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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse est mère d'un garçon âgé de 14 ans et demi. « Diagnostiqué autiste » à 3 ans, il est scolarisé dans l’Unité Localisée d'Inclusion Scolaire (ULIS) de son collège et suivi par un Service d'Éducation Spécialisée et de Soins à Domicile (SESSAD). Les parents sont séparés depuis presque six ans.

Une procédure judiciaire a été instruite à la demande du père afin de modifier ses droits de visite et d'hébergement. C'est dans cet objectif, que ce dernier a demandé un « bilan cognitif » auprès d'une psychologue.

Critique quant au « respect des règles de bonne conduite » pour la tenue du bilan, la demandeuse souhaite questionner la forme et le contenu de cet écrit, l'absence de consentement des deux parents et la partialité des conclusions. Ces dernières seraient péremptoires et réductrices, « bien éloignées des nécessités déontologiques », ce qui la conduit à s’interroger sur les compétences professionnelles spécifiques de cette psychologue et sur l’actualisation de celles-ci ainsi que sur le choix des outils qui, selon elle, auraient été appropriés pour son fils autiste.

 

Documents joints :

- Copie d'un compte rendu d’une évaluation psychologique comportant le Cahier des charges, l'Evaluation de l'efficience au Test WISC IV, les Conclusions/Préconisations et comportant le tampon d’un avocat sur la première page.

- Copie d'un document non intitulé, comprenant un « Additif au Compte Rendu (CR) » et comportant le tampon du même avocat sur la première page.

Posté le 12-10-2021 21:56:37

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Intervention d’un psychologue
Précisions :
Examen psychologique

Questions déontologiques associées :

- Autorisation des détenteurs de l’autorité parentale
- Compétence professionnelle (Élaboration des données, mise en perspective théorique, Reconnaissance des limites de sa compétence, orientation vers d’autres professionnels)
- Consentement éclairé
- Confraternité entre psychologues (Coordination professionnelle entre psychologues)
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Évaluation (Droit à contre-évaluation, Relativité des évaluations)
- Impartialité
- Information sur la démarche professionnelle (Explicitation de la démarche aux usagers /clients ou patients (avant ou/ et en cours d’intervention))
- Mission (Distinction des missions, Compatibilité des missions)
- Respect du but assigné

La Commission se propose de traiter des points suivants :

  • Forme et contenu des écrits du psychologue concernant une évaluation ayant recours à des outils psychométriques.
  • Prudence, rigueur et impartialité dans le cadre d’une procédure judiciaire impliquant un mineur.
  • Forme et contenu des écrits du psychologue concernant une évaluation ayant recours à des outils psychométriques.

Quel que soit l'écrit du psychologue, il comporte un minimum d'éléments formels. Le document transmis à la Commission comporte bien le nom et le prénom de la psychologue et ses coordonnées professionnelles, mais sans son numéro ADELI ni sa signature. Même s'il est divisé en plusieurs parties structurées, par des intertitres comme la « Demande de Monsieur », le « Cahier des charges », il ne comporte pas d'intitulé général, ni d'objectif précis, ce qui va à l'encontre de l'article 20 du code de déontologie :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.»

Ainsi, sous un semblant de structure claire, la rigueur et l’absence de but assigné explicite font défaut. Il est difficile de saisir le type d'évaluation dont il est question ici : le père demanderait un « bilan cognitif », une « évaluation de l'enfant qui souffre d'un trouble autistique », ce à quoi la psychologue répond qu'elle sera « généraliste », comportant non pas une évaluation cognitive au sens strict, mais une investigation sur les « performances intellectuelles » et les « potentialités affectives » de l'enfant. Enfin, elle conclut par des « conseils de guidance parentale ».

Or, les compétences du psychologue découlent des connaissances théoriques et méthodologiques acquises, régulièrement réactualisées, comme défini par le Principe 2, duquel découle l'Article 5 :

Principe 2 : Compétence

« Le psychologue tient sa compétence :

  • de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue;
  • de la réactualisation régulière de ses connaissances;
  • de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité.».

Article 5 : « Le psychologue accepte les missions qu'il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences. »

La responsabilité professionnelle est affirmée dans le Principe 3 du Code qui indique que, dans le cadre de sa compétence, le psychologue décide des outils et des méthodes qu’il met en œuvre, sans négliger leur mise en perspective théorique comme précisé dans l’Article 23 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

«  Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule ».

Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques. »

Le psychologue explicite également son intervention et recueille l’assentiment de son patient sur ces modalités en accord avec l’article 9 :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions ».

Dans la situation présente, la psychologue paraît avoir eu quelques difficultés à délimiter les objectifs de son évaluation et à choisir ses outils. Ses « conclusions/préconisations » restent limitées et ne semblent pas explorer les ressources de l'enfant. L'écrit témoigne du choix inapproprié des outils retenus pour conduire le bilan psychologique, de manière de plus en plus flagrante au fil de sa lecture. L'adolescent aurait participé à trois séances de passation de tests, d'une heure chacune, et n’aurait répondu qu'à un seul item dans chaque subtest, témoignant ainsi d’une difficulté majeure. La psychologue aurait pu, même dans le cours du bilan, orienter le père et cet adolescent vers un collègue à même de mieux faire face à ce type de pathologies, comme préconisé par l'article 6 :

Article 6 : « Quand des demandes ne relèvent pas de sa compétence, il oriente les personnes vers les professionnels susceptibles de répondre aux questions ou aux situations qui lui ont été soumises. »

La Commission a estimé que les conclusions de l'écrit ne sont ni abouties, ni complètes. Elles ne répondent que partiellement à la demande initiale, en contradiction à l'article 25 :

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ».

Quant à l'«Additif au CR», produit à la demande du père, s'est posée la question du but assigné à cet écrit, en référence au Principe 6, la transmission au père ayant exposé le garçon et impliqué la psychologue dans le conflit parental :

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. »

  • Prudence, rigueur et impartialité dans le cadre d’une procédure judiciaire impliquant un mineur.

Dans une situation de séparation, il est paraît bienvenu de rencontrer les deux parents de l’enfant. Une telle initiative vise non seulement à mieux cerner la dynamique relationnelle, mais aussi à promouvoir un souci d’impartialité et d’équité, au sens du Principe 2 déjà cité, préservant ainsi le psychologue d’une éventuelle instrumentalisation dans le conflit familial. Quand l’évaluation concerne un mineur, elle nécessite le consentement ou tout au moins l'assentiment aussi bien du mineur que de ses parents, comme le précise l’article 11 :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent ou le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement, des détenteurs de l’autorité parentale ou des représentants légaux ».

Or, dans la situation présente, la psychologue n'aurait pas tenté de contacter la mère. Ceci ne condamne probablement pas la démarche de la psychologue mais cette dernière pouvait certainement mieux apprécier la situation en profitant aussi de ce que pouvait lui apporter une rencontre avec l’autre adulte détenteur de l’autorité parentale.

De plus, quand le psychologue reçoit l'un des parents en ayant connaissance d’un contexte conflictuel et qu’il accepte de rédiger un document à sa seule demande, il veille à observer une certaine prudence dans le contenu de sa rédaction et prend en considération la possible diffusion de son texte à des tiers, comme le rappelle l’article 17 :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci ».

Par ailleurs, la Commission estime que la psychologue, informée de la situation d’accompagnement scolaire du jeune garçon au sein d’une ULIS et de sa prise en charge par un SESSAD, aurait dû se concerter avec les psychologues de ces dispositifs, afin de rester dans la pertinence de leurs interventions, comme l’article 31 le préconise :

Article 31 : « Lorsque plusieurs psychologues interviennent dans un même lieu professionnel ou auprès de la même personne, ils se concertent pour préciser le cadre et l’articulation de leurs interventions. »

Enfin, la psychologue avait également la possibilité de mentionner la possibilité d'une contre évaluation, comme proposé à l'article 14 :

Article 14 : « Dans toutes les situations d'évaluation, quel que soit le demandeur, le psychologue informe les personnes concernées de leur droit à demander une contre évaluation. »

En conclusion, la Commission rappelle l'importance pour le psychologue, en préliminaire à son intervention, de se concerter avec son ou ses consultant(s), pour en définir le but assigné. Elle persiste à recommander rigueur, prudence et impartialité dans l'exercice de la psychologie.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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