, l’ensemble de ces informations encadrant un écrit daté et signé :
Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » Le demandeur exprime son étonnement à la lecture de cet écrit et pose la question de savoir si la professionnelle avait le droit de produire un tel document qu’il qualifie de « fausse attestation ». La Commission estime qu’un psychologue engage sa responsabilité professionnelle dans la décision de produire un écrit, comme le rappelle le Principe 3 déjà cité. Ici, c’est plutôt l’absence d’intitulé, et non le caractère licite de l’écrit qui peut être interrogé. Un psychologue qui reçoit un des membres d’un couple parental et qui accepte de rédiger un document à la demande de celui-ci doit veiller à la rigueur de sa rédaction. Dans la situation présente, le père n’a pas été destinataire de cet écrit relatif à sa fille. Or, la psychologue atteste lui avoir proposé un rendez-vous, qu’il aurait refusé. Le document se présente sous la forme d’un « compte rendu de consultation », rédigé par une psychologue ayant reçu un mineur à six reprises. Son contenu semble « légitimer les inquiétudes de la mère ». La psychologue souligne que la fillette a « verbalisé autour de violences physiques de la part de son père » et qu’il « la faisait dormir avec lui de temps en temps » (…). Ces propos semblent manifestement faire état de sous-entendus, voire d’interprétations qui manquent d’étayage et d’argumentation. Le but assigné à cet écrit est cependant assez explicite et sert les intérêts de la mère. La rigueur énoncée dans le Principe 4 et la relativité des interprétations telles qu’évoquées dans l’article 25 du Code ne se retrouvent pas réellement dans le positionnement de la psychologue :
Principe 4 : Rigueur « […] Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail ».
Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Transmettre par écrit des propos entendus lors d’entretiens psychologiques questionne également la confidentialité, quand bien même il s’agit de mineurs. Il convient cependant de rappeler que le psychologue est parfois confronté à la possibilité, voire à l’obligation de lever le secret professionnel, dans des cas précis énoncés dans la loi. En conclusion, la Commission rappelle l’importance de faire usage de rigueur, et de prudence dans la rédaction d’écrits, et notamment dans les cas de conflits et/ou de séparation entre parents tout en respectant la loi et la dimension psychique des personnes mises en cause, comme le rappelle le Préambule du Code :
Préambule : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l'action des psychologues ». Pour la CNCDP La Présidente Michèle GUIDETTI La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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