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RÉSUMÉ DE LA DEMANDE

Le père d’un enfant âgé aujourd’hui d’environ 5 ans, sollicite l’avis de la Commission au sujet des pratiques d’une psychologue qui reçoit son fils depuis presque deux ans, à la demande de la mère.

Le couple, séparé depuis plus de trois ans, est toujours en instance de divorce. Au départ, il s’était mis d’accord pour que le père puisse accueillir son fils un week-end sur trois, au domicile des grands-parents paternels. Les hébergements se sont ensuite poursuivis dans le logement du demandeur.

C’est au moment de « finaliser une convention de divorce par consentement mutuel sous seing privé » qu’un « incident » corporel chez l’enfant a pris des proportions telles, qu’une Information Préoccupante (IP) puis une plainte pour « suspicions de violences sur mineur par ascendant » ont été instruites, à l’initiative de la mère. Une « enquête au pénal » aurait ensuite été « traitée et classée sans suite ». Un référé devant le Juge aux Affaires Familiales (JAF) avait parallèlement conduit à ordonner un bilan psychosocial et à fixer provisoirement le droit de visite du père dans un lieu neutre. C’est après plus d’un an de procédures que le père du garçon et ses grands-parents ont pu voir leurs droits rétablis.

Depuis la séparation du couple, l’enfant manifestait différents symptômes somatiques pris alors en charge au niveau médical. C’est ensuite, dans un contexte particulièrement conflictuel, qu’un suivi psychologique a alors été initié par la mère. Le père, sans s’y être explicitement opposé, n’aurait cependant été ni contacté ni reçu par la psychologue. Des signes de souffrance psychologique se sont ensuite précisés pour l’enfant au moment des interventions judiciaires qui opposaient la famille.

La psychologue, en charge de cette intervention, a produit trois documents soumis par le demandeur à l’appréciation de la Commission. Le père estime que ces écrits manquent « d’objectivité » et le discréditent. Il souhaite « mettre un terme » au suivi de son fils chez cette praticienne et connaître les démarches qui lui permettraient d’obtenir des « sanctions » à son encontre.

Documents joints :

Trois écrits, signés par une « psychologue, psychothérapeute », portant chacun un tampon d’avocat.

Posté le 12-10-2021 19:55:27

Avis et classification CNCDP

Année de la demande : 2020

Demandeur :
Particulier (Parent)

Contexte :
Procédure judiciaire entre parents

Objet de la demande :
Écrit d’un psychologue
Précisions :
Compte rendu

Questions déontologiques associées :

- Écrits psychologiques (Identification des écrits professionnels)
- Impartialité
- Responsabilité professionnelle
- Transmission de données psychologiques (Compte rendu aux parents)

La Commission se propose de traiter du point suivant :

  • Interventions du psychologue auprès d’un mineur dans le contexte d’un divorce conflictuel.

Interventions du psychologue auprès d’un mineur dans le contexte d’un divorce conflictuel.

           Dans les situations de séparation conjugale, il est entendable que l’un des parents souhaite initier un suivi psychologique pour un enfant mineur, en particulier quand celui-ci présente des symptômes ou des troubles perçus comme inquiétants. Ce type de contexte conduit le psychologue à être vigilant dans la détermination de l’objectif de son intervention et son explicitation aux personnes concernées, comme précisé dans les articles 9 et 10 :

Article 9 : « Avant toute intervention, le psychologue s'assure du consentement libre et éclairé de ceux qui le consultent ou qui participent à une évaluation, une recherche ou une expertise. Il a donc l’obligation de les informer de façon claire et intelligible des objectifs, des modalités, des limites de son intervention et des éventuels destinataires de ses conclusions. »

Article 10 : « Le psychologue peut recevoir à leur demande, des mineurs ou des majeurs protégés par la loi en tenant compte de leur statut, de leur situation et des dispositions légales et réglementaires en vigueur. »

Ici, le demandeur précise que son consentement n’a pas été explicite. Au début de l’intervention, lorsque son fils avait 3 ans, la psychologue ne l’a pas non plus contacté. Cette dernière précise, pour sa part, que le père était « au courant de la prise en charge » et qu’il ne « s’est jamais manifesté » auprès d’elle, ce qui n’est pas en totale conformité avec l’article 11 qui ne postule aucune modalité particulière pour qu’un parent atteste ou récuse son « consentement » :

Article 11 : « L’évaluation, l’observation ou le suivi au long cours auprès de mineurs ou de majeurs protégés proposés par le psychologue requièrent outre le consentement éclairé de la personne, ou au moins son assentiment, le consentement des détenteurs de l'autorité parentale ou des représentants légaux. »

En effet, l’autorité parentale partagée prévoit que le consentement d’un parent est réputé acquis, quand l’autre parent engage une consultation pour leur enfant. Or, dans une situation de séparation conflictuelle, la Commission estime qu’il est important que le psychologue propose de recevoir les deux parents, afin de mieux cerner la dynamique familiale. Il fait ainsi preuve de discernement, d’impartialité et d’équité au sens du Principe 2 en tentant de prévenir son éventuelle instrumentalisation dans le conflit :

Principe 2 : Compétence 

« Le psychologue tient sa compétence :

(…) de sa formation à discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui. Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières. Il définit ses limites propres compte tenu de sa formation et de son expérience. Il est de sa responsabilité éthique de refuser toute intervention lorsqu'il sait ne pas avoir les compétences requises. Quel que soit le contexte de son intervention et les éventuelles pressions subies, il fait preuve de prudence, mesure, discernement et impartialité. »

Par ailleurs, produire un document écrit à la demande de son consultant ou à la demande d’un tiers, relève de la responsabilité et de l’autonomie du psychologue comme l’énonce le Principe 3 :

            Principe 3 : Responsabilité et autonomie

« Outre ses responsabilités civiles et pénales, le psychologue a une responsabilité professionnelle. Dans le cadre de sa compétence professionnelle, le psychologue décide et répond personnellement du choix et de l'application des méthodes et techniques qu'il conçoit et met en œuvre et des avis qu’il formule. Il peut remplir différentes missions et fonctions : il est de sa responsabilité de les distinguer et de les faire distinguer. »

Ici, le premier écrit de la psychologue se présente comme un compte rendu de consultation. Il a été rédigé au moment où une enquête sociale était mandatée par le JAF pour statuer sur les droits de garde du père. En parallèle, la mère avait déposé plainte contre ce dernier pour agression sexuelle sur leur fils. Ledit écrit met en relation les symptômes du petit garçon avec la reprise des contacts avec son père au domicile des grands-parents paternels, inférant une perturbation psychique en lien avec ce droit de visite. Rien ne précise sur le document s’il a été produit à la demande de la mère « pour faire valoir ce que de droit », comme il est d’usage dans tout document dans lequel le signataire atteste la réalité d’un fait afin qu’il serve de preuve lors d’une procédure judiciaire, par exemple.

Le deuxième écrit de la psychologue, rédigé deux mois et demi après le premier, développe de manière très détaillée la même interprétation et implique l’attitude des grands-parents paternels. La Commission tient à souligner que le psychologue ne peut porter des interprétations sur des personnes qu’il n’a pas rencontrées, comme mentionné à l’article 13 :

Article 13 : « Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées. Son évaluation ne peut cependant porter que sur des personnes ou des situations qu'il a pu lui-même examiner. »

Le troisième écrit, rédigé cinq mois après le premier, renforce le contenu des deux premiers. Il manque de discernement et de prudence, en décrivant à nouveau les suspicions de la mère concernant de possibles abus sexuels : son fils serait rentré d’un hébergement chez son père en étant « gercé au niveau de l’anus ». Ledit écrit ne se présente en aucun cas sous la forme d’un signalement à l’autorité judiciaire.

Or, si un psychologue estime qu’un enfant est en danger, il ne peut méconnaître les dispositions légales prévues dans ces circonstances, comme le stipule l’article 19 :

Article 19 : « Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi commune. Dans le cas de situations susceptibles de porter atteinte à l'intégrité psychique ou physique de la personne qui le consulte ou à celle d'un tiers, le psychologue évalue avec discernement la conduite à tenir en tenant compte des dispositions légales en matière de secret professionnel et d'assistance à personne en péril. Le psychologue peut éclairer sa décision en prenant conseil auprès de collègues expérimentés. »

Dans le cas présent, une « Information préoccupante » a déjà été déposée auprès des services départementaux de protection de l'enfance, ainsi qu'un signalement auprès du Parquet des mineurs, les deux classés sans suite. Si la psychologue estimait qu'un danger persistait encore, elle aurait dû effectivement s'appuyer sur l'article sus-cité.

Enfin, les trois documents ne respectent pas le cadre formel attendu et rappelé dans l’article 20. Ils ne mentionnent pas l’objet de l’écrit, ni ne renseignent le numéro ADELI de la psychologue :

Article 20 : « Les documents émanant d'un psychologue sont datés, portent son nom, son numéro ADELI, l'identification de sa fonction, ses coordonnées professionnelles, l'objet de son écrit et sa signature. Seul le psychologue auteur de ces documents est habilité à les modifier, les signer ou les annuler. Il refuse que ses comptes rendus soient transmis sans son accord explicite et fait respecter la confidentialité de son courrier postal ou électronique. »

Pour conclure, la Commission précise qu’il n’est pas dans ses prérogatives de prononcer d’éventuelles sanctions contre cette praticienne. Si, dans ce type de situation, où l'enfant est l’enjeu de problématiques impliquant davantage un ancien couple que des parents, des processus de réparation de préjudice sont souvent engagés, c’est à la Justice qu’il appartient néanmoins de se prononcer sur leur bien-fondé. Le demandeur a vu ses droits de visite et d’hébergement rétablis, plus d’une année après le début des diverses procédures et enquêtes sociales. Cependant, son autorité parentale n’a, à aucun moment, été suspendue. Il lui était donc possible de chercher à rencontrer cette psychologue voire de s’opposer à la poursuite du suivi de son fils chez elle, dès le début de l’intervention, tout en demandant par exemple au JAF d’intervenir, afin de trouver un compromis avec la mère sur le choix d’un lieu plus neutre.

Pour la CNCDP

La Présidente

Michèle GUIDETTI

La CNCDP a été installée le 21 juin 1997 par les organisations professionnelles et syndicales de psychologues. Ses membres, parrainés par les associations de psychologues, siègent à titre individuel, ils travaillent bénévolement en toute indépendance et sont soumis à un devoir de réserve. La CNCDP siège à huis clos et respecte des règles strictes de confidentialité. Les avis rendus anonymes sont publiés sur les sites des organisations professionnelles avec l’accord du demandeur.

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