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L'avocate du père d'un enfant de couple séparé demande l’avis de la CNCDP à propos de l’attitude d’une psychologue dans le cadre d’une procédure relative au droit de visite et d’hébergement du père d’un enfant d’un couple séparé.
L’avocate estime que les procédés mis en œuvre par la psychologue ne respectent pas les règles et la déontologie professionnelle ; elle souligne, en particulier, que cette psychologue «a pris parti pour la mère contre le père »,  « se contentant des affirmations de la mère » et « qu’elle s’est permise de donner un avis très négatif sur le père alors qu’elle ne l’a reçu qu’une seule fois», « qu’elle a attesté sur l’état psychique de l’enfant alors qu’elle est soumise au secret professionnel et ne peut le faire dans une instance judiciaire que sur la demande expresse du magistrat ».
Quelques semaines plus tard, l’avocate adresse un nouveau courrier à la CNCDP listant des griefs du même type que ceux cités précédemment et réitérant une demande de sanction à l’égard de la psychologue.
Documents joints :

  1. Copie de deux comptes rendus de la psychologue adressé au JAF
  2. Copie du jugement rendu par le JAF
Posté le 15-11-2011 15:38:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Professionnel Non Pyschologue (Avocat)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Évaluation (Relativité des évaluations)
- Respect du but assigné
- Traitement équitable des parties
- Secret professionnel (Compte rendu, écrit professionnel)
- Secret professionnel (Obligation du secret professionnel)

Comme le rappelle le texte ci-dessus, la CNCDP a un rôle exclusivement consultatif et n’a aucun pouvoir de jugement ou de sanction.
Dans la situation présentée ici, plusieurs aspects de la déontologie sont intriqués. On y relève en effet la question des rapports du psychologue avec la justice, du rapport du psychologue avec ses clients ou patients, de l’incidence des écrits produits par un psychologue et enfin du secret professionnel.
Dans ce contexte la Commission traitera des questions suivantes :

  1. L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes
  2. Le traitement équitable des parties
  3. Le respect du secret professionnel

L’indépendance du psychologue dans le choix de ses méthodes

Le psychologue est libre du choix de ses méthodes, pourvu qu’elles soient reconnues comme valides par la communauté professionnelle. En conscience, il décide donc de la façon dont il mène son action. Il s’agit là de ce que l’on pourrait nommer une autonomie technique et qui a pour corollaire la responsabilité du psychologue. L’un de ces principes fondamentaux de l’exercice professionnel est affirmé au Titre I, 3 du Code de déontologie.
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. 
Le psychologue a par ailleurs le souci des conséquences prévisibles de son écrit et pour ce faire, veille à ce que ses conclusions n'aient pas un caractère définitif, comme le rappelle l’article 19 du code :
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Le respect du but assigné et le traitement équitable des parties

Les psychologues sont souvent sollicités par leurs clients pour intervenir en leur faveur dans telle ou telle circonstance de leur vie familiale, sociale ou professionnelle.
Face à de telles demandes, le psychologue est libre de sa décision qu’il prendra après avoir soigneusement analysé la situation, la demande – aux plans explicite et implicite - , les conséquences de sa démarche pour les personnes concernées mais aussi le sens que sa décision aura dans sa relation professionnelle avec l'usager.
En particulier, il se posera la question de savoir s’il ne court pas le risque d’être instrumentalisé, manipulé, dans un conflit que son métier ne l’autorise pas à prendre au premier degré. Sa formation lui permet en effet de prendre une distance suffisante tout en se centrant sur la demande qui lui est faite.
Ainsi, le titre I-6  du Code traite du respect du but assigné :
Titre I-6 Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit donc prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers.
De plus la Commission a eu à de nombreuses reprises à traiter de cette question des attestations produites en justice et a émis la recommandation suivante : si le Code ne traite formellement que des situations d’expertise judiciaire nous suggérons toutefois de nous en inspirer pour les situations similaires et de facto d’intégrer la préconisation suivante :
Article 9 : […] Dans les situations d’expertise judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des parties et sait que sa mission a pour but d'éclairer la justice sur la question qui lui est posée et non d'apporter des preuves.

Le respect du secret professionnel

Le respect du secret professionnel – quels que soient le lieu et le domaine d’exercice et le public concerné - demeure l’un des piliers déontologiques de la profession de psychologue. Il permet en effet au patient, à l’usager, au client d’avoir la garantie d’une préservation des informations personnelles et parfois très intimes, qu’il est amené à confier dans le cadre d’un entretien psychologique. Il est essentiel à l’instauration et à la pérennité d’une relation de confiance sans laquelle aucun travail psychologique qu’il s’agisse de soutien, de conseil, d’évaluation, de psychothérapie, ne peut être sérieusement envisagé.
L’article 12nous précise les conditions de mise en œuvre du secret professionnel :
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […].
Ainsi il importe de distinguer d'une part les propos de l'usager qui relèvent du secret professionnel par leur caractère intime et d'autre part l’avis professionnel du psychologue qui n’est pas secret quand, après élaboration, il intègre les informations utiles en préservant la confidentialité.
Au demeurant lorsque le psychologue a affaire à une tierce personne, ce même article précise que :
[…] Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu'à la question posée et ne comportent les éléments d'ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire.

 

Avis rendu le 21 avril 2010
Pour la CNCDP
Le Président
Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-3, I-6 ; Articles 9, 12, 19.

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Avis 10-01.doc

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