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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La Commission est saisie par une femme qui a été concernée par des difficultés relationnelles avec ses belles-filles. Elle a entamé, il y a quelques années, une « thérapie individuelle » avec une psychologue, qui a duré plus d’un an. À l’initiative de cette dernière, la demandeuse et son mari ont été, une ou deux fois, reçus ensemble.

Dans les derniers temps de cette psychothérapie, la psychologue aurait joint la demandeuse par téléphone pour l’informer du fait qu’elle avait été sollicitée par son mari « pour prendre un rendez-vous pour lui-même ». Surprise d’être consultée à cet effet et n'étant pas au courant de la démarche de ce dernier, la demandeuse aurait cependant donné son accord. L’époux aurait ensuite été reçu par la psychologue pour un travail qui serait toujours en cours aujourd’hui.

Selon la demandeuse, à l’issue de sa propre psychothérapie, la psychologue lui aurait garanti : « ce lieu sera toujours le vôtre, votre lieu de parole et d’écoute ». Elle a considéré pouvoir revenir à tout moment si besoin était, ce qui fut le cas, quelques années plus tard, étant aux prises, cette fois, à des difficultés conjugales. La psychologue lui aurait alors expliqué être engagée dans l’accompagnement psychothérapeutique de son époux et devoir l’orienter vers une consœur.

Rappelés les mots du passé, la psychologue aurait évoqué un « malentendu », présenté ses excuses et justifié l’impossibilité de recevoir deux personnes de la même famille en même temps, attendant de la demandeuse qu’elle comprenne que sa réponse aurait été la même si le mari avait fait cette demande pendant leur travail commun.

La Commission tient à préciser que la temporalité des faits, qui n’était particulièrement pas simple à saisir, a été restituée au mieux selon les informations qui lui ont été transmises. Elle est interpellée sur d’éventuels manquements à la déontologie de la part de cette psychologue, plus précisément par rapport au fait d’avoir :

  • accepté de recevoir individuellement le mari avant que le travail entamé avec l’épouse n’arrive à son terme ;
  • sollicité l’avis de la demandeuse au sujet d’une telle initiative, plaçant celle-ci dans un « rôle de conseiller de [son] thérapeute sur ce qu’il doit ou ne doit pas faire » ;
  • entamé un travail avec le mari alors même qu’elle avait assuré à l’épouse de rester à sa disposition si cela le justifiait.

 

Document joint : aucun

Posté le 11-01-2022 23:08:38

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Patient)

Contexte :
Question sur l’exercice d’un psychologue

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Thérapie

Questions déontologiques associées :

- Autonomie professionnelle
- Continuité de l’action professionnelle /d’un traitement psychologique
- Discernement
- Probité
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Responsabilité professionnelle du psychologue : aspects déontologiques.

Responsabilité professionnelle du psychologue : aspects déontologiques.

Accueillir une situation clinique, c’est accueillir les personnes concernées, mais c’est peut-être avant tout pour le psychologue accueillir leur parole. Or, toute parole, celle du patient comme celle du psychologue, peut être équivoque et doit être considérée, à chaque fois que ceci est possible, dans sa complexité. C’est là une manière d’être en adéquation avec ce qui est proposé par le Frontispice ainsi que par l’article 2 du Code :

Frontispice

« Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. »

Article 2 : « La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte. »

Si aucun Principe, ni même aucun article du Code, ne permet de répondre spécifiquement aux questions soulevées par la demandeuse, la Commission a cependant estimé que la question du statut de la parole, et celle du positionnement du psychologue pouvait être discuté.

Lorsque le psychologue s’engage dans un travail psychothérapeutique, il ne peut le faire qu’à la condition de s’en reconnaître la compétence, notamment de par sa qualification professionnelle, comme le stipule le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

« […] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. »        

Il peut être conduit à devoir décliner l’accueil d’une demande d’accompagnement, cela étant complété, par ce qu’énoncent et précisent les articles 5 et 6 :

Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences. »

Article 6 : « Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. »

De prime abord, la réponse de la psychologue à la demandeuse, qui réitère son souhait d’être reçue pour entamer un nouveau travail, ne contrevient en rien à ce qu’énoncent ce Principe et ces articles. La difficulté réside dans le fait que cette même psychologue aurait a priori engagé sa responsabilité en assurant à sa patiente la possibilité de la solliciter de nouveau si besoin était.

L’explication fournie dans un second temps d’un possible « malentendu » témoigne du fait que la psychologue a pu avoir conscience de l’incohérence entre sa décision (refus de recevoir de nouveau) et son positionnement passé (garantie orale). Si tel est le cas, cela peut traduire un défaut de prudence et de discernement, au sens du Principe 2, tout autant qu’un manque de clarté dans ses conclusions, comme l’y invite pourtant l’article 16 :

Principe 2 : Compétence

« Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Article 16 : « Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. »

En cela, les paroles prêtées à la psychologue qui seraient venues conclure le travail initial avec la demandeuse, si elles se voulaient rassurantes et bénéfiques, auraient certainement mérité plus de pondération. En effet, il est difficile de penser qu’un psychologue puisse se prévaloir de maîtriser la perspective d’une situation clinique, encore moins la question de son (in)achèvement. Cela serait faire abstraction du fait que, au sens de l’article 25, la dimension psychique du patient est à considérer avec prudence tant elle est variable et évolutive :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Dès lors, parce qu’un travail au long cours était engagé avec le mari de la demandeuse, la psychologue pouvait difficilement faire autrement que de se récuser, même face à sa propre parole, comme l’y invite l’article 18 en cas de conflit d’intérêt :

Article 18 : « Le psychologue n’engage pas d’intervention ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il est personnellement lié. Dans une situation de conflits d’intérêts, le psychologue a l’obligation de se récuser. »

La Commission a été sensible au fait que deux personnes, entretenant un lien d’intimité, ont été reçues par la même psychologue à deux moments distincts de leur vie commune. Mais, là encore, rien dans le Code ne s’oppose formellement à une telle initiative, sinon le fait d’invoquer le principe de prudence déjà cité.

La décision d’accepter de recevoir individuellement le mari de sa patiente alors même que le travail avec celle-ci se poursuivait, interroge le respect de la dimension psychique de la demandeuse et sur l’issue dudit travail avec elle.

Le positionnement qui a été celui de la psychologue à l’égard du mari, au moment où il lui adresse une demande, demeure flou. Y a-t-elle d’emblée donné une suite favorable ? L’accueil de la demande de cet homme a-t-il été différé, tout comme le début de son propre travail ? Aucun élément précis à ce sujet n’a permis à la Commission de s’en faire une meilleure idée, mais a questionné le but que s’est assigné la psychologue, au sens du Principe 6, dans ce moment où parallèlement elle était toujours investie dans un travail de psychothérapie avec l’épouse de cet homme :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

Si c’est au psychologue, et à lui seul, que revient le choix de ses méthodes de travail et d’en connaître leur pertinence, c’est aussi à lui d’en porter la responsabilité et au besoin de pouvoir en répondre, comme le rappelle le Principe 3 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Dès lors, si la psychologue a sollicité la demandeuse, en-dehors de l’espace d’une séance, pour évaluer si l’accueil de la demande de son mari pouvait la gêner, l’initiative est pour le moins troublante. Une telle démarche présentait en effet le risque de la mettre en position paradoxale et de compromettre le secret professionnel, avancé dans l’article 7 :

Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. »

La Commission rappelle à cet égard que s’il est pleinement justifié pour le psychologue de recueillir un consentement éclairé avant d’entreprendre toute démarche faisant appel à ses compétences et à sa responsabilité, ce consentement ne peut être recueilli qu’auprès des personnes concernées, article 9 à l’appui:

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. »

Une position mesurée et prudente du psychologue, dans ses propos comme dans sa démarche, contribue à faire prévaloir, avant toute autre considération, le respect des droits de la personne comme l’évoque le Principe 1 :

Principe 1 : Respect des droits de la personne

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. »

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

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