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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

La demandeuse est divorcée depuis dix ans d’un homme avec qui elle a eu deux enfants, une fille aujourd'hui adolescente et un garçon plus jeune. Tous deux ont été reçus par une même psychologue. Les rencontres se sont déroulées sur trois ans. Débutées deux ans après le divorce, elles concernaient l'aînée des enfants, qui présentait d’importantes difficultés relationnelles, essentiellement avec ses camarades et qualifiées de faits de « harcèlement » par cette mère.

Celle-ci souhaite faire un « signalement » auprès de la Commission à propos de cette psychologue qui a rédigé « une attestation » à la demande de son ex-époux, concernant leur fille. Le père aurait produit ce document « dans le cadre d’une procédure devant le Juge aux Affaires Familiales » (JAF), afin d’obtenir la garde exclusive des enfants. Dans un autre document, cette psychologue « atteste » avoir également rencontré leur fils « à plusieurs reprises ».

La mère lui reproche d’avoir enfreint plusieurs articles du Code ainsi qu’un article du Code civil relatif à l'autorité parentale. Elle attend que la Commission tire « les conséquences appropriées », en vertu de l’impact qu’elle juge « extrêmement difficile et douloureux » de ses « agissements » envers ses enfants et elle-même.

Documents joints :

  • Copie d’un écrit non titré rédigé par la psychologue et comportant le tampon d’une avocate.
  • Copie de la carte d’identité de la psychologue.
  • Copie d’une lettre adressée par la demandeuse à cette même psychologue.
  • Copie d’une série de SMS échangés entre la demandeuse et la psychologue, puis entre la psychologue et le père des enfants.
  • Copie de la photocopie d’un écrit rédigé par la psychologue attestant avoir reçu le second enfant du couple, comportant le tampon d’une avocate.
  • Copie de la photocopie de la première et de la dernière page d’un rapport d’expertise médico-psychologique rédigé par une psychiatre.
  • Copie de la photocopie d’un certificat médical établi par un psychiatre attestant le suivi en hospitalisation de la demandeuse.
Posté le 12-01-2022 20:40:36

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Discernement
- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Reconnaissance de la dimension psychique des personnes
- Respect du but assigné
- Responsabilité professionnelle

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Les écrits du psychologue dans un contexte de conflit judiciaire entre parents : responsabilité, impartialité et prudence.

Les écrits du psychologue dans un contexte de conflit judiciaire entre parents : responsabilité, impartialité et prudence.

Le psychologue peut être amené à rédiger des documents divers qui engagent sa responsabilité. Il les construit en toute autonomie en ayant soin de réfléchir à l’usage potentiel qui pourra en être fait, comme l’indiquent les Principe 3 et 6 :

Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis quil formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer ».

Principe 6 : Respect du but assigné

« Les dispositifs méthodologiques mis en place par le psychologue répondent aux motifs de ses interventions, et à eux seulement. En construisant son intervention dans le respect du but assigné, le psychologue prend notamment en considération les utilisations qui pourraient en être faites par des tiers ».

Le psychologue agit dans le respect des droits de ceux qui le consultent et de leur dimension psychique, en cohérence avec le Principe 1 et l’article 2 du Code :

Principe 1 : Respect des droits de la personne  

« Le psychologue réfère son exercice aux principes édictés par les législations nationale, européenne et internationale sur le respect des droits fondamentaux des personnes, et pécialement de leur dignité, de leur liberté et de leur protection. Il s'attache à respecter l'autonomie d'autrui et en particulier ses possibilités d'information, sa liberté de jugement et de décision. Il favorise l'accès direct et libre de toute personne au psychologue de son choix. Il n’intervient qu’avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées. Il préserve la vie privée et l'intimité des personnes en garantissant le respect du secret professionnel. Il respecte le principe fondamental que nul n'est tenu de révéler quoi que ce soit sur lui-même ».

Article 2 : «  La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur les composantes psychologiques des individus considérés isolément ou collectivement et situés dans leur contexte ».

Dans le cas présent, les deux parents ont rencontré et échangé avec la psychologue, lorsqu’ils accompagnaient leur fille aux différents rendez-vous. Au moment de rédiger l'écrit mis en cause ici, la psychologue disposait donc de nombreux éléments concernant chacune des personnes et avait légitimité à proposer un écrit. De surcroît, une initiative rédactionnelle invite le psychologue à se conformer à un minimum de caractéristiques formelles rappelées dans l'article 20 :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. » 

Ici, le document transmis à la Commission s’apparente plutôt à un compte rendu de consultation. Il contient les exigences formelles attendues, mais sans préciser son objet et son destinataire. En cela, il est difficile de déterminer dans quel contexte il a été produit et à la demande de qui il a été rédigé. Ces omissions présentent aujourd’hui le risque d’en diminuer la portée, même si au moment de sa rédaction, ce document ne s'inscrivait pas encore dans le cadre d'une procédure judiciaire. La Commission rappelle combien le sort d'un document n'appartient plus à son rédacteur dès lors que l'écrit est remis à son destinataire. Le psychologue doit être conscient que ses écrits peuvent être ultérieurement produits lors d’une démarche judiciaire ou contentieuse. Cela invite à toute la prudence nécessaire dans les termes choisis, comme le rappelle le Principe 2 :

Principe 2 : Compétence

«  […] Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute     intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

De plus, le psychologue est averti du fait que ses propos ont toujours leurs propres limites. Ils pourront être contestés voire réfutés, comme le lui rappellent le Principe 4 et l'article 25 :

Principe 4 : Rigueur

« Les modes d'intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir faire l'objet d'une explicitation raisonnée et d'une argumentation contradictoire de leurs fondements théoriques et de leur construction. Le psychologue est conscient des nécessaires limites de son travail. »

Article 25 : « Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et interprétations. Il prend en compte les processus évolutifs de la personne. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives concernant les ressources psychologiques et psychosociales des individus ou des groupes. »

Dans la situation présente, si la psychologue estimait opportun, comme elle le mentionne dans le document, de faire un signalement auprès des autorités compétentes à propos de la situation de sa patiente, il était dans son droit et son devoir d'y recourir, comme précisé par l'article 19 :

Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés ».

Dans la perspective d'une possible prise de connaissance du document par la mère de sa patiente, il eut été certainement bienvenu que l'écrit soit porté à l'attention de la demandeuse, comme l'indique l'article l7, ceci après avoir évalué avec discernement l'enjeu relatif au secret professionnel vis-à-vis de ce que les enfants avaient déposé, tel que rappelé par le Principe 1 déjà cité :

Article 17 : « Lorsque les conclusions du psychologue sont transmises à un tiers, elles répondent avec prudence à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psychologique qui les fondent que si nécessaire. La transmission à un tiers requiert l’assentiment de l’intéressé ou une information préalable de celui-ci.»

 

                                                                                   Pour la CNCDP

                                                                                   La Présidente

                                                                                   Michèle Guidetti

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

Toute utilisation des avis de la CNCDP par les demandeurs se fait sous leur entière responsabilité.

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