RÉSUMÉ DE LA DEMANDE
Un père engagé dans une procédure de divorce saisit la Commission à propos d’un écrit remis à son épouse par une psychologue dans le cadre d’un suivi. Selon le demandeur, ce texte « énonce des éléments totalement mensongers et diffamatoires » à son encontre, alors que la psychologue ne l’a jamais rencontré. Il joint à son courrier des documents qui contredisent, selon lui, certains éléments évoqués dans l’écrit de la psychologue et demande « l’annulation de cette attestation et une mise à niveau des pratiques » qu’il juge « dangereuses » pour lui comme pour autrui.
Documents joints :
- Copie d’un écrit rédigé par une psychologue
- Copie d’une plainte déposée par le demandeur pour vol de portable
- Copie de trois captures d’écran d’échanges SMS du demandeur avec un de ses enfants
- Copie de deux captures d’écran d’échanges SMS entre les conjoints
- Copie d’une capture d’écran d’échanges SMS du demandeur avec un tiers
Année de la demande : 2021 Demandeur : Contexte : Objet de la demande : Questions déontologiques associées : - Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels) |
La CNCDP signale qu’elle n’a pas compétence pour annuler une attestation, ni pour imposer une mise à niveau des pratiques d’une psychologue. La Commission se propose de traiter le point suivant :
Cadre déontologique des écrits produits par le psychologue au cours d’une procédure de divorce. L’exercice de la profession de psychologue s’appuie sur le Principe 1 du code de déontologie. Les professionnels s’engagent à recevoir les personnes qui le souhaitent, et à leur proposer des entretiens dans le respect de leur dignité et de leur liberté. Principe 1 : Respect des droits de la personne « Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et spécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s’attache à respecter l’autonomie d’autrui et en particulier ses possibilités d’information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l’accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l’intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n’est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même.»
Lors d’un suivi, le psychologue peut être conduit, à son initiative ou à la demande d’un tiers, à rédiger des documents de diverses natures. Ces écrits engagent sa responsabilité professionnelle au sens du Principe 3 du Code : Principe 3 : Responsabilité et autonomie « Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l’application des méthodes et techniques qu’il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »
Le code de déontologie des psychologues émet un certain nombre de préconisations formelles concernant les écrits. Celles-ci sont indiquées dans l’article 20 : Article 20 : « Les documents émanant d’un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l’identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l’objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique.
Le document transmis par le demandeur satisfait à la plupart de ces préconisations, exception faite de l’objet et du destinataire. Cependant la mention « pour valoir ce que de droit » vaut pour autorisation d’une transmission au destinataire du choix de la patiente. Dans le cas présent, le document soumis pour avis à la Commission se présente comme un certificat dans le cadre d’un suivi psychologique de l’épouse du demandeur. La psychologue y décrit l’état de sa patiente en lien avec les difficultés de couple. Dans le cadre d‘un suivi thérapeutique, le psychologue s’appuie sur les paroles de son patient pour formuler un avis sur les situations rapportées par celui-ci ainsi que pour lui proposer un suivi thérapeutique adapté, dans le respect du Principe 2 : Principe 2 : Compétence « Le psychologue tient sa compétence : - de connaissances théoriques et méthodologiques acquises dans les conditions définies par la loi relative à l’usage professionnel du titre de psychologue; - de la réactualisation régulière de ses connaissances; - de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »
Dans le cas présent, il s’agissait vraisemblablement d’un suivi en vue du mieux-être psychique de l’ex-épouse du demandeur. Les relations entre les conjoints et entre eux et leurs enfants ont été abordées dans le cadre de ce suivi. Comme l’y autorise l’article 13, la psychologue, dans le certificat qu’elle a fourni à sa patiente, n’apporte d’évaluation que sur l’état de celle-ci, même si elle émet un avis sur la situation du couple, avis basé explicitement sur ce qui a été ressenti et rapporté par sa patiente. Article 13 : Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner.
La psychologue n’a, semble-t-il pas, pas rencontré d’autres membres de la famille au cours de ce suivi, ce qui est conforme aux pratiques de respect de la dimension psychique des patients et à la confidentialité des entretiens. Ceci réfère à l’encadrement du secret professionnel et de la transmission d’informations par les articles 7 et 17 : Article 7 : « Les obligations concernant le respect du secret professionnel s’imposent quel que soit le cadre d’exercice. » Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci. »
La transmission du document écrit à un tiers par la personne concernée que permet la formule « pour valoir ce que de droit » est conforme à l’article 17 puisque les éléments sont transmis par elle donc avec son accord sur le contenu. Ici les réponses apportées concernent les préoccupations de la patiente quant aux accusations qui pourraient la viser. La Commission n’a pas trouvé dans cet écrit d’éléments de diffamation à l’égard du demandeur susceptibles de représenter un danger. Si certains propos de sa patiente cités par elle contiennent des accusations infondées à l’égard du requérant, ou des éléments inexacts, la psychologue les rapporte de telle façon qu’on ne peut pas supposer qu’elle-même prétende avoir été témoin des faits allégués. Cependant, la psychologue aurait pu être encore plus prudente dans ses formulations pour prendre en compte le fait que dans des entretiens thérapeutiques, les seuls éléments dont dispose le professionnel sont issus du discours des patients. Le psychologue construit un sens faisant le lien entre leur état et les événements et relations qu’ils ont vécus et vivent encore, mais ne peut rendre compte que de leur propre ressenti de ces évènements et relations en prenant en compte les préconisations de l’article 25 : Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »
La psychologue aurait gagné à s’appuyer sur le Principe 2 cité plus haut qui enjoint aux praticiens la plus grande prudence, ainsi que mesure et discernement.
Pour la CNCDP La Présidente Michèle Guidetti La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur. Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité. |
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