RÉSUMÉ DE LA DEMANDE :
Dans le cadre d’un conflit conjugal, le demandeur s’adresse à la Commission à propos de la conformité à la déontologie de l’écrit d’une psychologue qui a été produit devant un Juge aux Affaires Familiales (JAF). Cette psychologue, rencontrée « seulement deux fois en son cabinet et en présence de [son] ex-compagne » pour une thérapie de couple, aurait remis à cette dernière un document qu’il nomme « attestation », sans l’en avoir averti, ni avoir recueilli son accord au préalable.
Il conteste le fait que la psychologue ait dans un délai si bref « posé un diagnostic sur [son] état psychique ». Il lui reproche d’avoir tenu, dans cet écrit, « des propos diffamatoires et calomnieux à [son] égard », s’appuyant « uniquement sur les dires de [son] ex-compagne. »
C’est dans ce contexte qu’il a déposé une plainte contre la psychologue pour non-respect du secret professionnel, faux et usage de faux. Celle-ci a, depuis, été classée par la justice pour insuffisance de preuves permettant de caractériser l’infraction.
Documents joints :
Année de la demande : 2021 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Confidentialité (Confidentialité du courrier professionnel ) |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Aspects déontologiques des écrits du psychologue dans le cadre d’une procédure judiciaire de séparation de couple. Un psychologue peut être sollicité par un couple pour réaliser des entretiens à visée thérapeutique. Comme dans toutes les situations où la demande émane des personnes qu’il rencontre, le psychologue doit s’assurer de respecter la dimension psychique de ces personnes comme le préconise le Principe 1 du Code : Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »
Ce respect impose notamment au psychologue d’informer les deux personnes qu’il rencontre sur les modalités de son intervention comme le souligne l’article 9 : Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »
Comme dans toutes ses interventions professionnelles, le psychologue n’accepte que les missions pour lesquelles il a la compétence, au sens du Principe 2, et s’assigne à un but clairement identifié, ainsi le rappelle le Principe 6 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue; - de la réactualisation régulière de ses connaissances; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »
Dans ce cas spécifique où le document rédigé par la psychologue précise que les deux époux sont venus pour une thérapie de couple, l’une de ses réponses était la mise en place d’un dispositif et d’un travail permettant de s’assigner comme but l’accompagnement de ce couple dans sa demande d’aide. En acceptant ensuite de rédiger un écrit, à la demande d’une des deux parties, comme pour toute autre initiative, la psychologue a engagé sa responsabilité, comme le précise le Principe 3 : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »
Son écrit, comme tous ceux des psychologues, se devait d’être conforme aux exigences formelles de l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »
Le document soumis à l’appréciation de la Commission ne remplit que partiellement ces conditions. En effet, si l’identité et les coordonnées de la psychologue sont effectives, son numéro ADELI fait défaut, un effacement conséquent du tampon apposé au bas de l’écrit en étant peut-être responsable. En revanche, ce même document ne comporte aucun objet, ni même de mention permettant de le qualifier plus volontiers de « certificat » que d’« attestation ». Le destinataire non plus n’est pas indiqué, ni la mention « remis à… pour valoir ce que de droit » qui permet au psychologue de manifester qu’il donne son accord pour la transmission de son écrit. Enfin, le contenu même du document dépasse le simple fait d’attester de rendez-vous, dans la mesure où il y est fait mention d’éléments à visée diagnostique concernant les deux personnes que la psychologue a rencontrées, mais aussi de préconisations quant à la question des potentielles répercutions d’une telle situation de couple sur l’équilibre de la famille. En ce sens, la psychologue n’a pas tenu compte du respect du but assigné initialement, ainsi rappelé par le Principe 6 cité plus haut. De surcroît, dans le contenu de son écrit, elle n’a pas respecté le principe de prudence que rappelle le Principe 2 cité plus haut. La mention claire d’un objet aurait permis de déterminer ce à quoi répondait la rédaction d’un tel document et s’il se trouvait en accord avec l’énoncé de l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. »
Par ailleurs s’il est exact que le document évaluant la personnalité du demandeur a été remis à son épouse, sans que celui-ci n’en ait été informé et sans son accord, cette transmission ne respecte pas les préconisations de l’article 16 du Code : Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. » En effet, dans cette situation, le demandeur comme son épouse étaient les deux personnes intéressées par la remise éventuelle d’un écrit de la part de la psychologue.
Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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