RESUME DE LA DEMANDE
La demandeuse est la grand-mère de deux jumelles âgées de 10 ans qui ont habité chez elle, en compagnie de leur mère, de la naissance à leurs 8 ans. Depuis leur départ, les rencontres et les échanges téléphoniques ou via des applications se sont espacés entre les deux jumelles et la demandeuse. Cette dernière est de ce fait actuellement engagée dans une procédure judiciaire afin d’obtenir un droit de visite de ses petits-enfants.
Quelques mois après son départ du domicile maternel, la mère des filles s’est adressée au « service de pédopsychiatrie du CMP [qui a] exclu toute pathologie, notamment autistique, pour les deux enfants ». Trois mois plus tard, elle a consulté d’autres professionnels, dont un pédopsychiatre et une psychologue qui ont conclu à un trouble du spectre autistique » pour les deux sœurs. La psychologue suit une des enfants et a contribué au diagnostic de l’autre.
Sur décision de l’équipe, elle est le « point de contact [pour la grand-mère] au sein de l’équipe soignante » concernant les explications sur le sujet de l’autisme. Cette même psychologue est en copie des courriels que la mère des jumelles adresse à la demandeuse, qu’elle a par ailleurs reçue en entretien, à la demande de cette dernière.
La demandeuse questionne la Commission pour savoir dans quelle mesure « l’attitude » de la psychologue est conforme aux règles du code de déontologie ». Elle estime que celle-ci adopte une position partiale en sa défaveur, aussi bien dans ses écrits et qu’en entretien. Elle ajoute que la psychologue ne remet pas en cause les propos de sa fille et d’une des petites filles que la demandeuse juge mensongers. De plus elle invoque un défaut du respect du secret professionnel par la psychologue qui a divulgué au pédopsychiatre, sans l’en avoir informée, des éléments de l’entretien qu’elles ont eu.
Documents joints :
- Copie de plusieurs courriels échangés entre la demandeuse et la psychologue
- Copie de plusieurs messages WhatsApp entre la demandeuse et sa fille
- Copie de plusieurs courriels échangés entre la demandeuse et sa fille, dont la psychologue est en copie
- Copie de plusieurs courriels échangés entre la demandeuse et sa fille
- Copies de plusieurs échanges via Kidiconnect entre la demandeuse et ses petites-filles
- Copie de la main courante déposée par la demandeuse
- Copie d’un certificat médical établi par un psychiatre suite à une consultation de la demandeuse
- Copie de factures bancaires d’achats lors d’un séjour de la demandeuse dans la même ville que sa fille et ses deux petites-filles
- Copie de plusieurs SMS entre la demandeuse et sa fille
- Copie de plusieurs échanges entre l’avocate de la demandeuse et l’avocate de sa fille
- Copie d’un courriel de la fille de la demandeuse adressé aux personnes de l’équipe de soin intervenant auprès des deux enfants
- Copie de l’attestation de l’éducatrice spécialisée intervenant à domicile auprès des deux enfants
- Copie de deux pages extraites des « conclusions sur incident » déposés par la fille de la demandeuse
- Copie de l’attestation du psychiatre de l’équipe de soin intervenant auprès des deux enfants
- Copie d’un message d’un grand-oncle adressé aux deux enfants
- Copie d’une attestation établie par une connaissance de la demandeuse
- Copie de la note d’honoraire de la consultation de la demandeuse auprès de la psychologue
Année de la demande : 2022 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Autonomie professionnelle |
La Commission se propose de traiter du point suivant :
Positionnement du psychologue dans un contexte de conflit familial Le travail du psychologue peut s’inscrire dans celui d’une équipe pluridisciplinaire, notamment en institution. Selon des recommandations actuelles, les professionnels peuvent être invités à travailler de façon coordonnée et personnalisée afin qu’une approche globale de la situation complexe puisse se mettre en place. Le psychologue veille alors à faire reconnaitre les spécificités de ses missions en coordination avec les missions des autres membres de l’équipe, ainsi que le préconise l’article 4 du Code : Article 4 : « Qu'elle·il exerce seul·e ou en équipe pluriprofessionnelle, la·le psychologue fait respecter sa spécificité professionnelle. Elle·il respecte celle des autres». Son intervention peut prendre différentes formes, en appui sur ses compétences comme l’indique le Principe 4. Les missions du psychologue relèvent alors d’une grande variété comme le décline l’Article 3 du code de déontologie des psychologues : Principe 4 : Compétence « La·le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par l’article44 de la loi du 25 juillet 1985 modifiée, relative à l’usage professionnel du titre de psychologue ; - de l’actualisation régulière de ses connaissances ; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans l’approche et la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Elle·il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité déontologique de refuser toute intervention lorsqu'elle·il sait ne pas avoir les compétences requises. Quels que soient le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, elle·il agit avec prudence, mesure, discernement et impartialité ». Article 3 : « Ses champs d’intervention, en situation individuelle, groupale ou institutionnelle, relèvent d’une diversité de missions telles que : la prévention, l’évaluation, le diagnostic, l’expertise, le soin, la psychothérapie, l’accompagnement psychologique, le conseil, l’orientation, l’analyse du travail, le travail institutionnel, la recherche, l’enseignement de la psychologie, la formation ». Ainsi, il peut notamment réaliser une évaluation, prendre part au diagnostic, mener un suivi psychothérapeutique, être l’interlocuteur référent dans le suivi de l’enfant. Dans ce cas, il lui appartient de définir son cadre d’intervention, en appui sur ses compétences, comme le rappelle le Principe 4 du Code déjà cité, et de faire distinguer ses différentes missions afin que les personnes avec lesquelles et auprès desquelles il travaille en aient une représentation claire, comme le recommande le Principe 5 : Principe 5 : Responsabilité et autonomie professionnelle « Dans le cadre de sa compétence professionnelle et de la nature de ses fonctions, la·le psychologue est responsable, en toute autonomie, du choix et de l'application de ses modes d’intervention, des méthodes ou techniques qu'elle·il conçoit et met en oeuvre, ainsi que des avis qu’elle·il formule. Elle·il défend la nécessité de cette autonomie professionnelle inhérente à l’exercice de sa profession notamment auprès des usagers, employeurs ou donneurs d’ordre. Au préalable et jusqu’au terme de la réalisation de ses missions, elle·il est attentif·ve à l’adéquation entre celles-ci et ses compétences professionnelles. Elle·il peut exercer différentes missions et fonctions. Il est de sa responsabilité de les distinguer et de faire distinguer leur cadre respectif». Dans la situation présentée à la Commission, la psychologue est la « thérapeute [d’une des jumelles] et [a] contribué au diagnostic de [l’autre jumelle]. Elle « participe à la coordination des soins » et a proposé à la demandeuse un échange téléphonique qui sera suivi, quelques semaines plus tard, d’un entretien à son cabinet. D’après la mère des deux enfants, la psychologue aurait été désignée comme « point de contact [pour la grand-mère] au sein de l’équipe soignante. » La Commission s’est interrogée sur la complexité que présentait d’emblée la situation sur le positionnement de la psychologue, mais sur la base des documents joints à la demande, ce « point a été discuté avec les autres membres de l’équipe soignante ». Les différentes missions semblent distinguées les unes des autres et pensées en coordination avec les autres professionnels associés au soin des enfants, répondant ainsi au Principe 6 : Principe 6 : Rigueur et respect du cadre d’intervention « Les dispositifs méthodologiques mis en place par la·le psychologue répondent aux objectifs de ses interventions, et à eux seulement. Les modes d'intervention choisis et construits par la·le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et adaptée à son interlocuteur, ou d’une argumentation contradictoire avec ses pairs de leurs fondements théoriques et méthodologiques. » Recevoir un parent ou un autre membre de la famille demande au psychologue d’intervenir avec la plus grande prudence concernant les informations qu’il va transmettre au sujet de l’enfant dont il est le thérapeute, comme le recommande l’article 5 : Article 5 : « En toutes circonstances, la·le psychologue fait preuve de mesure, de discernement et d’impartialité. La·le psychologue accepte les missions qu'elle·il estime compatibles avec ses fonctions et ses compétences dans le respect du présent Code. Si elle·il l’estime utile, elle·il peut orienter les personnes ou faire appel à d’autres professionnels ». A la lecture des courriels de la psychologue, il apparait qu’elle a agi avec prudence sur les éléments à transmettre et dans le respect de la demandeuse. Elle expose de façon factuelle ses différentes missions, propose à la grand-mère de lui faire part d’informations qui permettront « la compréhension des comportements » de ses petites-filles et lui conseille des pistes de soutien « face à l’annonce de ce diagnostic » de TSA. En cela elle respecte les recommandations fondamentales du Principe 1 : Principe 1 : Respect des droits fondamentaux de la personne « La·le psychologue réfère son exercice aux libertés et droits fondamentaux garantis par la loi et la Constitution, par les principes généraux du Droit communautaire et par les conventions et traités internationaux. Elle·il exerce dans le respect de la personne, de sa dignité et de sa liberté. La·le psychologue s'attache à respecter l'autonomie de la personne et en particulier son droit à l'information, sa liberté de jugement et de décision. Toute personne doit être informée de la possibilité de consulter directement la·le psychologue de son choix ». La Commission s’est interrogée sur le fait que la psychologue ait pu manquer de discernement en transmettant au pédopsychiatre de l’équipe, des éléments sur la demandeuse, issus de l’entretien commun, sans que celle-ci en soit informée. La Commission rappelle l’importance du respect du secret professionnel même dans le cadre d’une transmission entre professionnels suivant la même situation, comme le recommandent le Principe 2 et les articles 7 et 8 du Code : Principe 2 : Respect de la vie privée, du secret professionnel, de la confidentialité « La·le psychologue est soumis·e à une obligation de discrétion. Elle·il s’astreint au secret professionnel et à la confidentialité qui doivent être garantis dans ses conditions d’exercice. En toutes circonstances, elle·il en informe les personnes concernées et recherche leur consentement éclairé. Elle·il respecte le principe fondamental que nul ne peut être contraint de révéler quoi que ce soit sur lui-même ». Article 7 : « La·le psychologue est tenu au secret professionnel dans les conditions et les limites des dispositions du code pénal (articles 226-13 et 226-14). Le secret professionnel couvre tout ce dont la·le psychologue a connaissance dans l’exercice de sa profession : ce qui lui est confié comme ce qu’elle·il voit, entend ou comprend ». Article 8 : « Dans tout échange entre professionnels ayant pour objet l'examen de personnes ou de situations, la·le psychologue partage uniquement les informations strictement nécessaires à la finalité professionnelle, conformément aux dispositions légales en vigueur. En tenant compte du contexte, elle·il s’efforce d’informer au préalable les personnes concernées de sa participation à ces échanges ». Enfin, dans le cadre d’un suivi psychothérapeutique, le psychologue recueille les paroles et les événements que son patient relate tels qu’il les lui transmet. Il n’est pas de son ressort de vérifier la véracité de ces propos. En cela, il respecte le Frontispice du Code : « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action du psychologue. »
Pour la CNCDP Le Président Antony CHAUFTON La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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