Un collège de psychologues exerçant en Centre Hospitalier Psychiatrique sollicite la CNCDP à propos de la tenue du dossier informatisé du patient et des informations qu'ils doivent y faire figurer.
Ces psychologues doivent répondre à la demande de leur direction et du Département d'Information Médicale (DIM) d'entrer dans le dossier du patient leurs actes, ce qu’ils font depuis quelques années, mais aussi « d’y adjoindre désormais systématiquement une observation ».
De plus, le Département d'Information Médicale, suite au contrôle de certains dossiers de patients, a récemment « porté un jugement sur la nature des observations jointes, en pointant le caractère insuffisant ou inexploitable à ses yeux, des données saisies [par les psychologues]. »
La question des demandeurs porte sur la position à tenir concernant les écrits du psychologue dans le dossier informatisé du patient « au regard de la déontologie ».
Ils sont particulièrement préoccupés par la question de la responsabilité du psychologue et de son autonomie face à ces demandes. Ils interrogent également la Commission sur l’accessibilité à d’autres professionnels du dossier du patient.
Enfin, ils sont soucieux de tenir une position déontologique tout en «maintenant le dialogue institutionnel ».
Année de la demande : 2012 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle
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La CNCDP a un rôle consultatif fondé sur un travail de réflexion à partir du code de déontologie, en tenant compte des dispositions légales et réglementaires, ici le Code de la santé publique en matière de dossier du patient. Celles-ci doivent être connues des psychologues hospitaliers1 . La Commission mettra en perspective ses réflexions avec la demande institutionnelle à laquelle sont confrontés les demandeurs.Elle se proposede traiter des questions suivantes :
Quels que soient la nature ou le cadre des écrits professionnels produits par le psychologue, il convient de rappeler que le code de déontologie associe étroitement les notions de responsabilité et d’autonomie car, considérant la spécificité de l’exercice de la discipline, il ne saurait y avoir pleine responsabilité sans réelle autonomie technique. C’est ce que développe l’un des principes généraux du Code : Principe 3 : Responsabilité et autonomie Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. […] S’il a à répondre de la transcription de ses avis, c’est avant tout et essentiellement à la personne qui le consulte et qui doit donc en être informée : Article 9 : Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités et des limites de son intervention, et des éventuels destinataires de ses conclusions. C’est ainsi que ses conclusions sont portées en premier lieu à la connaissance de la personne qui le consulte et qui est la première intéressée : Article 16 : Le psychologue présente ses conclusions de façon claire et compréhensible aux intéressés. Si des éléments peuvent être portés à la connaissance de tiers, la personne concernée doit en être au moins informée : Article 17 : Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l'assentiment de l'intéressé ou une information préalable de celui-ci. Rappelons que de toute façon le psychologue hospitalier est personnellement tenu au secret professionnel vis-à-vis des personnes qu’il reçoit : Article 7 : Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice.
L’accès au dossier informatisé du patient est déterminé par un ensemble de dispositions légales et réglementaires, notamment édictées par le Code de la santé publique qui en garantit la sécurité quant à la préservation du secret attaché aux informations tant privées que médicales. Le psychologue sait que, outre le patient lui-même, la plupart des acteurs des équipes hospitalières, actuelles ou à venir, directement concernés par la prise en charge peuvent avoir accès au dossier, ayant, selon la loi, possibilité de partager des informations à caractère secret pour pouvoir assurer l’efficacité de cette prise en charge et la pertinence des soins. Étant membre d’une équipe interdisciplinaire, le psychologue est conduit àéchanger des informations et des données psychologiques nécessaires à la prise en charge mais s’adressant aussi à des non-psychologues. Le principe 6 du code de déontologie éclaire la spécificité « du but assigné » au psychologue, but et mission spécifiques au sein d’une équipe médicale et paramédicale qui l’amènent à approcher au plus près l’intimité et la vie privée des patients. Principe 6, Respect du but assigné : Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers. Il convientde prendre en considération le faitque des données psychologiques inscrites dans le dossier peuvent, si elles sont reprises par d'autres professionnels, être sources de méprises voire de déformations. D'autre part, il est nécessaire de préserver le cadre spécifique de la confidentialité propre à l’exercice du psychologue. Toute information connue par confidence n’est pas pertinente, utile et nécessaire à la prise en charge et aux soins. La transmission de certaines informations peut même se révéler attentatoire, non seulement au respect de la vie privée mais également à la poursuite du travail psychologique entrepris. Principe 1, Respect des droits de la personne : (le psychologue) favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même. En ce sens et considérant la spécificité de la pratique du psychologue au sein de l’équipe hospitalière, on peut rapprocher les indications du Code concernant la présence en réunion de celles qui pourraient concerner les écrits dans le dossier, soit : Article 8 : Lorsque le psychologue participe à des réunions pluri professionnelles ayant pour objet l'examen de personnes ou de situations, il restreint les informations qu’il échange à celles qui sont nécessaires à la finalité professionnelle. Il s’efforce, en tenant compte du contexte, d’informer au préalable les personnes concernées de sa participation à ces réunions. Il revient au psychologue de veiller à différencier les informations qui seraient utiles à transmettre dans l'intérêt du patient de celles qui relèveraient de la stricte confidentialité. En matière d’écrit, surtout dans le dossier informatisé du patient qui par nature réglementaire perdure, le Code recommande, outre la « prudence » évoquée plus haut par l’article 17, celle concernant les évaluations et interprétations portées sur les patients au moment de la prise en charge : Article 25 : Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. Quoi qu’il en soit, le Code réaffirme que le psychologuedécide et assume la responsabilitéde la forme et du contenu de ce qu’il choisit de porter dans le dossier du patient, comme de tout écrit qu’il rédige et transmet, selon sa conscience, son choix méthodologique et ce qu’il pense pertinent et nécessaire (ici pour contribuer à la meilleure prise en charge) : Article 20 : [...] Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. Sa vigilance quant aux informations qu'il va porter dans le dossier du patient est d’autant plus requise que ce dossier est informatisé (risques d’accès accrus).
Le Code de déontologie des psychologues n’ayant pas de valeur réglementaire n’est pas opposable de droit en tant que tel aux demandes institutionnelles. Néanmoins, concernant le nécessaire dialogue institutionnel, deux indications peuvent être utilement évoquées : Principe 2 : Compétence […] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. Article 4 : Qu'il travaille seul ou en équipe, le psychologue fait respecter la spécificité de sa démarche et de ses méthodes. Il respecte celles des autres professionnels. En matière de spécificité de la démarche du psychologue, ce qui a été développé précédemment, sur la base des principes et articles du Code, permet de soutenir et d’argumenter que les observations éventuelles notées dans le dossier informatisé du patient ne peuvent que répondre au but assigné. Elles ne doivent pas contrevenir à la mission du psychologue, qui veille à préserver la confidentialité spécifique à son travail auprès du patient sans risquer de le mettre en échec. Au regard de cet enjeu, toute critique « pointant le caractère insuffisant ou inexploitable » des observations notées dans le dossier portée par des instances ou agents non directement engagés dans la prise en charge du patientdemande à être explicitée. Ceci doit permettre au psychologue de réfléchir au sens de cette demande au regard de ses missions spécifiques et de son travail singulier auprès du patient. C'est là que doit se faire le dialogue institutionnel, afin de permettre au psychologue de rester centré sur l'intérêt du patient, dans le respect des règles déontologiques et de la réglementation. Puisque les demandeurs nomment l’instance initiatrice de la critique qui leur est adressée, le DIM, il convient d’en comprendre la nature voire de tenter de l’expliciter à l’examen des missions de cette instance. Le cadre d’exercice étant la psychiatrie, il est utile d’en aborder les particularités qui peuvent expliquer les causes de la critique : c’est ce qui peut être évoqué à titre d’hypothèse. Le caractère « insuffisant ou inexploitable » pointé par le DIM ne peut que se référer à ses missions propres : notamment prise en compte comptable du suivi du patient, des actes qui en découlent, juste codage de l’activité et collation d’éléments épidémiologiques (circulaire 275 du 6/1/1989) Or, pour que le dossier informatisé du patient puisse exister administrativement, il faut obligatoirement un codage du diagnostic selon la Classification internationale des maladies (CIM 10). En psychiatrie, notamment, nombre de psychologues reçoivent en CMP des patients directement sans qu’ils aient été reçus préalablement par un psychiatre. Comment et par qui procéder à ce codage afin que le dossier puisse être « exploitable » c'est-à-dire exister au sens administratif ? Certains psychologues acceptent d’en effectuer un provisoire selon les deux chapitres de la CIM 10 : le chapitre V en codes F ou le chapitre XXI en codes Z. Dans ce dernier cas, le DIM pointera le caractère « insuffisant et inexploitable » de ce codage. D’autres psychologues refusent de procéderà ce codage, la demande institutionnellepeut être alors une demande de systématiser les observations afin de pallier à cette absence de codage. Bien que cette question (effectuer ou non un codage…et de quel type) ne soit pas explicitement posée par les demandeurs, elle peut être sous-jacente à la demande institutionnelle. Ce débat reste ouvert à ce jour pour la profession. La CNCDP, en matière de déontologie, peut rappeler, pour éclairer ce problème lié au codage, les indications du dernier alinéa du deuxième principe du Code déjàcité plus haut : « […] Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience […] » Enfin, considérant ce contexte hospitalier et la spécificité des demandeurs, la CNCDP propose également de mettre en perspective avec son avis celui donné par l'ANAES (aujourd'hui Haute Autorité de Santé) en 2003 sur la question des informations consignées dans le dossier du patient par les psychologues (Fascicule 1 du Dossier du patient, amélioration de la qualité de la tenue et du contenu / réglementation et recommandations, pages 22 et 23). Ces recommandations n’imposent que « la notion de contact » avec le psychologue (soit la notation de l’acte) et lui laissent la faculté de joindre au dossier ce qui lui semble « utile à la prise en charge », ce qui ne fait que corroborer les axes de réflexion dégagés ici à partir du code de déontologie des psychologues. Pour la CNCDP La Présidente Claire Silvestre-Toussaint 1 Code de santé publique / dossier du patient - art. R 1112-1 à 1112-9 dont le R 1112-2 (obligation, contenu)… - accès : (loi du 4 mars 2002 ; décret du 29 avril 2002…) : art. L 1110-4 et L 1111-7 notamment |