La demandeuse, avocate représentant un père engagé dans une procédure de divorce, sollicite la Commission concernant une attestation rédigée par une psychologue.
Initiée il y a quatre ans par l’ex-épouse de son client, la procédure a donné lieu à un premier jugement rendu il y a quelques mois instituant une alternance de la résidence des enfants au domicile de chacun des parents. La mère a récemment fait appel de cette décision en demandant que la résidence des enfants soit fixée exclusivement à son domicile. Celle-ci aurait alors joint au dossier judiciaire une attestation rédigée par la psychologue l’ayant accompagnée en thérapie. Selon cette avocate, l’ex-épouse de son client prendrait appui sur le contenu de cet écrit pour le disqualifier en prétendant que celui-ci aurait une « personnalité perverse et violente ».
Face à ces termes qualifiés d’« accusatoires et violents », la demandeuse souhaite avoir un avis sur cette attestation qui, selon elle, a été clairement rédigée afin de « faire perdre la garde des enfants » au père. Elle interroge plus précisément la Commission sur les règles déontologiques de la profession relatives à l’établissement d’un diagnostic en l’absence de rencontre avec la personne concernée et sur la légalité de la transmission de ce document à un tiers, en l’occurrence, au Juge aux Affaires Familiales (JAF).
Document joint :
Année de la demande : 2019 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels) |
La Commission se propose de traiter le point suivant :
Rédaction d’un écrit dans un contexte de procédure judiciaire : impartialité, prudence, respect du but assigné et du secret professionnel. Le psychologue peut être amené à rédiger des documents tels que ceux dénommés « attestations », « comptes rendus », « courriers » ou bien encore « expertises ». Quel que soit son cadre d’exercice, ses écrits engagent sa responsabilité professionnelle, comme l’indique le Principe 3 du code de déontologie : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. » La rédaction d’un document par un psychologue implique une réflexion préalable pour en définir l’objet mais aussi sa finalité en cohérence avec le but qu’il assigne à sa mission, comme cela est précisé dans le Principe 6 : Principe 6 : Respect du but assigné « Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. » Quelle qu’en soit sa dénomination, cet écrit doit toutefois pouvoir répondre aux règles énoncées dans l’article 20, ceci afin de veiller notamment au cadre de sa diffusion : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature… » Dans la situation présente, la psychologue est engagée dans un travail thérapeutique individuel auprès de sa patiente depuis presque deux ans. Elle accepte de rédiger ce courrier avec la mention « pour valoir ce que de droit ». La Commission a pu relever que son contenu semble aller au-delà de celui d’une simple attestation, en livrant des éléments sur l’état de sa patiente, ce qui le rapprocherait davantage d’une note d’observation ou d’un compte rendu de prise en charge. Dans un contexte de divorce, qui plus est conflictuel, et de procédure judiciaire impliquant plusieurs protagonistes, un psychologue qui accepte de rédiger un écrit doit s’assurer de la rigueur de sa rédaction et prendre en considération la diffusion potentielle de son texte comme le rappelle l’article 17 : Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire ». La psychologue avait-elle le droit de rédiger un tel document alors que la justice ne l’avait pas saisie ? Le Principe 3 cité ci-dessus répond positivement à cette question. Cependant, le document soumis à la Commission vient questionner la prise en compte de l’article 13 du Code dans la mesure où la psychologue, sous couvert de propos rapportés par sa patiente, semble qualifier indirectement la personnalité de son ex-époux sans l’avoir rencontré. Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner ». Or, tout psychologue devrait pouvoir être conscient des nécessaires limites de son travail en adoptant une approche mesurée dans la transmission de ses avis ou conclusions et en prenant notamment appui sur les articles 23 et 25 : Article 23 : « La pratique du psychologue ne se réduit pas aux méthodes et aux techniques employées. Elle est indissociable d'une appréciation critique et d’une mise en perspective théorique de ces techniques ». Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes ». Dans la situation présente, la psychologue affirme que sa patiente a dû « résister à l’emprise psychologique d’une personnalité perverse » tout en détaillant les mécanismes de la dynamique relationnelle entre sa patiente et son ex-époux. La Commission a pu s’interroger sur le contenu de son écrit qui tend à induire un lien de cause à effet entre la personnalité de ce dernier et l’état de sa patiente. Ici, la psychologue peut s’exposer au reproche d’un manque d’appréciation critique et ce, d’autant plus que l’ex-époux n’a jamais été rencontré et que la thérapie n’a débuté qu’après la séparation conjugale. Ainsi, la prudence dans la rédaction d’un écrit est fondamentale, surtout lorsqu’elle s’inscrit dans un contexte judiciaire en cours. En adoptant une démarche mesurée et impartiale, comme rappelée dans le Principe 2, le psychologue veille à transmettre ses avis avec discernement afin d’en prévenir tout mésusage Il garantit ainsi d’agir en cohérence avec le respect des droits de personnes, en matière de dignité, de protection, de liberté et de respect du secret professionnel comme le souligne le Principe 1 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence […] de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. » Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. […] Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». En conclusion, la Commission ne peut que recommander aux psychologues rigueur, prudence et impartialité dans leurs interventions dans un cadre conflictuel et dans la rédaction de leurs écrits. Pour la CNCDP La Présidente Mélanie GAUCHÉ La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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