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La requérante est une psychologue qui exerce à « l’Union Départementale des Associations Familiales (U.D.A.F), dans un service d’Aide Educative en lieu Ouvert (A.E.M.O) au sein d’une équipe éducative. »

Le litige porte sur « l’autorité hiérarchique » qui est assurée par l’éducatrice de l’équipe qui a été « récemment promue au rang de chef de service de cette même équipe ».

Depuis lors, il serait difficile pour la requérante de faire respecter son indépendance professionnelle et son autonomie technique, concernant notamment ses interventions et ses écrits : « Régulièrement l’ordre m’est donné de produire des écrits suite aux éventuelles (car je ne peux rencontrer les familles que quand les éducateurs le souhaitent) (avec des demandes et des réponses précises …), rencontres avec les familles ; ces écrits doivent être joints au dossier de l’éducateur, avec intégration éventuelle » au rapport que l ‘éducateur transmet au Juge.

Sa demande à la Commission est précise : « J’aimerais vivement avoir l’avis de la Commission concernant cette situation, afin d’avoir des arguments solides pour me situer face à cette demande. ». En post-scriptum, elle donne un exemple « la demande de pratiquer un test de développement (sans rencontrer les parents « car l’éducateur estimait que vu le contexte je n’avais pas besoin de les rencontrer ») à un enfant déficient car l’éducateur souhaitait qu’il soit placé ». Elle dit avoir refusé, mais sa réaction aurait entraîné « la violence de la part de l’équipe (menace de licenciement) ».

Posté le 11-02-2011 14:45:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2003

Demandeur :
Psychologue (Secteur Judiciaire)

Contexte :
Relations/conflit avec la hiérarchie, l’employeur, les responsables administratifs

Objet de la demande :
Organisation de l’exercice professionnel
Précisions :
Fonctions du psychologue/ Fiche de poste

Questions déontologiques associées :

- Code de déontologie (Référence au Code dans l’exercice professionnel, le contrat de travail)
- Autonomie professionnelle
- Responsabilité professionnelle
- Respect de la personne
- Respect du but assigné
- Spécificité professionnelle
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu à des partenaires professionnels)
- Confidentialité (Confidentialité du courrier professionnel)
- Écrits psychologiques (Protection des écrits psychologiques (pas de modification ou de transmission sans accord du psychologue))

Le problème est celui de l’indépendance professionnelle et de l’autonomie technique de la psychologue face à la hiérarchie institutionnelle de l’association.

Il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur l’organisation du Service. La psychologue, liée par son contrat avec l’association, se doit de respecter le cadre institutionnel qui doit intégrer tous les professionnels de l’équipe et donc des psychologues. Quel que soit le cadre « hiérarchique » et organisationnel dans lequel travaille la psychologue, les modalités de fonctionnement de l’institution ne peuvent être contraires au respect du Code de déontologie des psychologues.

A ce sujet, l’Article 8 est très clair : « Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. IL fait état du Code de Déontologie dans l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels. » Le Titre I-7 du Code est aussi net à ce sujet « Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit ». Etre psychologue, agir en tant que psychologue amènent celui-ci à engager sa responsabilité professionnelle comme l’indique le Titre I-3 : «Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interventions se conforment aux règles du présent Code. Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels. ». Le psychologue est responsable des méthodes qu’il utilise et du choix qui lui incombe de pratiquer un test ou de s’abstenir (Test de développement en l’occurrence) ; recevoir ou non les parents d’un enfant relève bien de sa compétence, et ce d’autant plus qu’il s'agit du placement de l’enfant. Il ne peut agir en bafouant les droits des personnes car « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées…… » (Titre I-1).

Dans le cadre de sa responsabilité professionnelle, le psychologue intervient dans le respect du but assigné : « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit prendre en considération ses utilisations qui peuvent éventuellement en être faites par des tiers » (Titre I-6).

Ceci à penser que le but assigné, la finalité des interventions, doivent faire l’objet d’un travail de concertation de l’équipe. L’équipe nécessairement pluridisciplinaire se doit de rechercher la solution qui lui apparaît la meilleure pour le sujet, mais pour autant cette recherche ne peut être qu’un moment de partage, la psychologue intervenant dans ce cadre en tant que créatrice de sa propre démarche professionnelle. Le chef de service a la responsabilité du bon fonctionnement de l’équipe, mais l’autorité institutionnelle s’exerce dans des domaines autres que ceux de l’indépendance professionnelle, de l’autonomie technique du psychologue « le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et de son autonomie technique. Il respecte celles des autres professionnels » (Article 6).

Quant aux « écrits », aux rapports qui doivent être remis au juge, l’institution ne peut s’y soustraire. Une telle structure fonctionne pour apporter des éclairages lors des prises de décision. Cependant, la psychologue ne saurait être dégagée de ses obligations professionnelles (Titre I-1 cité plus haut) ; en effet le fait de se soumettre aux exigences de son chef de service ou des autres éducateurs pourrait avoir des conséquences graves pour la psychologue au regard du Code de déontologie, notamment en ce qui concerne le respect des droits de la personne.

Par ailleurs, elle est responsable de ses conclusions et ses écrits doivent préserver la confidentialité et le respect de l’usager et doivent être adaptés à la personne qui en est le destinataire : « le psychologue est seul responsable de ses conclusions….. et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires. Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire » (Article 12). De plus le rapport du psychologue ne peut être transmis à un tiers sans son accord : « Il n’accepte pas que ses comptes-rendus soient transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité de son courrier » (Article 14).

 

Conclusion

A la lecture des informations données par la requérante, la Commission relève un « désir de maîtrise » de l’intervention de la psychologue de la part de l’équipe éducative. Si la psychologue se soumettait à ces exigences hiérarchiques dans un domaine qui relève de sa responsabilité professionnelle, elle commettrait des manquements à la déontologie de sa profession. La psychologue doit s’intégrer à l’équipe au même titre que tous les autres professionnels, l’équipe sera d’autant plus à même de fournir des réponses adéquates pour les usagers qu’elle prendra en compte et respectera les spécificités de chacun.

L’inscription du Code de Déontologie des psychologues (sa référence à tout le moins) dans le contrat d’embauche de la psychologue serait sans doute un facteur facilitant le bon fonctionnement de l’institution et devrait permettre de régler certains conflits.

Fait à Paris, le 11 octobre 2003
Pour la CNCDP
Vincent Rogard, Président

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Avis 03-23.doc

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