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Deux psychologues travaillant dans un établissement médico-social sollicitent l’avis de la CNCDP au sujet d’un différend avec la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées)de leur département.

Lors d’une demande de réorientation de deux fillettes du service vers des établissements répondant mieux à leurs besoins, la MDPH n’a pas traité leurs dossiers au motif qu’ils ne comportaient pas d’éléments psychométriques récents.

En prenant appui sur le code de déontologie des psychologues, ces psychologues ont tenté, sans succès, plusieurs démarches pour justifier leur décision de ne pas faire passer de tests psychométriques. Elles invoquent les arguments suivants : la décision d'orientation a été élaborée en équipe institutionnelle (et donc ne nécessitait pas un examen psychologique particulier), leur expérience clinique permet une évaluation fiable des potentialités actuelles de ces enfants, la passation de tests psychométriques serait excessivement éprouvante et n’apporterait aucun élément nouveau par rapport aux examens antérieurs datant de quatre ans.

A la demande des parents et pour que la démarche de réorientation puisse aboutir, elles ont finalement effectué cet examen.
Elles demandent si la MDPH avait "le droit d’ajourner ces deux dossiers", si elle "peut obliger à fournir des tests" et si la CNCDP a connaissance d’une loi ou d’une circulaire mentionnant cette obligation.

Posté le 15-11-2011 16:08:00

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2010

Demandeur :
Psychologue (Secteur Médico-Social)

Contexte :
Questionnement professionnel personnel

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Utilisation de tests

Questions déontologiques associées :

- Responsabilité professionnelle
- Respect du but assigné
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Spécificité professionnelle
- Secret professionnel (Travail d’équipe et partage d’information)
- Évaluation (Relativité des évaluations)

La CNCDP est une instance consultative destinée  à fournir des éléments de réflexion fondés sur le code de déontologie des psychologues pour éclairer des situations complexes concernant des psychologues. Ses avis ne sont ni des jugements, ni des arbitrages, elle ne peut donc pas répondre à la question qui lui est posée en ces termes. Elle propose d’organiser la réflexion autour des questions suivantes :

  • Un psychologue peut-il refuser de pratiquer des tests psychométriques à la demande d’un tiers?
  • Quelle position éthique pour un psychologue lorsqu'il participe à un dispositif faisant intervenir plusieurs équipes ou plusieurs institutions?

Nous soulignerons, en préambule que la question de l’utilité de tests psychométriques dans l’examen psychologique des enfants fut, dès l’origine, étroitement associée à l’histoire de la profession de psychologue. Elle fut souvent source de polémique. Elle reste très actuelle puisqu’elle a fait l’objet d’une conférence de consensus organisée à Paris en Juillet 2010.
Il convient peut-être de rappeler que le développement et l’usage des tests psychométriques se sont imposés avec l’instauration de l’obligation scolaire pour répondre aux problèmes posés par les enfants qui ne parvenaient pas à acquérir les mêmes compétences scolaires que leurs congénères. L’hypothèse de différences de potentialités intellectuelles entre les enfants d’une même classe d’âge, puis la notion de besoins spéciaux de certains enfants présentant une lenteur et une limitation du développement intellectuel conduisirent à concevoir pour eux un enseignement spécial tenant compte de ces particularités. Les premières échelles d’intelligence ont été conçues à ce moment-là pour reconnaître les enfants qui pourraient en bénéficier et pour éviter d’orienter des enfants par erreur vers cet enseignement spécial. L’ensemble des institutions scolaires et médico-pédagogiques se sont développées à partir de ce critère d’orientation qui reste, actuellement, l’un des critères d’agrément des établissements spécialisés, de sorte que ces informations sont généralement exigées dans les dossiers de demande d'admission. Enfin, les résultats des tests psychométriques entrent dans les critères à partir desquels la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées évalue les taux d’incapacité.

Un psychologue peut-il refuser de pratiquer des tests psychométriques à la demande d’un tiers?

La responsabilité du psychologue dans le choix de ses méthodes et de ses outils est d’emblée posée dans les principes généraux du code de déontologie :
Titre I-3 Responsabilité : […] Dans le cadre de ses compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’application des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des conséquences directes de ses actions et avis professionnels.
Dans la mesure où il accepte cette mission il lui appartient donc de décider si les informations fournies par les tests psychométriques sont utiles à sa réflexion pour répondre à la question qui motive son examen ou s’il est possible d’y répondre par d’autres voies que l’approche psychométrique.
Au Titre I-7, il est en outre affirmé que "Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice de sa profession sous quelque forme que ce soit."
Toutefois, cette indépendance ne se justifie que pour permettre au psychologue de réfléchir librement aux conditions et aux conséquences possibles de l’examen qu’il doit effectuer afin de définir clairement ce que le Code désigne comme "le but assigné".
Titre I-6 : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions et à eux seulement. Tout en construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue doit prendre en considération les utilisations possibles qui peuvent éventuellement en être faite par des tiers".
Cette dernière phrase est généralement interprétée dans un sens restrictif et fait référence à la question du secret professionnel, en particulier dans les situations de conflit ou dans un contexte judiciaire. Le psychologue a donc le droit de refuser de fournir des éléments psychométriques à la demande d’un tiers, s’ils n’entrent pas dans le cadre du but assigné ou si la demande vise à satisfaire une curiosité ou des intérêts particuliers qui puissent avoir des effets contraires aux intérêts de la personne concernée. 
En revanche, lorsque sa fonction l'amène à participer, avec d'autres partenaires institutionnels à l’élaboration d’une solution éducative ou pédagogique adaptée pour un enfant, le psychologue doit pouvoir contribuer au partage d’informations, en apportant tous les éléments utiles, inhérents à sa compétence. Il lui incombe donc de fournir son avis psychologique lorsqu'il est nécessaire à la constitution d'un dossier.
Toutefois, dans certaines circonstances, le psychologue peut être dans l'impossibilité de fournir ces informations:

  • - s'il estime que les tests nécessaires pour recueillir ces informations ne sont pas de sa compétence ou s'il ne dispose pas du matériel nécessaire, ou si le matériel dont il dispose n'est pas à jour.
  • - si les modalités relationnelles propres à l'examen psychologique sont incompatibles avec une autre situation relationnelle, par exemple, une psychothérapie.
  • - s'il estime que la personne concernée n'est pas en mesure de subir la situation de tests. Il peut ici se référer à l'article 3 du Code de déontologie :
  •  

Article 3 : La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur la composante psychique des individus considérés isolément ou collectivement.
Dans tous les cas où le psychologue prend la responsabilité d'une telle décision, il importe qu'il en explique clairement les motifs au demandeur d'information.

Quelle position éthique pour un psychologue lorsqu'il participe à un dispositif  faisant intervenir plusieurs équipes ou plusieurs institutions?

Il convient de rappeler préalablement ce que précise l'article 8 :
Article 8 : Le fait pour un psychologue d'être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l'indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du Code de Déontologie dans l'établissement de ses contrats et s'y réfère dans ses liens professionnels.
Dans toutes les situations de prises de décision concernant l’éducation, la scolarité, le traitement d’un enfant, le psychologue est amené à participer régulièrement ou ponctuellement au travail d’équipes pluridisciplinaires à l'interférence de plusieurs institutions. Les articles 6 et 12 définissent les modalités relationnelles de telles situations :
Article 6 : Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son autonomie technique. Il respecte celle des autres professionnels
Article 12 : Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des méthodes et outils sur lesquels il les fonde, et il les présente de façon adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret professionnel. […]
Il faut peut-être souligner qu'un point de vue dynamique et éclairé est pour chaque enfant la garantie d’une sauvegarde de ses potentialités subjectives et de la reconnaissance de sa vie psychique, même, et peut-être surtout, s’il présente un handicap. La réflexion que le psychologue peut fournir à partir des informations qu’il tire de la clinique et de l’interprétation des tests constitue un repère d’évolution, précieux pour contrebalancer les effets d’usure qui éprouvent fréquemment les professionnels en contact permanent avec les enfants.
Si l'introduction d'une possibilité d'évaluation des potentialités intellectuelles a été, en son temps, novatrice dans le champ scientifique, sa vulgarisation a conduit à des utilisations réductrices. Il appartient au psychologue d'œuvrer pour que soit préservée et comprise la spécificité de cette approche, ce que précisent les articles 17 et 19 :
Article 17 : La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques qu'il met en œuvre. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d'une mise en perspective théorique de ces techniques.
Article 19 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.

Avis rendu le 11/10/2010
Pour la CNCDP
Le Président,  Patrick COHEN

 

Articles du code cités dans l'avis : Titres I-3, I-6, I-7 ; Articles 3, 6, 8, 12, 17, 19.

 

Annexes

Texte législatif de référence soulignant le pouvoir règlementaire des MDPH : Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Chapitre 2 - La MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées)
La CDA (Commission des Droits et de l'Autonomie) - Les équipes pluridisciplinaires.
Le guide barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées est l'outil utilisé par les CDAPH pour déterminer le taux d'incapacité des demandeurs s'adressant à ces commissions. Il s'appuie sur les concepts de déficience - incapacité - désavantage, proposés par l'OMS par le biais de la Classification Internationale des Handicaps depuis les années 80.
Une version pour enfants et adolescents de la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF-EA) a été publiée par le CTNERHI en décembre 2008.
Le guide- barème actuel résulte du décret N° 92-1216 du 4 novembre 1993 et de la circulaire N° 93/36 B du 23 novembre 1993, abrogés par le décret n° 2004-1136 du 21 octobre 2004. Il est intégré dans la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles, articles R. 146-28, R. 241-2 et R. 241-13 de ce code.

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Avis 10-08.doc

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